
Ubisoft sacrifie son exercice 2022-2023 au risque de ternir sa crédibilité

Ubisoft chavire en Bourse. L’action de l'éditeur de jeux vidéo s’est effondrée de 14%, à 20,5 euros. La valeur est chahutée à la suite de l’avertissement émis par le groupe fondé et contrôlé par la famille Guillemot sur ses résultats de l’exercice 2022-2023.
Pour la période, Ubisoft prévoit désormais une baisse de plus de 10% sur un an de son «net bookings», l'équivalent de son chiffre d’affaires, contre une hausse supérieure à 10% attendue auparavant. Le résultat opérationnel de l’exercice en cours devrait en outre ressortir négatif à hauteur de 500 millions d’euros, alors que les dirigeants du groupe escomptaient jusqu'à présent un résultat positif de 400 millions d’euros.
Aussi abyssal que soit l'écart entre ces prévisions, le point de départ de l’alerte est extérieur à Ubisoft «et non pas spécifique à un problème d’exécution», relève Morgan Stanley. L’avertissement sur résultats lancé par l'éditeur britannique Frontier Developments en début de semaine suggérait déjà la morosité ambiante du marché mondial des jeux vidéo. Dans son communiqué, Ubisoft a indiqué être confronté à des défis sectoriels majeurs, dans un contexte macroéconomique dégradé ayant provoqué une baisse «marquée et surprenante» de ses ventes depuis le mois dernier.
Dépréciations
«Cette configuration de marché a poussé les dirigeants d’Ubisoft à faire preuve d’opportunisme et à ‘sacrifier’ l’exercice 2022-2023 pour lequel les objectifs financiers ne paraissaient plus atteignables», souligne un gérant basé à Paris. Pour la sixième fois depuis 2018, la société a reporté la date de sortie de son jeu de batailles navales «Skull and Bones», qui devait être commercialisé le 9 mars 2023. Le titre devrait finalement être disponible au début de l’exercice 2023-2024, qui débutera le 1er avril. Ubisoft a également annoncé la dépréciation accélérée d’environ 500 millions d’euros de la recherche et développement capitalisée. «Une manière de charger la barque», appuie ce même gérant. Pour TP ICAP Midcap, cet apurement partiel du bilan «semble aussi plus sain pour le futur».
D’ailleurs, pour le plus long terme, Ubisoft se veut davantage rassurant. Le groupe a fait part de son intention de réduire sa base de coûts non variables de plus de 200 millions d’euros au cours des deux prochains exercices, grâce à des restructurations ciblées, à la cession de certains actifs non essentiels et à l’attrition naturelle habituelle. La base de coûts non variables devrait s'établir à 1,8 milliard d’euros à fin mars 2023. Cette mesure «apporte un certain réconfort», reconnaît Citi, qui confirme sa recommandation à «acheter» sur la valeur.
Des objectifs de cours divisés par deux
La plupart des analystes sont toutefois ébranlés par les annonces du groupe. Déplorant les incertitudes qui entourent le calendrier de sortie des titres édités par Ubisoft et leur succès potentiel, JPMorgan a abaissé sa recommandation de «surpondérer» à «neutre» sur la valeur. La banque d’affaires américaine a également réduit son objectif de cours sur le titre de 46 à 24 euros.
«Nous sommes déboussolés par l’ampleur des difficultés rencontrées par Ubisoft qui impliquent une forte révision à la baisse de nos prévisions de résultats», commente de son côté Oddo BHF, qui a déclassé l’action de «surperformance» à «neutre» tout en divisant par deux son objectif de cours, à 21 euros. Morgan Stanley a ramené le sien de 52 à 33 euros, en confirmant toutefois sa recommandation à «surpondérer».
En enlevant une vingtaine d’euros par titre à leur juste valeur d’Ubisoft, JPMorgan, Oddo BHF et Morgan Stanley estiment que le groupe ne mérite pas de se voir attribuer les multiples selon lesquels Activision a été racheté par Microsoft. Ces intermédiaires financiers appliquent à l’inventeur des Lapins crétins une décote de valorisation liée à la faible visibilité qu’il procure sur son activité et à ses perspectives décevantes. L’objectif de résultat opérationnel pour l’exercice 2023-2024, fixé à 400 millions d’euros par les dirigeants du groupe, est inférieur de 17% aux estimations moyennes des analystes membres du consensus Visible Alpha.
La difficulté pour Ubisoft sera de convaincre les investisseurs de la crédibilité de cet objectif de résultat opérationnel pour le prochain exercice, alors même que ses comptes 2022-2023 risquent de soulever de nouvelles interrogations sur la capacité de ses dirigeants à établir de justes prévisions.
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Népal : après les émeutes meurtrières, l'armée poursuit les tractations politiques
Katmandou - Les tractations politiques s’accélèrent vendredi au Népal autour du chef de l’armée pour tenter de nommer un nouveau Premier ministre, après les émeutes anti-gouvernementales du début de semaine, qui ont fait au moins 51 morts. Depuis mercredi, le général Ashok Raj Sigdel reçoit et consulte de nombreuses personnalités pour trouver un successeur à KP Sharma Oli, contraint mardi par la rue à présenter sa démission. Il devait s’entretenir vendredi après-midi avec le président Ramchandra Paudel, l’ex-cheffe de la Cour suprême, Sushila Karki, et une figure de la contestation, Sudan Gurung, a annoncé à l’AFP un porte-parole des manifestants, Nimesh Shresth. Réputée pour son indépendance, Mme Karki, 73 ans, est pressentie pour prendre la tête de la transition mais elle ne fait pas l’unanimité, notamment parmi les jeunes manifestants. La crise - la plus meurtrière survenue au Népal depuis l’abolition de la monarchie en 2008 - a débuté lundi, lorsque la police a ouvert le feu sur des jeunes manifestants qui dénonçaient le blocage des réseaux sociaux et la corruption des élites. Une vingtaine de manifestants ont été tués, des centaines d’autres blessés, nourrissant l’indignation et la colère de la population. Le lendemain, le chef du gouvernement a tenté de reprendre la main en ordonnant le rétablissement de Facebook, Youtube et X et promis une enquête «indépendante» sur les violences policières. Mais rien n’y a fait: des jeunes réunis sous une bannière «Génération Z» ont investi les rues de la capitale Katmandou et mis à sac de nombreux bâtiments publics, résidences de dirigeants politique et autres symboles du pouvoir. «Très tendu» Le parlement a été incendié, comme la résidence du Premier ministre, qui n’a eu d’autre choix que de présenter sa démission. Âgé de 73 ans, le chef du Parti communiste (maoïste) népalais, qui a dirigé quatre fois le gouvernement depuis 2015, menait depuis 2024 une coalition avec un parti de centre gauche. Il incarnait l'élite dont la jeunesse du pays, largement privée d’emploi et lassée de la corruption, exigeait le départ. Les troubles ont fait «au moins 51 morts (...) dont 21 manifestants et 3 policiers», a déclaré vendredi à l’AFP un porte-parole de la police, Binod Ghimire. L’armée a repris le contrôle de la capitale. Ses soldats en armes, accompagnés de véhicules blindés et de chars, continuaient vendredi à patrouiller dans les rues désertes de Katmandou sous couvre-feu. Ses habitants ont été autorisés à sortir vendredi matin quelques heures pour se ravitailler, alors que se poursuivait le grand nettoyage engagé pour effacer les traces des destructions de mardi, ont constaté des journalistes de l’AFP. «Notre priorité, c’est de faire le plein de carburant parce qu’on a besoin de notre moto pour aller travailler», a déclaré à l’AFP Laxmi Thapa, 32 ans, ravie de pouvoir mettre le nez dehors. «On est sorti aujourd’hui car la situation s’améliore», s’est-elle réjoui aux côtés de son mari. «C'était très tendu, on est resté à l’abri chez nous». «Exigences» La gigantesque chasse à l’homme lancée pour retrouver les quelque 13.500 détenus qui ont profité des troubles pour s'évader de leur prison continuait à battre son plein dans tout le pays. Moins d’un millier ont été rattrapés à ce jour, certains sur le sol de l’Inde voisine, a précisé vendredi le porte-parole de la police: «12.533 sont toujours en cavale». Le président du Népal, Ramchandra Paudel, a promis jeudi de faire «tous les efforts» pour «trouver une issue à la situation difficile que connaît le pays». L’octogénaire, à qui la Constitution impose de nommer le Premier ministre, a promis d’y parvenir «aussi vite que possible» et «de satisfaire les exigences des citoyens qui ont protesté». Les discussions sont toujours animées dans les rangs des représentants de la «Génération Z», qui peinent à s’accorder sur un nom pour diriger une transition qu’ils veulent radicale. «Nous voulons que ça change», a exhorté jeudi Sudan Gurung. «Notre première exigence, c’est la dissolution du Parlement. Et la fin de la corruption doit être une priorité absolue». «Nous voulons la transparence du gouvernement, une éducation de qualité, des opportunités d’emploi et une vie digne», a énuméré un autre, James Karki, 24 ans, devant la presse. «Je veux croire que l’armée va nous entendre». Paavan MATHEMA © Agence France-Presse