
L’opérateur télécoms saoudien STC s’invite en Europe

L’opérateur télécoms espagnol Telefonica accueille un nouvel actionnaire de choix. Saudi Telecom Company (STC) a annoncé mardi 5 septembre au soir avoir acquis une participation de 9,9% au capital de Telefonica, pour 2,1 milliards d’euros. En réaction à cette annonce, l’action Telefonica grimpait de 3% mercredi en début d'échanges, avant de gommer ses gains au fil de la journée.
Saudi Telecom a acquis environ 569,3 millions d’actions. «L’investissement a été réalisé grâce à l’acquisition d’actions représentant 4,9% du capital social de Telefonica et d’instruments financiers conférant une exposition économique à 5% supplémentaires du capital social de Telefonica», détaille Saudi Telecom dans un communiqué.
Dans un communiqué séparé, Telefonica a «pris acte» des annonces de STC et de son «approche amicale», estimant que le groupe saoudien soutient «l’équipe de direction, la stratégie de Telefonica et sa capacité à créer de la valeur».
Avec cette entrée au capital, l’opérateur télécoms saoudien, contrôlé à 64% par le gouvernement du Royaume via le Fonds d’investissement public (PIF) de l’Arabie saoudite, devrait devenir le premier actionnaire. Jusqu’à présent, le tour de table était totalement éclaté. Les principaux actionnaires étaient deux banques espagnoles, BBVA, qui disposait de 4,9% du capital à fin 2022, et CaixaBank, qui en détenait 3,5%, suivis notamment par Vanguard (3%) et Norges Bank (1,95%).
A lire aussi: La folie des grandeurs du fonds souverain d’Arabie Saoudite
Préoccupation du gouvernement espagnol
Pour cette opération, l’opérateur saoudien a bien pris soin de montrer patte blanche. Il n’a «pas l’intention de prendre le contrôle ou une participation majoritaire dans Telefonica», précise-t-il dans son communiqué.
Mais le gouvernement espagnol a manifesté sa préoccupation, mercredi midi. STC l’a contacté la veille pour l’informer de sa prise de participation dans Telefonica, a indiqué mercredi la ministre espagnole de l’Economie par intérim, Nadia Calvino. «Nous utiliserons tous les moyens à notre disposition pour défendre nos intérêts stratégiques», a-t-elle déclaré aux journalistes à Bruxelles, ajoutant que l’Espagne avait renforcé le mécanisme destiné à protéger ses entreprises considérées comme sensibles.
Madrid doit s’assurer que la prise de décision de Telefonica, qui gère des données sensibles, «reste en Espagne», a déclaré de son côté la ministre du Travail par intérim, Yolanda Diaz, sur X (ex-Twitter)
Reste à savoir si l’Etat espagnol a les moyens de s’y opposer. «La prise de participation de 9,9% [par STC] n’est pas une coïncidence puisque toute participation supérieure à 10% devrait être approuvée par les autorités, compte tenu du caractère stratégique du secteur», remarque UBS dans une note d’analyse. En vertu d’une mesure instaurée en 2020 pour protéger les entreprises fragilisées par la crise sanitaire, c’est précisément au-delà du seuil de 9,9% que les investisseurs étrangers souhaitant acquérir les parts d’une entreprise espagnole jugée stratégique doivent obtenir le feu vert du gouvernement espagnol.
Telefonica fragilisée
Pour Telefonica, cette acquisition intervient alors que son président, Jose Maria Alvarez-Pallete, doit présenter en novembre une nouvelle stratégie lors d’une journée investisseurs (capital market day) – la première depuis plus d’une décennie.
Le premier opérateur télécoms espagnol, qui opère également au Royaume-Uni, en Allemagne et en Amérique Latine, a engrangé l’an dernier 2 milliards d’euros de bénéfice net, et 40 milliards de chiffres d’affaires. Mais il porte une lourde dette, qui se montait à 26,4 milliards d’euros en mai dernier.
Saudi Telecom, pour sa part, commence à afficher ses ambitions d’investissement en Europe. Le principal opérateur télécom d’Arabie saoudite, qui pèse 53 milliards de dollars de capitalisation, avait réalisé une première incursion sur le marché européen des télécoms ce printemps, avec le rachat à United Group, en avril, d’infrastructures de tours d’une valeur de 1,2 milliard d’euros.
De son côté, Emirates Telecommunications Group (e&), premier opérateur télécoms du Moyen-Orient, est devenu en mai dernier «actionnaire de référence» du britannique Vodafone, en montant à 14,6% de son capital, contre 9,8% en mai 2022. «Et il devrait monter jusqu’à 25%», anticipe déjà UBS.
Ces investissements témoignent d’un intérêt stratégique pour le secteur des télécommunications, mais montrent également que la taille des opérateurs européens a tellement diminué «qu’ils pourraient être vulnérables à une intervention étrangère», soulignent pour leur part les analystes de Citi dans une note.
A lire aussi: Les opérateurs télécoms composeront avec leur dette
Plus d'articles du même thème
-
Sopra Steria a réussi son OPA sur Ordina
Le groupe de services informatiques prévoit de retirer la société néerlandaise de la Bourse et la consolidera dans ses comptes à partir d'octobre. -
Les principales opérations de M&A en Europe du 21 au 28 septembre 2023
Chaque semaine, L’Agefi Private Equity vous propose de retrouver la liste des principales opérations de fusions et acquisitions impliquant une partie européenne, en exclusivité avec les données de Mergermarket. -
Eutelsat et OneWeb officialisent leur fusion
La nouvelle entité restera basée et cotée à Paris, elle a également demandé sa cotation à la Bourse de Londres.
Sujets d'actualité
ETF à la Une

Les banquiers centraux jettent un froid sur le marché européen des ETF obligataires
- Aucune banque française ne figure parmi les 40 marques européennes les plus valorisées
- L’étau se resserre autour de la fiscalité du patrimoine
- Rattrapé par des suspicions sur Credit Suisse, UBS décroche en Bourse
- ADP, Vinci et Eiffage affichent leur confiance face à la menace de surtaxe
- Coty entrera jeudi à la Bourse de Paris
Contenu de nos partenaires
-
A boulets rouges
Sophie Binet déclare la guerre aux patrons
La nouvelle secrétaire générale de la CGT joue le rapport de force face aux chefs d'entreprise tant dans les réunions ministérielles que sur les piquets de grève -
Editorial
Climat: le difficile numéro d’équilibrisme du Président
Le chef de l’Etat a beau promettre du concret, de la simplicité, du «positif», la transition écologique est comme le courant électrique : on va invariablement de la borne «plus» vers la borne «moins» -
Tambouille
Loi de programmation des finances publiques: la majorité embarrassée par l'aide du RN
Le parti de Marine Le Pen pourrait s'abstenir sur la LPFP, devenant de fait un allié incontournable de la majorité. Celle-ci réfléchit à l’option d'un 49.3, gênée par l'idée d'afficher une victoire grâce au RN