Les conseils ont besoin de nouveaux profils pour intégrer la RSE dans la stratégie

Les conseils d’administration les plus performants ont mis en place des plans détaillés de succession des dirigeants et des administrateurs, selon Russell Reynolds.
Bruno de Roulhac

Comment devenir le conseil d’administration le plus efficace ? Dans son étude triennale, le cabinet de recrutement Russell Reynolds dévoile les meilleures pratiques des boards dans le monde, selon un sondage réalisé auprès de 1.100 administrateurs dans 41 pays.

La stratégie et les performances opérationnelles demeurent la priorité des conseils, tandis que les questions de durabilité montent en puissance depuis 2019 et que la succession des dirigeants devient moins prioritaire. «La crise Covid est passée par là et modifie l’ordre des priorités, confie Marc Sanglé-Ferrière, managing director chez Russell Reynolds. Néanmoins, les conseils ayant mis en place des plans détaillés de succession de dirigeants exécutifs sont les plus performants.» Les conseils les plus efficaces ont aussi travaillé sur les plans de relève du conseil d’administration et des présidents de comité. Toutefois, moins d’un administrateur sur deux reconnaît que des plans solides et idoines de succession sont établis. Or ces plans font la différence. «La présidence de comité est souvent un angle mort, poursuit Marc Sanglé-Ferrière. Idéalement, ce président doit appartenir au conseil depuis au moins un an, et avoir le temps et la capacité d’exercer cette fonction.»

Alors que les sujets de durabilité, d’environnement et de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) en général sont devenus primordiaux pour les parties prenantes, ils ne sont pas encore une priorité pour les conseils d’administration, constate l’étude. Le sujet est évoqué une ou deux fois par an en conseil, avec toutefois la volonté d’y investir du temps et de l’argent. Seulement un quart des conseils se sont fixé un objectif de neutralité carbone atteignable, tandis que 5% estiment qu’ils ne l’atteindront pas. Toutefois, 20% comptent prendre un objectif cette année et 35% y réfléchissent. «La RSE fait partie des grands débats du conseil, constate Marc Sanglé-Ferrière. L’entreprise doit se doter de cibles pertinentes, et s’appuyer sur les travaux du comité RSE et du conseil. Cela nécessite une vraie réflexion sur le rôle de la RSE dans la stratégie de l’entreprise, avec des objectifs ambitieux, et ne pas se limiter à de la communication financière.» Afin de savoir en quoi l’activité de l’entreprise peut avoir un impact positif ou négatif sur l’environnement, «le conseil a besoin de nouveaux profils d’administrateurs, compétents en matière de R&D dans l’industrie et d’innovation sociale dans les services, afin d’aider à la réflexion du conseil sur la décarbonation et sur la transition écologique», ajoute Russell Reynolds.

Concilier court, moyen et long termes

L’une des plus grandes difficultés du conseil «est d’arriver à concilier les court, moyen et long termes, poursuit Marc Sanglé-Ferrière. Quand nous évaluons un dirigeant, nous regardons sa capacité à gérer ces trois dimensions». L’étude montre que les meilleurs conseils regardent les options stratégiques avec tous les horizons de temps. Seuls 30% des administrateurs sondés estiment que les membres du conseil prennent en compte un horizon de cinq ans ou plus. Un taux qui monte à 47% dans les meilleurs conseils.

Pour faire avancer les conseils, courage et confiance mutuelle sont nécessaires. Toutefois, plus de 10% des personnes sondées reconnaissent que les administrateurs ne font pas toujours preuve de courage et ne font pas confiance aux autres membres du conseil. «Le courage nécessite de penser par soi-même et d’oser exprimer son opinion et prendre une décision, explique Marc Sanglé-Ferrière. En cas de désaccord ou d’incompréhension, le courage est nécessaire pour demander des explications, tout en le faisant dans le respect des autres membres du conseil.»

Un président chef d’orchestre

Au sein de l’alchimie du conseil, le président «a un rôle important pour créer les conditions d’un consensus, rappelle Marc Sanglé-Ferrière. En particulier, il met à l’agenda les sujets importants, veille à ce que le conseil reste concentré sur les questions pertinentes, il encourage les plus timides et l’indépendance de pensée, et tient compte de l’avis de l’ensemble des administrateurs». Au-delà de ce rôle d’orchestration du conseil, le président se tourne vers l’avenir, soutient l’exécutif, rencontre les parties prenantes, agit avec intégrité et est capable de prendre des décisions difficiles pour l’entreprise, ajoute l’étude.

Plus des deux tiers des meilleurs conseils pratiquent une auto-évaluation au moins une fois par an. «Généralement, elle est réalisée par le secrétaire du conseil, voire par l’administrateur référent, précise Marc Sanglé-Ferrière. Une évaluation externe tous les trois ans est aussi souhaitable. Elle permet de garantir l’anonymat, de libérer la parole des administrateurs et d’objectiver leur vision sur le fonctionnement du conseil.» En outre, «une restitution bienveillante est un instrument puissant pour éviter que les malentendus se creusent, particulièrement en période de crise (mauvais résultats, arrivée d’un activiste…), poursuit Russell Reynolds. Notre expérience permet de suggérer les bonnes pratiques, avec des recommandations concrètes et pragmatiques pour parvenir à l’excellence». Un message pour les grandes sociétés qui n’y ont pas encore recours.

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