
L’écosystème crypto plonge dans une crise de confiance

Un frisson parcourt l’écosystème crypto depuis le calvaire subit par FTX dont la chute paraissait encore impossible à imaginer il y a quelques jours. Si la deuxième plus grande plateforme crypto et l’empire de Samuel Bankman-Fried (SBF), devenu icône du secteur, peuvent être balayés en moins d’une semaine, quelle est la solidité des autres acteurs? Et surtout, la crédibilité de l’écosystème peut-elle en pâtir sur le long terme?
Colosse aux pieds d’argile
En octobre dernier, Samuel Bankman-Fried jouissait encore de sa stature de jeune entrepreneur crypto à succès. Il faisait partie du classement 2022 des cent personnalités les plus influentes du monde établi par Forbes.
Depuis le lancement de son entreprise de trading Alameda Research en 2017 après avoir quitté son poste d’opérateur de marché chez le hedge fund Jane Street, SBF n’avait quasiment connu que des succès avec à la clé une croissance très rapide de sa galaxie. En 2019, il lançait la plateforme d’échanges de cryptomonnaies FTX réputée pour son trading, «un produit vraiment bien conçu et qui marchait très bien», explique Nicolas Louvet, PDG de Coinhouse.
La plateforme va enchaîner les levées de fonds jusqu’à porter sa valorisation en janvier dernier à 32 milliards de dollars et compter parmi ses investisseurs des grands noms de la finance classique comme SoftBank, Sequoia Capital ou encore BlackRock.
Surfant sur son succès, FTX s’est employé à élargir son champ d’activité en concluant d’onéreux partenariats à prix d’or, notamment avec l’achat d’un encart publicitaire lors du Super Bowl 2021. Selon le Wall Street Journal, Samuel Bankman-Fried était également le deuxième plus gros donateur personnel de la campagne de l’actuel président américain Joe Biden avec 5,2 millions de dollars.
Le 12 octobre, il se déclarait «totalement d’accord avec la régulation» des cryptos et proposait même d’aider les régulateurs «de quelque manière que ce soit». FTX menait également d’importantes actions de lobbying à Washington. Une situation cocasse puisque la chute de la plateforme a révélé de nombreuses irrégularités et de graves erreurs de gestion et de sécurité sur ses fonds, avec des transferts de FTX vers Alameda Research qui pourraient se compter en milliards.
La plateforme disposerait d’un milliard de dollars d’actifs liquides, dont 472 millions d’actions Robinhood, pour 9 milliards de passifs, indiquait dimanche le Financial Times. Selon le Wall Street Journal, 370 millions d’euros appartenant aux clients de FTX manqueraient à l’appel après un acte de piratage ces derniers jours.
«Ce qui vient de se passer est caractéristique d’une industrie qui n’est pas encore mature. On a parfois l’impression que l’écosystème est porté par de jeunes figures médiatiques qui sont à la tête de choses qui les dépassent un peu», explique un entrepreneur crypto. Les autorités américaines ont ouvert une enquête concernant la gestion des fonds des clients de FTX. La police des Bahamas, où réside Samuel Bankman-Fried, est aussi à l'œuvre.
«Personnellement, je ne suis pas inquiet sur le long terme concernant la réputation du secteur. Les acteurs classiques sont convaincus de l’utilité de l’infrastructure crypto. D’ailleurs, la chute de FTX n’a pas du tout touché le fonctionnement des blockchain Bitcoin et Ethereum», rappelle Nicolas Louvet.
Peur sur les plateformes
Dans la foulée de cette débâcle historique, près de 3 milliards de dollars de bitcoins ont toutefois été sortis des plateformes d’échanges selon les données de Glassnode, par des utilisateurs soucieux de sécuriser leurs fonds. Un rythme jamais vu depuis avril 2021. Il témoigne du doute qui s’est emparé du marché à propos de la solidité et de la gestion des fonds par les plateformes d’échanges.
Alors que son concurrent était à l’agonie, Binance par la voix de son PDG a annoncé plus de transparence notamment en publiant des preuves de réserves des fonds. Ce à quoi se sont engagées la quasi-totalité des plateformes les plus connues. Jusqu'à présent, FTX n’avait jamais officiellement communiqué sur son nombre d’utilisateurs ni sur le montant déposé par ces derniers. En se plaçant le 11 novembre sous le régime américain des faillites, le groupe a évoqué 100.000 créanciers.
Les doutes se sont notamment portés ces dernières heures sur Crypto.com. Cet acteur a récemment annoncé vouloir installer son siège européen à Paris et revendique 70 millions d’utilisateurs. Plusieurs grandes figures de l’écosystème ont appelé à rapidement sortir des fonds de la plate-forme. Les interrogations concernent aussi un transfert de l’équivalent de 400 millions de dollars d’Ethereum par Crypto.com qui peinait à justifier cette transaction, affirmant que c’était «une erreur». Ce dimanche, le CRO, la cryptomonnaie native de crypto.com dévissait de plus de 25%. L’effet domino ne fait peut-être que commencer.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse