Bénéficier d’un crédit d’impôt pour les dividendes d’une filiale étrangère, c’est possible !

Un arrêt du Conseil d’Etat a annulé des commentaires administratifs sur ce sujet. Une tribune de Charlotte Véniard, avocate counsel en droit fiscal chez PDGB.
Charlotte Véniard
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Charlotte Véniard, avocate counsel en droit fiscal chez PDGB  -  MaPhotoPortrait.fr

Lorsqu’une filiale étrangère distribue des dividendes à sa société mère française, une retenue à la source peut être prélevée dans l’Etat de situation de la filiale. Jusqu’à il y a peu, la société mère française ne pouvait pas prétendre au bénéfice d’un crédit d’impôt si elle soumettait ces dividendes au régime mère fille.

Plus précisément, lorsqu’une société mère opte pour le régime des sociétés mères, les produits nets des participations qu’elle perçoit sont retranchés de son bénéfice net total, défalcation faite d’une quote-part forfaitaire de frais et charges de 5% du produit total des participations, crédit d’impôt compris (ou 1% sous certaines conditions), quote-part alors soumise au taux d’impôt sur les sociétés standard.

Pour les dividendes en provenance de sociétés étrangères ayant supporté une retenue à la source, les conventions d’élimination des doubles impositions prévoient souvent l’imputation sur l’impôt sur les sociétés d’un crédit d’impôt, dont le montant est toutefois plafonné au montant de l’impôt français correspondant à ces revenus.

Or, les commentaires administratifs relatifs au régime mère fille énonçaient que la réintégration de la quote-part de frais et charges dans le cadre du régime mère fille ne pouvait être considérée comme conduisant à l’imposition d’une partie des dividendes (ancien §100 al.2 du BOI-IS-BASE-10-10-20 du 12-3-2021), autrement dit, les dividendes n’étaient pas imposés. En l’absence d’imposition en France, les sociétés mères ne pouvaient prétendre au bénéfice d’un crédit d’impôt.

Bonne nouvelle

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Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’Etat a annulé le 5 juillet dernier ces commentaires administratifs (CE 8e-3e ch. 5-7-2022 n° 463021, SA Axa).

Dans cet arrêt, la Haute juridiction précise les objets de la réintégration de la quote-part de frais et charges. Compte tenu de son caractère forfaitaire, cette réintégration vise (i) à neutraliser la déduction des charges afférentes aux titres de participation, mais également (ii) à soumettre à l’impôt sur les sociétés une fraction des dividendes lorsque le montant des frais est inférieur à cette quote-part forfaitaire.

Il s’agit d’une bonne nouvelle pour les sociétés : le Conseil d’Etat reconnait que l’imposition de la quote-part de frais et charges peut conduire à imposer une fraction des dividendes, ce qui ouvre la voie à l’imputation d’un crédit d’impôt sur l’impôt sur les sociétés de la société mère.

Notons que cet arrêt s’inscrit dans le sillon d’un autre arrêt, plus vieux seulement de quelques mois, relatif à la quote-part de plus-values sur titres de participation et dans lequel le juge a conclu sans ambiguïté à la possibilité d’imputer un crédit d’impôt étranger sur l’impôt relatif à cette quote-part (CE 8e-3e ch. 15-11-2021 n° 454105, SA l’Air Liquide).

La portée pratique de l’arrêt Axa, relatif aux dividendes, est cependant plus incertaine.

Questions en suspens

La rédaction de l’arrêt soulève certaines questions : le crédit d’impôt serait-il limité à l’impôt calculé sur la différence entre la quote-part de frais et charges et certaines charges réelles ? Le cas échéant, quelle serait leur nature et sur quelle période les prendre en compte ?

Ces questions trouveront, nous l’appelons de nos vœux, des réponses prochainement.

L’examen du pourvoi formé contre un arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon 27-1-2022 n° 20LY00698, SCS A. Raymond et Cie) pourrait en effet permettre au juge de cassation d’apporter des précisions. Dans cet arrêt, la Cour analysait la soumission à l’impôt sur les sociétés de la quote-part, fixée forfaitairement, comme une modalité d’imposition de l’ensemble de ces revenus, sans opérer de distinction selon le montant des frais réels liés aux dividendes. Elle reconnaissait ainsi à la société française le droit d’imputer un crédit d’impôt conformément à la convention applicable.

En toute hypothèse, et même si l’arrêt Axa du Conseil d’Etat laisse subsister quelques zones d’ombre, le principe d’une taxation des dividendes soumis au régime mère fille semble désormais être acquis.

A la suite de l’arrêt Axa, afin de préserver leurs droits sur les dividendes 2019, certaines sociétés mères ont d’ailleurs adressé à l’administration fiscale des réclamations contentieuses tendant à l’obtention d’un dégrèvement d’impôt sur les sociétés.

Pour les autres groupes préférant attendre des précisions du Conseil d’Etat pour tirer les conséquences de cet arrêt, nous ne pouvons que leur conseiller de s’aménager dès maintenant des preuves qui pourront leur permettre de prétendre au bénéfice d’un tel crédit d’impôt (ex. attestation de résidence de la filiale ou preuve de l’assujettissement à l’impôt de la filiale localement et certificat de retenue à la source prélevée localement).

En toute hypothèse, il convient de garder en mémoire le délai du 31 décembre 2023 pour procéder à des réclamations contentieuses afin de demander le dégrèvement de l’impôt sur les sociétés correspondant aux dividendes versés au titre des exercices 2020 (IS payé en 2021).

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