
Les prix de l’énergie mettent l’Europe sous tension

L’Espagne veut ponctionner les «surprofits» des compagnies de gaz et d’électricité. L’Italie envisage de revoir le mode de calcul des factures. La France réfléchit à augmenter le chèque énergie… La flambée des prix de l’énergie, sujet explosif au moment où se profilent de nombreuses élections, empoisonne la rentrée des gouvernements européens.
En début de semaine, les prix du gaz ont battu un record. Le contrat à terme de référence européen pour livraison en janvier 2022 a atteint un sommet de 66 euros par mégawattheure sur le marché des Pays-Bas, contre 16 euros il y a un an et 13 euros au plus fort de la crise du Covid.
Les prix du gaz se sont emballés depuis le début du printemps, lorsque les stocks ont commencé à tomber en dessous de la moyenne pré-pandémique de 2015-2019. Depuis, les réserves peinent à se reconstituer, d’où les craintes de pénurie en cas d’hiver froid. Les stocks européens ne sont remplis qu'à 71%, alors que la moyenne était de 84% à cette époque de l’année avant le Covid, selon les données de Gas Infrastructure Europe.
Les importateurs européens souffrent de la concurrence de l’Asie, où les prix du gaz sont également très élevés en raison du surplus de demande généré par la reprise économique. Les livraisons russes n’ont pas répondu suffisamment à la demande, Moscou se servant de la situation pour promouvoir le gazoduc Nord Stream 2 (voir encadré).
Effet carbone
Comble de malchance, des vents faibles ont réduit la production d'électricité des parcs éoliens ces dernières semaines, obligeant les producteurs à faire fonctionner les centrales à gaz pendant un plus grand nombre d’heures voire à faire tourner des centrales à charbon, quitte à payer les quotas de CO2 associés, eux-mêmes de plus en plus onéreux.
Résultat, les prix de l’électricité sont eux aussi partis à la hausse. Selon les données de RTE, l’opérateur du réseau de transport d’électricité français, les prix spots sur les deux principales Bourses européennes (EPEX et Nord Pool) ont quasiment doublé depuis début juillet, dépassant même les 200 euros par mégawattheure en Belgique ou aux Pays-Bas.
En plus de cette pénurie physique, les achats d’opérateurs financiers sur le marché ont amplifié le phénomène.
« Plan choc »
Mardi, le gouvernement espagnol a dévoilé de nouvelles mesures pour réduire la facture moyenne d’électricité du consommateur d’au moins 22% par mois jusqu’à la fin de l’année. En juillet, Madrid avait déjà annoncé une réduction temporaire de la TVA, de 21% à 10%. Ce «plan choc» doit permettre de maintenir la facture d’électricité des consommateurs en 2021 à ses niveaux de 2018. En août, les prix de l’électricité ont bondi de 34,5% sur une année en Espagne.
Les grands énergéticiens du pays vont ainsi encore être mis à contribution via un mécanisme permettant de limiter les bénéfices extraordinaires perçus grâce aux prix élevés de l’énergie sur les marchés internationaux. En vigueur jusqu’au 31 mars prochain, cette mesure devrait permettre au gouvernement de récupérer 2,6 milliards d’euros. Elle s’ajoutera à un projet de loi, en cours d’examen au Congrès, qui vise à récupérer les bénéfices exceptionnels que les centrales hydroélectriques, nucléaires et renouvelables au-dessus de 10 mégawatts et en fonctionnement avant 2005, auraient perçus en raison des prix du carbone élevés. Grâce à cette mesure, le gouvernement espagnol espère pouvoir lever 650 millions d’euros.
Le plan espagnol prévoit aussi la mise en œuvre de mesures fiscales. L’impôt spécial sur l’électricité passera ainsi de 5,11% à 0,5%, soit le minimum autorisé par la réglementation européenne, tandis que la taxe sur la valeur de la production d’électricité, actuellement fixée à 7%, sera suspendue jusqu’à la fin de l’année. L’exécutif espagnol prévoit aussi un plafonnement de la hausse des prix du gaz naturel payé par les usagers pendant un semestre, à 4,6%, au lieu de 29% dès le 1er octobre prochain ainsi qu’une réforme du tarif réglementé, appelé PVPC (Prix volontaire pour les petits consommateurs).
De son côté l’Italie envisage de revoir le mode de calcul des factures d'électricité alors que le gouvernement craint une hausse de 40% des prix de détail de l'électricité au cours du prochain trimestre, après une augmentation de 9,9% au deuxième trimestre.
En France, où la facture de gaz bondit aussi depuis l'été (+10% en juillet, +5,3% en août et +8,7% en septembre pour les tarifs réglementés d’Engie), le gouvernement est sur le qui-vive. Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, espère une normalisation en 2022 mais n’exclut pas d’ici là d’augmenter le montant du chèque énergie qui profite à 6 millions de foyers les plus modestes. Le gouvernement se souvient que la crise des Gilets jaunes s'était embrasée avec la hausse du prix de l’essence...
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Réassurance : prix en baisse mais secteur stable face aux catastrophes et émeutes
Paris - Les réassureurs, qui se retrouvent à partir de samedi pour plusieurs jours à Monaco pour leurs traditionnels «Rendez-vous de septembre», s’apprêtent à faire face à une baisse des prix dans ce secteur, qui ne bousculera toutefois pas leur stabilité, selon les analystes. Les réassureurs, dont le métier consiste à assurer les assureurs, commencent à l’automne les négociations annuelles avec leurs clients assureurs sur le montant des primes que ces derniers leur versent. En échange, les réassureurs prennent en charge une partie des risques portés par les assureurs, en se positionnant sur les risques les plus extrêmes et moins fréquents (tempêtes, feux de forêt, émeutes, attentats terroristes...). En 2024, le marché de la réassurance mondiale s'élevait à 400 milliards de dollars, près de 20 fois moins que celui de l’assurance traditionnelle. Lors des précédentes années, les principaux réassureurs mondiaux, comme Munich Re ou Swiss Re, avaient imposé une hausse des prix et établi des conditions tarifaires et contractuelles qui leur étaient plus favorables. Mais, selon les analystes, le pic des prix de la réassurance est aujourd’hui passé. «On a atteint un point haut en 2024. Et depuis, on le voit au niveau du renouvellement (des contrats), les prix ont tendance à baisser», a expliqué à l’AFP Manuel Arrivé, de l’agence de notation Fitch. «On pense que cette tendance va perdurer» car «il y a une dynamique d’offre et de la demande de plus en plus en faveur des assureurs et en défaveur des réassureurs». L’agence de notation considère que le secteur sera «détérioré» en 2026. Elle met entre autres en avant l’augmentation des coûts des sinistres. Ceux des incendies dévastateurs de Los Angeles, évalués à 40 milliards de dollars, pèsent eux seuls pour la moitié des sinistres liés aux catastrophes naturelles. «On a déjà 80 milliards (de dollars) de sinistres à fin juin. Il fait peu de doute qu’on va dépasser 100 milliards avec le deuxième semestre», a précisé Alexis Valleron, délégué général de l’Association des professionnels de la réassurance en France (Apref), devant la presse vendredi. 2024 a été la cinquième année consécutive où le coût des sinistres des périls naturels a dépassé 100 milliards de dollars dans le monde. Risque émeutes en hausse Face à la multiplication des catastrophes naturelles, la plupart des réassureurs ont décidé ces dernières années de moins s’exposer à certains périls. Dans ce contexte, les réassureurs peuvent compter sur leurs capitaux. S&P Global considère «le secteur mondial de la réassurance comme stable, soutenu par le capital robuste des réassureurs, des marges de souscription solides, des rendements d’investissement élevés et des perspectives de bénéfices encore favorables au-dessus du coût du capital du secteur», décrit l’agence de notation dans un rapport. Les dirigeants de l’Apref ont également évoqué le risque émeutes après des années marquées par les troubles sociaux en France, notamment en 2023 après la mort de Nahel, adolescent tué par un tir policier, ou l’insurrection en Nouvelle-Calédonie à l'été 2024. Les émeutes en Nouvelle-Calédonie ont, à elles seules, coûté un milliard d’euros aux assureurs (dont 500 millions aux réassureurs), sur un coût total des dégâts estimé à 2,2 milliards. Le bilan des émeutes de l'été 2023 en France avait été de 730 millions d’euros (200 millions pour les réassureurs). Selon un article des Echos publié jeudi, le gouvernement prévoit de créer un fonds de réassurance pour couvrir les dégâts liés aux émeutes, sur le modèle du régime des catastrophes naturelles. «Il faut qu’il y ait une définition précise et il faut savoir ce que prendra en charge un mécanisme d’Etat», a insisté Dominique Lauré, vice-président de l’Apref. Selon lui, «il faut qu’il y ait une incitation au maintien de l’ordre pour l’Etat». Et non pas «un mécanisme qui fait que l’Etat n’a finalement plus intérêt à maintenir l’ordre puisque les conséquences économiques sont prises en charge par un fonds», estime celui qui est également directeur général adjoint de Liberty Mutual Reinsurance. Maryam EL HAMOUCHI © Agence France-Presse -
Thaïlande : Anutin Charnvirakul promet des législatives sous quatre mois après sa nomination mouvementée
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