
L’exposition à la Chine fragilise le CAC 40

L’eldorado chinois a vécu. L’époque où les grandes entreprises françaises investissaient massivement dans l’Empire du milieu, au tournant des années 2010, semble bel et bien révolue. Entre guerre commerciale sino-américaine, risque géopolitique et relocalisation, les centaines de millions de travailleurs – et de consommateurs potentiels – du pays ne sont plus si séduisants. D’autant que la Chine affiche de sérieux signes d’essoufflement économique. A long terme, le déclin démographique du désormais deuxième pays le plus peuplé du monde obère ses perspectives de croissance. A court terme, il reste englué dans les difficultés de son marché immobilier surendetté.
L’inversion de dynamique est telle que l’opportunité d’hier est en passe de devenir une vraie menace pour les plus grands groupes cotés à Paris. Selon Factset, la Chine représente 6,7% des revenus du CAC 40. Dans son «Profil financier du CAC 40 2022», EY estime de son côté que les entreprises de l’indice phare ont réalisé 14% de leur chiffre d’affaires dans la zone Asie, Océanie, Afrique et Moyen-Orient l’an dernier. Un chiffre en baisse progressive depuis 2016, mais qui reste significatif (voir graphique). Surtout qu’il recouvre d’importantes disparités entre les secteurs d’activité. Et les plus exposés ne sont pas les moins influents au sein de l’indice parisien.
Hermès réalise près de 50% de ses ventes en Asie
La Chine est ainsi le premier ou le deuxième marché des entreprises du luxe, qui pèsent à elles seules de l’ordre de 25% du CAC 40. En 2022, LVMH a enregistré 30% de ses ventes en Asie (hors Japon) et L’Oréal 30% en Chine (18,8% en yuans), à Taiwan, en Corée du Sud et au Japon. Chez Hermès, la part de l’Asie-Pacifique hors Japon atteint 48% du chiffre d’affaires et elle est de 33% pour Kering. Les inquiétudes visant l’Empire du milieu ont d’ailleurs déjà commencé à affecter leur cours de Bourse. LVMH a perdu 14% en trois mois, Hermès 7% et Kering 11%, ce qui explique en partie l’atonie du CAC 40 (-1,5%) sur la période.
Si un net ralentissement chinois viendrait affecter le secteur, ce dernier bénéficie toutefois encore des effets favorables liés à l’arrêt des mesures de restriction liées au Covid-19 qui l’avaient pénalisés en 2020-2022. Au global, les analystes d’UBS s’attendent à ce que l’industrie se montre résiliente grâce à la reprise «des voyages internationaux de et vers la Chine, car les biens de luxe sont surtout consommés par les plus fortunés», moins sensibles aux cycles économiques.
Parmi les autres grandes capitalisations de la Bourse parisienne, Sanofi, avec 7,2% de ses ventes en Chine et des activités peu sensibles au cycle, ainsi que TotalEnergies semblent moins exposés. Le géant de l’énergie, dont seulement 8,3% des produits pétroliers de sa branche Marketing & Services sont vendus en Asie-Pacifique, pourrait être indirectement pénalisé en cas de baisse de la demande chinoise d’or noir. Une telle perspective est néanmoins totalement occultée pour le moment par les coupes de production de l’Opep+, qui soutiennent les cours du baril.
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Les financières sont peu exposées
BNP Paribas n’apparaît pas non plus en première ligne. En 2022, 2% des portefeuilles de risque de crédit de la banque étaient situés en Asie du Nord.
Autre grande valeur financière, Axa est également peu exposé avec 5,3% de son chiffre d’affaires réalisé en Asie (hors Japon et Corée) l’an dernier. Le groupe dirigé par Thomas Buberl a ces dernières années lourdement investi, à coups d’acquisitions, dans le pays, où il revendiquait il y a encore peu le statut de premier assureur étranger en dommages. De là à y être rentable... Signe du nouveau regard jeté sur la région, l’assureur a en outre réorganisé ses postes de direction asiatiques en juin dernier. «Cela n’a plus grand sens de considérer l’Asie comme un bloc unique. Il faut aussi tenir compte de la nouvelle donne géopolitique avec Pékin», nous avait indiqué un proche d’Axa à l’époque.
Dans l’industrie, certains grands noms de la cote française sont en revanche plus dépendants de Pékin. En 2022, 26,2% des ventes d’Airbus ont été facturées en Asie-Pacifique et 18,7% de celles d’Air Liquide. Schneider Electric a réalisé 15,1% de son chiffre d’affaires en Chine et il compte 12% de ses effectifs dans le pays, soit plus qu’en France (11%). En comparaison, les groupes automobiles apparaissent immunisés. Stellantis n’a enregistré que 2,5% de son activité en Asie-Pacifique l’an dernier et Renault moins de 6% (même si l’exposition de Nissan y est nettement supérieure). Pour les constructeurs, la menace chinoise est néanmoins d’une autre nature.
Au global, en ajoutant Airbus et Schneider Electric aux valeurs du luxe, les entreprises qui réalisent plus d’un quart de leurs ventes en Asie au sens large pèsent au moins 36% du CAC 40. Une proportion loin d’être négligeable.
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