
Les prédictions autour de la valeur du bitcoin font débat

Celui qui prétend connaître son prix à l’avenir est un menteur.» Jonathan Herscovici, fondateur et directeur général de StackinSat, une fintech qui a créé un plan d'épargne bitcoin, est formel : «Personne ne peut prévoir le prix du bitcoin.» Pourtant, depuis quelques mois, les prédictions autour de la valorisation du bitcoin vont bon train. Avec une cible qui revient régulièrement : le cours de la monnaie numérique pourrait atteindre les 100.000 dollars d’ici la fin de l’année.
C’est ce qu’estiment par exemple les analystes de Bloomberg, depuis que le bitcoin a franchi le seuil symbolique de 50.000 dollars fin février. Une fois que la cryptomonnaie s’établira «au-dessus» d’un nouveau seuil symbolique, avec une profondeur de marché plus importante, comme 100.000 dollars, «la volatilité» dont est victime le bitcoin «devrait s’effondrer», écrivent-ils.
Même son de cloche du côté de Goldman Sachs, qui a publié cette semaine les résultats d’une enquête auprès de 280 de ses clients institutionnels. 20% de ces derniers tablent sur un seuil de 100.000 dollars avant la fin de l’année. «Il s’agit d’un seuil psychologique, il n’y a aucun modèle mathématique qui peut le prédire», insiste Jonathan Herscovici. De son côté, Nikolaos Panigirtzoglou, analyste chez JPMorgan, évoque un «objectif théorique de 146.000 dollars» à long terme.
«Je ne suis pas convaincu par ces différentes théories», confie Vincent Boy, analyste marché chez IG, qui considère que la valorisation actuelle du bitcoin, autour de 50.000 dollars, est déjà «trop élevée». «Tout ce qui se dit n’est pas encore justifié : tout cela dépend de l’idée du bitcoin, peut être que certaines théories sont vraies. Jusqu’à preuve du contraire, il s’agit d’un actif spéculatif», poursuit-il.
Plusieurs modèles
100.000 dollars, 146.000 dollars... sur quels éléments se basent ces différentes prédictions ? Quelques approches financières tentent d’estimer la valeur du bitcoin. Par exemple, le modèle de vélocité : comme le bitcoin «peut être assimilé à une devise compte tenu de sa nature, il est alors possible d’utiliser l’équation MV=PQ pour en estimer la valeur», souligne Stéphane Ifrah, co-fondateur de Napoleon Group. PQ représente la valeur totale des transactions, V la vélocité et M la capitalisation du marché du bitcoin. Le modèle de vélocité permet d'évaluer le prix du Bitcoin en utilisant la taille des échanges en bitcoins et le nombre de bitcoins en circulation.
Il existe également le modèle réseau selon lequel plus un réseau est étendu - comme un réseau social - , plus sa valeur est importante. Autre modèle : celui du coût de production des mineurs de bitcoin, le procédé par lequel les transactions sont sécurisées. «Le coût de production est estimé à 5.000-6.000 dollars par bitcoin avant le halving (lorsque la prime de minage est divisée par deux, ndlr). Il ne serait pas déraisonnable d’avoir un prix 2 à 3 fois supérieur à ces coûts-là, a minima», précise Stéphane Ifrah.
Aux yeux de nombreux experts, un modèle semble le plus coller à l’analyse prédictive du bitcoin : celui du stock-to-flow. Ce dernier a vu le jour en 2014, et est utilisé par l’expert en cryptomonnaies PlanB depuis 2019, qui revendique la rareté de l’actif. Le modèle analyse la production actuelle de bitcoins et calcule en combien d’années on peut reconstituer le stock. Il donne «une direction, et non pas une valorisation, sur la façon dont le prix évolue», confie Stéphane Ifrah. Accessible en ligne, le stock-to-flow du bitcoin montre une courbe en marche d’escaliers correspondant aux périodes de halving du bitcoin, qui interviennent tous les quatre ans.
Auto-réalisation ?
La courbe suit une trajectoire croissante du prix du bitcoin, les différentes phases de halving permettant de multiplier mécaniquement son prix par deux. Et d’un coup, le chiffre des 100.000 dollars semble prendre tout son sens. «Le dernier halving (le troisième de l’histoire du bitcoin, ndlr) a eu lieu en mai dernier, d’où la projection vers les 100.000 dollars d’ici la fin de l’année», précise Stéphane Ifrah. Si l’on suit cette courbe, le prix du bitcoin pourrait atteindre… un million de dollars en 2026, après le prochain halving.
