ThyssenKrupp est incité à se désengager de ses activités navales militaires

Actionnaire du conglomérat allemand, Deka Investment juge que le risque de réputation l’emporte sur le maigre bénéfice dégagé par cette division.
Martina Merz, CEO, présidente du directoire de ThyssenKrupp
Martina Merz, présidente du directoire de ThyssenKrupp.  -  Photo Thyssenkrupp.

Les investisseurs étrangers ne sont pas les seuls à douter de la stratégie menée par ThyssenKrupp. Après le fonds activiste suédois Cevian qui a vendu à l’automne dernier la quasi-totalité de sa participation dans l’entreprise, la société de gestion allemande Deka Investment a émis vendredi de vives critiques sur la présence du conglomérat industriel dans le secteur de la défense. Selon les données de Refinitiv, la société de gestion basée à Francfort détient 0,45 % des actions ThyssenKrupp, ce qui en fait son douzième plus important actionnaire.

«Nous exigeons la vente immédiate de toutes les activités de défense. Le risque de réputation et de conformité de ce secteur d’activité n’a aucun rapport avec le bénéfice généré par la division», a déclaré Ingo Speich, responsable de la durabilité et de la gouvernance d’entreprise chez Deka Investment, lors de l’assemblée générale annuelle du groupe. Si la division ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS), qui emploie environ 6.900 salariés, a enregistré un chiffre d’affaires de 1,8 milliard d’euros sur l’exercice clos le 30 septembre 2022, son bénéfice d’exploitation ajusté ne dépassait pas 32 millions d’euros. «Même une vente partielle serait un pas dans la bonne direction», a ajouté ce responsable.

Après avoir longtemps dominé la construction navale militaire outre-Rhin, TKMS souffre depuis plusieurs années d’une baisse de confiance du gouvernement fédéral en raison de retards et de surcoûts accumulés dans de nombreux programmes (corvettes, frégates ou sous-marins). ThyssenKrupp avait déjà indiqué qu’il cherchait à rendre cette division plus autonome, ouvrant la porte à des partenariats, des coentreprises ou toute autre forme de consolidation. Un désengagement complet serait néanmoins d’autant plus délicat qu’il interviendrait dans un contexte marqué par le renforcement des dépenses militaires de l’Allemagne via un budget spécial de 100 milliards d’euros voté dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Une approche prudente privilégiée par le groupe

Dans un discours prononcé lors de l’assemblée générale, Martina Merz, présidente du directoire de ThyssenKrupp, a confirmé l’approche prudente privilégiée par le groupe sur ce dossier. «Les progrès réalisés pour améliorer la performance opérationnelle de la division et l’évolution de la situation géopolitique signifient que TKMS se trouve renforcée. Cela nous permet de traiter cette question de manière prudente et consciencieuse», a déclaré la dirigeante.

Si les difficultés rencontrées pour faire évoluer le portefeuille d’actifs du conglomérat sont attribuées au conflit russo-ukrainien et à la volatilité des marchés financiers, le statu quo concernant sa division acier, qui comprend 27.000 salariés, semble irriter de nombreux actionnaires. A cet égard, «la stratégie de ThyssenKrupp est moins claire aujourd’hui qu’il y a 12 mois et la scission du groupe progresse trop lentement», juge Ingo Speich.

Pénalisée par le ralentissement industriel de son marché domestique, la division est incapable de financer sans soutien gouvernemental les 10 milliards d’euros dont elle a besoin pour se transformer en producteur d’acier décarboné. Or une entité sidérurgique autonome aurait peu de chance d’obtenir ces financements en raison de la réglementation européenne sur les aides d’Etat, ce qui milite pour un maintien de l’acier dans le périmètre du groupe. L’adossement de la division a un partenaire externe se heurte par ailleurs à des réticences syndicales et aux lourds passifs pour retraites de cette activité.

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