
Le conflit sino-américain se joue aussi à la Bourse

Didi a finalement cédé aux pressions respectives des Etats-Unis et de la Chine. Le spécialiste chinois de la réservation de véhicules avec chauffeur (VTC) a annoncé vendredi sa décision de se retirer de la Bourse de New York où il était coté depuis seulement cinq mois. «Après mûre réflexion, la société a entamé le processus de retrait de la cote de la Bourse de New York avec effet immédiat et engagé les travaux préparatoires pour une cotation à Hong Kong», a fait savoir Didi vendredi dans un bref communiqué. Ses certificats d’actions (American depository shares) seront donc radiés du New York Stock Exchange (Nyse) et le groupe devra en parallèle veiller à ce que ses titres américains soient convertibles en actions librement négociables sur une autre place boursière internationale.
Plusieurs investisseurs, pourtant soutiens financiers de longue date de Didi, n’ont pas été consultés avant l’annonce de ce retrait, ce qui est inhabituel en Chine ou les parties prenantes sont le plus souvent sondées pour émettre un avis dans ce domaine, selon Bloomberg qui citait des sources proches du dossier. Le prospectus de demande de cotation à Hong Kong devrait être envoyé en mars prochain, ce qui devrait conduire à une négociation de ses actions sur cette place boursière à l’été 2022, en l’absence d’obstacles réglementaires supplémentaires.
Une capitalisation boursière en chute de 53%
L’action cédait 15% à 6,65 dollars vendredi à la clôture des Bourses européennes, reflétant une capitalisation de 32,5 milliards de dollars (28,8 milliards d’euros). Elle a perdu près de 53% de sa valeur par rapport à son prix d’introduction de 14 dollars le 30 juin dernier. L’entreprise avait récolté quelque 4,4 milliards de dollars grâce à cette mise en Bourse, mais l’opération avait provoqué le mécontentement de Pékin qui craignait un transfert de données sensibles aux Etats-Unis. Une enquête administrative visant Didia par la suite débouché sur l’interdiction de télécharger l’application dans l’empire du Milieu.
«Désormais, toutes les entreprises technologiques chinoises vont prendre au sérieux les questions de sécurité autour des données», a commenté Angela Zhang, spécialiste du droit chinois à l’Université de Hong Kong, Si ces dernières ont longtemps été incitées à lever des fonds outre-Atlantique pour accélérer leur développement, l’aggravation des tensions politiques entre Pékin et Washington a conduit à un revirement des autorités chinoises qui poussent désormais les sociétés à forte croissance à se financer sur les places boursières du pays (Hong Kong, Shanghai, Shenzhen ou Pékin).
De son côté, le gendarme boursier américain (SEC) a annoncé jeudi avoir mis la dernière main à son projet de modification des règles s’appliquant aux sociétés étrangères cotées sur le Nyse ou sur le Nasdaq. En l’absence d’audit de leurs comptes par une société agréée, la SEC pourra les sortir de la cote dans les trois ans. La Chine continentale et Hong Kong sont les deux seules juridictions qui ont refusé de se soumettre à cette procédure en dépit des demandes répétées de Washington depuis près de 20 ans.
Une décote prévisible à Hong Kong
Si d’autres groupes chinois (Alibaba, Baidu, Bilibili…) suivent le même chemin que Didi, «cela conduira à une érosion de la prime afférente à leur cotation sur les marchés boursiers réglementés américains», commente Justin Tang, analyste chez United First Partners. Ces groupes-ci peuvent en effet continuer à négocier leurs actions de gré à gré, mais au prix d’une liquidité bien plus faible et d’un coût du capital plus élevé. Une cotation à Hong Kongdevrait également favoriser une pression à la baisse sur leur valorisation. Les sociétés technologiques de l’indice Hang Seng se négocient en moyenne une fois leur chiffre d’affaires annuel, contre 7,6 fois pour leurs homologues américaines présentes sur le Nasdaq. Depuis le début de l’année, le compartiment des valeurs technologiques de l’indice Hang Seng a perdu près d’un tiers de sa valeur, alors que l’indice Nasdaq 100 affiche une hausse de 24%.