Mais il s’agit d’un modèle prédictif, «et donc, à prendre avec beaucoup de précaution», prévient Jonathan Herscovici. «Est-ce qu’on peut parler de rareté pour le bitcoin actuellement ?», s’interroge Vincent Boy à propos de ce modèle. «Je ne crois pas. Mais si beaucoup de personnes suivent le modèle du stock-to-flow, c’est de l’auto-réalisation. Pour le moment il n’y a pas de pertinence à se dire que le prix augmente car le bitcoin devient plus rare, c’est un actif uniquement spéculatif».
Phases de marché
Vincent Boy, qui réalise des analyses sur le prix des actions, ne donne d’ailleurs jamais de prix pour le bitcoin. « Il n’y a aucun élément qui peuvent nous donner une valorisation exacte ou un semblant de valorisation du besoin », estime-t-il. Pour lui, s’il est facile d’utiliser des modèles mathématiques pour calculer la valorisation d’une action, les données fondamentales sur le bitcoin restent rares, à part le taux d’utilisation de l’actif et le nombre total de bitcoins en circulation. «A partir du moment où le bitcoin sera utilisé à part entière, et non pas comme une valeur spéculative, c’est à dire à partir du moment où de nombreuses sociétés utiliseront du bitcoin pour payer, on pourra réaliser des modèles plus pertinents et ainsi peut être donner une vraie valeur au bitcoin», imagine-t-il.
Malgré ces débats, certains faits macro-économiques sont là. «Les spécialistes du bitcoin raisonnent en phases de marché, haussières ou baissières», souligne Nicolas Chéron, stratégiste chez ZoneBourse. Une adoption des cryptomonnaies à l'échelle planétaire, l’entrée de fonds d’investissement ou de sociétés emblématiques comme Tesla, et le fait qu’on ne puisse pas imprimer de bitcoin comme le font les banques centrales avec les monnaies fiat, «font que les cours sont et seront potentiellement particulièrement soutenus dans les mois à venir», conclut-il.
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Cuba : fin du black-out, l’électricité est revenue après la cinquième panne en un an
La Havane - Le courant a été rétabli à Cuba, a annoncé jeudi le ministère de l’Energie et des mines, au lendemain d’une coupure générale, la cinquième en moins d’un an. «Le réseau électrique national est désormais rétabli», a fait savoir le ministère sur le réseau social X. En début de matinée, la compagnie nationale d'électricité avait annoncé que le courant était à nouveau disponible dans 11 provinces sur 15. Dans la capitale, la circulation et les activités ont repris quasiment normalement, a constaté l’AFP. «Le courant est revenu à 3h30 (7h30 GMT) du matin. Nous nous en sommes aperçus parce que nous avions laissé toutes les lumières allumées pour le savoir», a raconté à l’AFP Maria Beltran, 58 ans, qui vit dans un quartier populaire de l’ouest de La Havane. «Hier, ce n’a pas été facile. Nous sommes restés chez nous (...) assis dans un fauteuil toute la journée», a-t-elle ajouté, alors que ces coupures générales paralysent la vie économique de l'île et chamboulent la vie quotidienne des habitants. Mercredi matin, un arrêt de la centrale électrique Antonio Guiteras, la plus importante du pays, située au centre de l'île, a provoqué la déconnexion du système électrique sur l’ensemble du pays. Les autorités ont précisé par la suite que la coupure était due à un signal erroné de surchauffe dans la chaudière de la centrale. Depuis octobre 2024, l'île communiste a ainsi subi cinq pannes généralisées, dont certaines ont duré plusieurs jours. Cette dernière coupure a duré un peu plus de 24 heures. Cuba est en proie depuis cinq ans à une profonde crise économique, avec un manque cruel de devises, et le système électrique vétuste souffre d’avaries fréquentes et de pénuries de combustible. Les huit centrales électriques du pays ont presque toutes été inaugurées dans les années 1980 et 1990. Elles tombent régulièrement en panne ou doivent être arrêtées pour de longues semaines de maintenance. L’installation récente de trente parcs photovoltaïques, soutenue par la Chine, sur les 52 prévus pour cette année, n’a pas permis pour l’heure de faire diminuer les coupures. Pendant les fortes chaleurs l'été, lorsque la consommation atteint des pics à cause de l’utilisation de la climatisation, les délestages se sont multipliés. Selon les autorités, ces coupures programmées ont duré en moyenne près de quinze heures par jour en août et seize heures en juillet, dans tout le pays. Cuba traverse sa pire crise économique depuis trois décennies. Aux faiblesses structurelles de son économie planifiée et centralisée s’ajoutent l'échec d’une réforme monétaire récente et un renforcement de l’embargo américain, en vigueur depuis 1962. © Agence France-Presse -
Au Brésil, le procès Bolsonaro entre dans sa phase décisive
Brasilia - Le procès historique contre Jair Bolsonaro est entré jeudi dans sa phase décisive: les deux derniers juges doivent décider si l’ex-président brésilien d’extrême droite, soutenu par le dirigeant américain Donald Trump, doit être condamné pour tentative de coup d’Etat. Avec un score de 2 à 1, il manque seulement une voix à la Cour suprême pour former la majorité requise pour condamner l’ancien chef de l’État (2019-2022), qui à 70 ans risque jusqu'à 43 ans de prison. Accusé d’avoir été le chef d’une «organisation criminelle» ayant conspiré pour assurer son «maintien autoritaire au pouvoir» malgré sa défaite face au président actuel de gauche, Luiz Inacio Lula da Silva, lors de l'élection de 2022, Jair Bolsonaro clame son innocence. Seule femme de la Cour suprême, la juge Carmen Lucia a pris la parole jeudi après-midi pour livrer l’argumentation de son vote. «La loi doit être appliquée de la même façon pour tous», a-t-elle dit en soulignant l’importance du procès pour le Brésil. Son collègue Cristiano Zanin, ancien avocat de Lula, votera en dernier. Le jugement et une éventuelle peine sont attendus dans la foulée, ou vendredi. Inéligible jusqu’en 2030 et assigné à résidence à Brasilia depuis début août pour des soupçons d’entrave à son procès, M. Bolsonaro n’est pas présent aux audiences, pour motif de santé selon sa défense. Un journaliste de l’AFP a pu l’apercevoir jeudi matin dans son jardin, vêtu d’un polo vert et d’un pantalon sombre, en compagnie d’un proche. «Réparation historique» Le procès divise fortement une opinion ultra-polarisée, y compris dans la capitale. Pour Germano Cavalcante, ingénieur civil de 60 ans, «ce procès n’est pas juste». «Il est plus politique que judiciaire», estime-t-il. A l’inverse, Ana Karla Oliveira, 21 ans, analyste système, se dit «absolument ravie». «Je vais fêter cette condamnation», promet-elle, y voyant une «réparation historique». L’affaire Bolsonaro est aussi à l’origine d’une crise sans précédent entre la première puissance d’Amérique latine et les États-Unis. Dénonçant une «chasse aux sorcières» contre son allié d’extrême droite, le président américain Donald Trump a imposé une surtaxe punitive de 50% sur une part importante des exportations brésiliennes. Washington a également annulé les visas de plusieurs juges de la Cour suprême brésilienne et infligé des sanctions financières à l’un d’entre eux, Alexandre de Moraes, rapporteur du procès Bolsonaro. Amnistie Le juge Moraes a été le premier à voter mardi pour la condamnation de l’ex-président, affirmant que le Brésil avait «failli redevenir une dictature» lors du supposé putsch manqué. M. Bolsonaro est jugé avec sept anciens proches collaborateurs, dont plusieurs ex-ministres et généraux. C’est la première fois qu’un ancien chef de l’État doit répondre de telles accusations, dans un pays encore hanté par le souvenir de la dictature militaire (1964-1985). Ex-ministre de la Justice de Lula, Flavio Dino a lui aussi voté pour une condamnation, estimant que les infractions jugées «ne sont pas susceptibles d’amnistie». Le message n’est pas passé inaperçu. Le courant conservateur tente en effet de faire approuver au Parlement une loi d’amnistie au bénéfice de son leader. Avec déjà en tête de possibles recours contre une condamnation attendue, le camp de l’ancien chef de l’État a célébré mercredi le vote du troisième magistrat, Luiz Fux. Développant une démonstration de plus de 11 heures, ce dernier a jusque-là été le seul à voter pour la relaxe de M. Bolsonaro. Il a démonté le dossier, dénoncé un manque de preuves et estimé que le complot évoqué n’a jamais dépassé la «phase préparatoire». Le vote du juge Fux «n’affectera pas le résultat final, mais il influencera l’histoire», escompte le député bolsonariste Luiz Lima. Ramon SAHMKOW et Louis GENOT © Agence France-Presse