
Le risque pénal pèse de plus en plus sur les dirigeants de sociétés en difficulté

La remontée attendue des défaillances d’entreprises pourrait aussi engendrer une multiplication des actions pénales contre leurs dirigeants. Si des dossiers emblématiques, comme Orpea, Go Sport ou Camaïeu agitent la scène médiatique, les autres acteurs ne sont pas à l’abri d’une plainte.
Face aux difficultés des entreprises, «le réflexe pénal est devenu de plus en plus systématique pour les parties prenantes, explique Pierre-Philippe Boutron-Marmion, avocat associé du cabinet Boutron-Marmion Associés. Nous constatons une recrudescence de plaintes, déposées par des salariés, des actionnaires, des créanciers ou des signalements des administrateurs judiciaires et des commissaires aux comptes dans le cadre de leur obligation légale de dénonciation, au risque d’ailleurs d’être eux-mêmes inquiétés.»
Les plaignants accompagnent souvent leur demande d’une campagne de communication qui pèse sur la réputation de l’entreprise et de ses dirigeants. Or, le renvoi en correctionnelle prendra des mois et une décision définitive des années. Le dossier peut aussi être classé sans suite ou un non-lieu peut être rendu. D’autant que les plaignants «ont tendance à assimiler toute mauvaise gestion à une infraction pénale et à faire l’amalgame, entre ce qui relèverait d’abus de biens sociaux ou de banqueroute, des infractions pénales, avec une faute de gestion, constituant une faute civile jugée par le tribunal de commerce et non le tribunal correctionnel», explique Pierre-Philippe Boutron-Marmion. Face à ces attaques, les dirigeants se défendent parfois en déposant une plainte pour dénonciation calomnieuse, pour se restaurer médiatiquement.
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Attention à la dilapidation d’actifs viables
Au regard des risques élevés qui pèsent sur lui, le dirigeant doit faire preuve de prudence. Un exercice encore plus difficile quand l’entreprise est à court de trésorerie, harcelée par ces créanciers et déjà au bord de la faillite. Le dirigeant peut être tenté de céder des actifs pour sauver la société, sans toujours en mesurer les conséquences judiciaires. «Tout dépendra du calendrier de l’opération, précise Pierre-Philippe Boutron-Marmion. Le juge pourrait, par exemple, reprocher au dirigeant une augmentation frauduleuse du passif et d’avoir maintenu une activité non viable au lieu d’ouvrir une procédure collective. Ou au contraire d’avoir dilapidé des actifs viables, et d’avoir utilisé ces fonds pour des opérations au détriment des créanciers.»
Par prudence, la première urgence serait de se déclarer en cessation de paiements devant le tribunal. «Même si ce moment est parfois difficile à déterminer, la cessation de paiements doit être déclarée dans les 45 jours, rappelle Pierre-Philippe Boutron-Marmion. Sinon, le dirigeant pourrait être notamment accusé de banqueroute en ayant retardé volontairement l’ouverture d’une procédure collective engageant alors sa responsabilité pénale ou aussi prendre le risque d’une action en insuffisance d’actif. »
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