Les institutionnels lorgnent les jetons de gouvernance de la crypto

Avec un premier feu vert de l’Autorité des marchés financiers, l’investissement en jetons (token) ou cryptoactifs de gouvernance, qui permettent de contrôler les protocoles décentralisés, pourrait constituer une véritable tendance dans les prochains mois.
L’heure de la tokenisation des fonds a sonné (blockchain, crypto, data, NFT, réseaux)
Les jetons de gouvernance permettent à leurs détenteurs de contrôler les protocoles crypto  -  © AdobeStock

C’est un feu vert qui pourrait marquer un tournant. L’Autorité des marchés financiers (AMF) a récemment autorisé le fonds d’investissement XAnge à investir directement dans un projet crypto en acquérant notamment ses jetons (token) ou cryptoactifs de gouvernance.

«Jusqu’ici, cette tendance était largement propre à des projets 100% crypto, mais d’autres fonds plus classiques arrivent avec des stratégies d’investissement plus diversifiées», explique Karima Lachgar, avocate spécialisée en droit financier, associée chez Osborne Clarke. Avec ce type d’investissement, un fonds pourra espérer à la fois agir sur la gouvernance d’un projet et profiter d’une éventuelle prise de valeur du jeton. «Investir directement en jetons est plus adapté à la structure propre aux projets de finance décentralisée (DeFi)», explique à L’Agefi Luc Jodet, partenaire chez XAnge en charge des investissements crypto. Son fonds ambitionne de consacrer une enveloppe globale d’environ 80 millions d’euros aux investissements en amorçage.

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L’exemple Andreessen Horowitz

L’écosystème d’un projet de finance décentralisée, comme Aave ou MakerDAO, se compose d’une entreprise qui réalise des activités de développement informatique pour lancer un protocole proposant un certain nombre de services financiers. La gouvernance de ce protocole a vocation, à terme, à être décentralisée, c’est-à-dire dirigée par l’ensemble des utilisateurs, avec une perte progressive d’influence de l’entreprise d’origine. Pour orienter les décisions stratégiques du protocole, les utilisateurs votent en fonction du nombre de jetons dont ils disposent au sein d’une organisation autonome décentralisée (DAO).

Les fonds d’investissement ont donc intérêt, à la fois, à investir en equity de manière assez classique dans l’entreprise qui lance le protocole, et à acquérir un maximum de jetons de gouvernance afin de garder une influence sur son développement futur. De manière générale, les investisseurs présents en amorçage bénéficient d’une part de jetons qui seront mis en circulation via la blockchain.

Les premiers effets de ce nouveau type de gouvernance, encore difficilement appréhendé par les régulateurs, ont été observés au mois de janvier. Andreessen Horowitz (a16z), qui dispose de la plus grande enveloppe globale du marché dédiée aux investissements crypto, avec près de 8 milliards de dollars, a tenté de s’opposer à une proposition faite au sein de la DAO d’Uniswap, une des plateformes d’échange décentralisées les plus populaires du secteur. Il était question de déployer le protocole sur la BNB Chain, la blockchain de l’écosystème de Binance, via un bridge, c’est-à-dire une passerelle nécessaire à l’interopérabilité entre blockchains. A16z était contre un déploiement via Wormhole, préférant une solution incluant LayerZero, dont il a mené la dernière levée de fonds de 135 millions de dollars avec Sequoia en mars 2022. Sachant qu’Andreessen Horowitz avait également participé à la Série B d’Uniswap de 165 millions de dollars en octobre 2022.

Finalement, le fonds n’avait pas eu gain de cause, après une mobilisation importante de nombreux investisseurs de l’écosystème, dont une majorité craignent une mainmise des capital-risqueurs traditionnels sur la DeFi.

Un chemin réglementaire possible

Outre le respect des règles de blanchiment d’argent, l’essentiel des points de vigilance du régulateur s’est concentré autour des règles de ségrégation entre le fonds d’investissement et son dépositaire agréé. Dans le cas de XAnge, l’AMF a jugé le montage adéquat avec la réglementation actuelle. «Nous prévoyons de consacrer près de 30% de nos investissements au jeton, toujours avec des projets en phase d’amorçage», précise Luc Jodet.

En revanche, de nombreuses interrogations persistent concernant le processus de création des jetons de gouvernance, qui peuvent être distribués comme intérêts, par exemple pour récompenser les utilisateurs en fonction de leur investissement dans le protocole. «Il y a une vraie question concernant l’utilité de ce type de jetons, dont certains projets ont abusé de la distribution pour simplement attirer les utilisateurs afin d’augmenter leur utilisation à des fins spéculatives. Il y a heureusement, depuis, de véritables réflexions en cours sur ce sujet», précise le responsable crypto chez XAnge.

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