
Novo Nordisk peut-il rester au firmament boursier ?
L’empereur du luxe vient de perdre un de ses titres. Depuis quelques semaines, LVMH n’est plus la première capitalisation boursière européenne. La faute à la Chine qui, entre autres facteurs, lui a fait perdre quelque 50 milliards d’euros de valorisation en trois mois. Mais le groupe de Bernard Arnault a surtout été dépassé par un outsider qu’on n’avait pas vraiment vu venir. Le laboratoire pharmaceutique danois Novo Nordisk affichait une capitalisation boursière de 400 milliards d’euros (3.000 milliards de couronnes danoises) le 12 septembre dernier, contre 369 milliards pour LVMH.
Depuis le début de l’année, le cours de son action a flambé de 45% mais son décollage a commencé bien avant. En juin 2021, l’autorité sanitaire américaine, la FDA, a autorisé le «wegovy», le médicament anti-obésité du groupe. Depuis, le titre Novo Nordisk a gagné 180%. Le potentiel du traitement attire vite les investisseurs et le succès en pharmacie ne tarde pas à suivre. De 200 millions d’euros en 2021, les ventes du wegovy grimpent à plus de 800 millions d’euros en 2022 et sont attendues à près de 4 milliards cette année par le consensus Factset. Entre-temps, le groupe a en outre publié les résultats d’une étude de longue haleine démontrant qu’outre ses effets contre l’obésité et le surpoids, le wegovy réduirait les risques cardiaques. De quoi affoler les compteurs des analystes. Ils anticipent un chiffre d’affaires associé à ce blockbuster de 7 milliards d’euros l’an prochain et 9,6 milliards en 2025.
Valorisation élevée
Associée à une bonne dynamique attendue dans d’autres traitements, notamment dans les anti-diabétiques (voir graphique ci-dessus), la croissance explosive de ce médicament devrait assurer une envolée des profits de Novo Nordisk malgré la perte de vitesse de l’insuline, son médicament historique. Les analystes anticipent en moyenne un résultat net de 10,65 milliards d’euros cette année, en hausse de 43%, puis de 12,46 milliards l’an prochain. Pas de quoi rattraper tout de suite LVMH, mais l’écart pourrait se combler progressivement (voir graphique ci-dessous). Une dynamique qui justifie sans doute l’engouement des investisseurs et des niveaux de valorisation élevée. A 32,5 fois le profit net estimé pour 2024, l’action Novo Nordisk bénéficie d’une prime de 60% sur celle du géant du luxe.
Voir Novo Nordisk damer le pion à LVMH est d’autant plus étonnant que le laboratoire affiche un profil peu habituel. Il ne provient pas d’une grande économie européenne. Ses comptes ne sont même pas libellés en euros, en livres ou en dollars. Et le poids qu’il a atteint dans son pays d’origine est inédit. Sa capitalisation boursière est ainsi supérieure au PIB du Danemark et l’explosion des ventes du wegovy est telle qu’elle perturbe la balance commerciale et la politique monétaire du royaume.
A lire aussi: Le CAC 40 est-il devenu un indice «luxe» ?
Détenu par une fondation
Outre cette place particulière, Novo Nordisk détonne aussi par la structure de son capital. Comme LVMH, il est largement contrôlé par une seule entité, mais alors que le français est détenu par la famille Arnault, le danois est dans les mains d’une fondation. Novo Nordisk Foundation possède 28,2% du capital et 77,2% des droits de vote via une holding qui lui reverse une partie des dividendes qu’elle touche et en réinvestit le solde. Outre sa participation dans le laboratoire, Novo Holdings détient sa société sœur, Novozymes, ainsi que 26 milliards de dollars d’investissements dans de nombreuses sociétés, essentiellement dans le secteur des sciences de la vie.
Cette organisation explique l’existence de deux types d’actions Novo Nordisk. Celles dites «A» ne sont pas cotées et bénéficient chacune de 200 droits de votes. Les actions «B» sont cotées mais leurs droits de vote sont dix fois inférieurs. La capitalisation totale de la société est estimée en attribuant la même valeur aux titres «A» qu’aux titres «B». Plus encore que LVMH, le capital de Novo Nordisk est totalement verrouillé puisque la fondation qui la détient est obligé par ses statuts d’en conserver le contrôle. Ce qui rend l’ascension de l’action, qui ne repose sur aucun espoir spéculatif, encore plus impressionnante.
UBS joue les rabat-joie
Elle n’en est pas moins jugée exagérée par certains. Depuis plusieurs mois, les analystes d’UBS recommandent de vendre l’action. Sa récente évolution leur donne tort, mais ils persistent et signent. Selon eux, les anticipations en termes de ventes pour le wegovy sont largement surestimées. Même si les freins actuels au développement de ce médicament semblent pour le moment pencher plutôt du côté de l’offre, le groupe faisant face à des sous-capacités de production, les spécialistes de la banque suisse estiment que les vraies limites viendront de la demande. Le coût de ces traitements leur semble trop élevé pour permettre une croissance exponentielle.
«A moins qu’il n’y ait un retour rapide sur l’argent dépensé [dans des traitements anti-obésité], les implications financières seront probablement prohibitives (hausse des primes d’assurance, charges salariales des employeurs…)», estiment les analystes. Ils rappellent par ailleurs que le produit de Novo Nordisk pourrait bientôt faire face à la concurrence du tirzepatide du laboratoire américain Eli Lilly. Au global, UBS voit les ventes du wegovy plafonner à 43 milliards de couronnes danoises (5,6 milliards d’euros) quand le consensus des analystes anticipe 100 milliards (13 milliards d’euros). LVMH a peut-être des chances de retrouver sa couronne.
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