
L’équilibre entre le rôle des dirigeants et celui des actionnaires est en pleine évolution

Après le «say-on-pay» et le «say-on-climate», se dirige-t-on vers de nouveaux «say-on» ? Un récent webinaire d’Euronext et du Cercle des Administrateurs (CdA) s’est penché sur les évolutions à venir du dialogue actionnarial.
La dernière saison américaine des assemblées générales (AG) a montré un changement de paradigme. Au sein du Russell 3000, sur les 951 résolutions déposées par des actionnaires pour les AG 2023, 420 concernent des sujets sociaux, 346 traitent de la gouvernance et seulement 185 de l’environnement, indique le dernier rapport de Georgeson.
Le «say-on-social» va-t-il aussi arriver en France ? Aux Etats-Unis, il concerne aussi bien les politiques de diversité et d’inclusion, que la gestion du capital humain et les droits de l’homme, et même les droits reproductifs ! En outre, près de 100 résolutions anti-ESG ont été déposées, la plupart sur des sujets sociaux. Un mouvement en très forte progression. «Que va-t-il se passer aux Etats-Unis si les Républicains arrivent au pouvoir en novembre 2024 et les conséquences sur l’ESG ?» s’interroge Anne-Sophie d’Andlau, co-fondatrice de CIAM.
Face à cette montée des demandes actionnariales, un vrai sujet se pose : quelle place les mandataires sociaux sont-ils prêts à ménager aux actionnaires ? se demande Caroline Ruellan, présidente du CdA et de SONJ Conseil. Place qui leur donnerait un droit de regard sur la stratégie de l’entreprise. «Donner plus de champ aux actionnaires est nécessaire, mais l’asymétrie d’informations perdurera pour protéger l’entreprise», poursuit la présidente du CdA, invitant à redessiner l’équilibre entre les actionnaires, de plus en plus exigeants, et les instances dirigeantes, de plus en plus exposées. Une certitude, l’intérêt social doit demeurer la boussole des dirigeants et du conseil d’administration. «Attention à ne pas écraser, au nom des parties prenantes, les actionnaires, qui sont devenus la dernière roue du carrosse, alors qu’ils courent le risque social au premier chef aux côtés des salariés», prévient Caroline Ruellan.
Dans cette perspective de montée en puissance des «say-on», Anne-Sophie d’Andlau ne souhaite pas un cadre contraignant dans un premier temps, mais invite à mettre en place tous les éléments pour un dialogue constructif, notamment dans la perspective de l’assemblée générale et du dépôt de résolutions. En début d’année, CIAM, Phitrust, l’Af2i et une quinzaine de gestions se sont mobilisés pour demander un assouplissement des règles françaises, notamment sur le seuil de détention pour déposer une résolution, sur les délais, et demandant l’inscription d’office des résolutions purement consultatives. «Faisons en sorte que les dépôts de résolutions ne donnent pas lieu à des confrontations», demande Anne-Sophie d’Andlau. L’avenir montrera si ce souhait est exaucé.
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Attention aux risques liés à l’information extra-financière
Les entreprises ne sont pas au bout de leur peine. Attention aux risques d’augmentation des contentieux, prévient Muriel Goldberg-Darmon, avocate associée chez Cohen & Gresser. Les nouvelles réglementations (comme la directive CSRD sur le reporting extra-financier ou le règlement européen Taxonomie Verte) vont donner lieu à des problématiques liées à l’information extra-financière. Un risque d’autant plus élevé que les sociétés font face à des réglementations de plus en plus nombreuses et complexes et parfois peu cohérentes entre elles. Sans compter la différence de cadre réglementaire dans le monde. De plus, les ONG ont ouvert de nombreux contentieux au nom du manquement au devoir de vigilance.
Si les actionnaires portent le risque social de l’entreprise, ce n’est pas le cas des ONG. «Mesure-t-on les conséquences sociales et humaines sur l’entreprise et ses salariés si les requêtes des ONG étaient mises en place par la société», s’interroge Anne-Sophie d’Andlau. Les actionnaires regardent les sujets matériels pour l’entreprise et veillent à ce que l’engagement sur les sujets environnementaux crée de la valeur pour l’entreprise et pour toutes les parties prenantes, ajoute la co-fondatrice de CIAM.
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L’attrait de la Bourse passera par les droits de vote multiple
Soumises à des exigences réglementaires de plus en plus lourdes, les sociétés cotées font face à de plus en plus de risques. «Une dimension qui n’est pas assez dans le débat public. Or la cote baisse dans des proportions considérables, s’inquiète Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Il n’y a plus d’IPO et peu de levées de fonds. Où va-t-on ?».
Il invite à une réflexion sur l’instauration de mêmes règles pour les sociétés cotées ou non cotées, par exemple sur les émissions de CO2, rappelant que l’obligation du «say-on-pay» a fait fuir de nombreux candidats à la Bourse. Tandis que la question des droits de vote multiple revient sur le devant de la scène, «les pays qui en ont attirent des sociétés cotées, constate Benoît de Juvigny. Je pense que la France n’aura pas le choix dans le cadre du débat sur le Listing Act».
En attendant, tous s’accordent sur la nécessité de ne pas trop charger la barque des sociétés cotées. Mais, le dialogue actionnarial se construit dans la durée et ne se limite pas à un unique rendez-vous et à l’assemblée générale, rappelle Anne-Sophie d’Andlau. Les sujets de rémunération, de gouvernance, de nominations et de renouvellement d’administrateurs resteront majeurs.
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