
L’électrochoc Solutions 30

C’est la grande affaire de la relance : diriger l’épargne des ménages vers le capital des entreprises, soit par le biais des fonds, soit par l’investissement direct en actions. Le private equity rêve de s’abreuver à la source de l’assurance vie, tandis que l’on salue le retour des particuliers en Bourse. La privatisation de la Française des Jeux, succès populaire et financier, les avait appâtés, le krach de février-mars 2020 les a convaincus d’acheter à bon compte, l’euphorie des marchés a fait tomber leurs dernières barrières. C’est alors que l’appât du rendement tend à occulter l’analyse du risque. L’affaire Solutions 30 en offre une triste illustration.
Le spécialiste de l’installation de la fibre et de compteurs électriques est devenu en quelques années une star des valeurs moyennes, que ses performances boursières ont portée dans l’indice SBF 120. Fin 2020, des vendeurs à découvert, dont le fonds Muddy Waters, ont accusé la société de fraude et de blanchiment d’argent. Ces allégations ne sont pas avérées à ce stade. Mais la séquence ubuesque des dernières semaines – suspension de l’action pendant quinze jours, prise de bec publique avec un cabinet d’audit se disant incapable de rendre un avis sur les comptes – a eu un effet bien concret, l’effondrement du titre en Bourse lors de la reprise des échanges.
Ce réveil brutal rappelle le choc du scandale Wirecard en Allemagne. Les superviseurs ont évité cette fois-ci de se couvrir de ridicule, puisque l’Autorité des marchés financiers a forcé Solutions 30 à sortir du silence. Les investisseurs auront cependant découvert à leurs dépens que l’on peut en France interrompre durant plusieurs jours la cotation d’une société sans aucune explication. Ce n’est pas le cas dans d’autres juridictions. La fragmentation des marchés actions européens permet encore ces dysfonctionnements.
Comme les précédents, ce dossier constitue aussi un cas d’école du biais de confirmation, qui consiste pour un individu à ne retenir que les informations confirmant ses vues. Passe encore que de petits porteurs s’enferrent depuis des mois dans le déni et crient au complot des vendeurs à découvert. La thèse est à la mode depuis le phénomène GameStop. Il est plus inquiétant que des courtiers et des gestionnaires d’actifs drapés dans l’étendard de l’ESG se laissent aveugler à ce point et aussi longtemps. Que l’on partage ou non l’analyse de Muddy Waters, la gouvernance et la communication financière de Solutions 30 étaient sujettes à caution bien avant l’hiver dernier.
Une fois toute la lumière faite sur ce dossier, il conviendra d’en tirer les conséquences en termes de régulation et de pratiques financières. Car sans confiance et transparence, il ne faudra pas compter sur un retour durable des investisseurs particuliers vers les actions, cotées ou non.
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