De plus, selon un rapport publié le mois dernier par Bank of America, sur plus de 270 sociétés chinoises actuellement cotées aux Etats-Unis, plus de 55% d’entre elles ne remplissent pas les critères exigibles pour une cotation à Hong Kong. «Certains fonds américains devront sortir définitivement du capital de ces sociétés, ce qui entraînera un changement radical de leur base d’investisseurs», souligne Hao Hong, responsable de la recherche au sein de la société de gestion Bocom International Holdings.
Plus d'articles du même thème
-
Le secteur automobile anticipe sa mue en acteur du logiciel
Les seuls produits et services de mobilité définis par logiciel devraient peser plus 50% du chiffre d’affaires des constructeurs automobiles en 2035, soit un doublement en dix ans. -
Valeo prolonge sa collaboration de longue date avec Qualcomm
Les deux partenaires comptent permettre une accélération de la transition de l'automobile mondiale vers le véhicule défini par logiciel. -
Le géant néerlandais ASML pourrait investir 1,3 milliard dans Mistral AI
L'opération permettrait au spécialiste des semiconducteurs de devenir le premier actionnaire du fleuron français de l'intelligence artificielle et d'obtenir un siège à son conseil d'administration.
Sujets d'actualité
ETF à la Une

Xtrackers lance un ETF sur la défense
- A la Société Générale, les syndicats sont prêts à durcir le ton sur le télétravail
- Revolut s’offre les services de l’ancien patron de la Société Générale
- Boeing essaie de contourner la grève en cours dans ses activités de défense
- Les dettes bancaires subordonnées commencent à rendre certains investisseurs nerveux
- Mistral AI serait valorisé 12 milliards d’euros par une nouvelle levée de fonds
Contenu de nos partenaires
-
Allemagne : La conquête de l’Ukraine ne serait « qu’un début » pour la Russie, alerte le chancelier Merz
Berlin - La conquête de l’Ukraine ne serait «qu’un début» pour la Russie de Vladimir Poutine, dont les attaques hybrides contre l’Allemagne sont «de plus en plus intenses et agressives», a accusé lundi le chancelier allemand Friedrich Merz. Cette mise en garde intervient alors que le chef du gouvernement allemand a fait du réarmement de l’Europe une priorité absolue, afin que le continent puisse faire face à la menace russe, mais aussi s’adapter au désengagement américain, depuis l'élection de Donald Trump. «Tout indique que le plan impérialiste de Poutine ne se terminerait pas avec la conquête de l’Ukraine, mais que ce ne serait qu’un début», a-t-il déclaré lors de la conférence annuelle réunissant les ambassadeurs allemands. L’Allemagne assiste «quotidiennement à des attaques hybrides de la Russie de plus en plus intenses et agressives», visant notamment ses «infrastructures», a aussi accusé M. Merz. Berlin observe aussi «les provocations» de Moscou «en mer du Nord et en mer Baltique», a ajouté le chancelier, pour qui «la Russie et la Chine tentent de sécuriser des sphères d’influence en Europe du Sud-Est». Pour M. Merz, «un nouveau conflit systémique a déjà éclaté entre les démocraties libérales et un axe des autocraties», et «ce que nous appelions l’ordre mondial libéral est désormais sous pression de multiples côtés». © Agence France-Presse -
Crise de régime
« Diagnostic vital », « tohu-bohu », « poupées vaudou »... : avant le vote de confiance, les 20 punchlines de François Bayrou pour éviter la chute
En propos liminaire, devant les députés, le Premier ministre François Bayrou a affirmé avoir «voulu» cette «épreuve de vérité». Il devrait être renversé ce lundi à l’issue du vote de confiance à l’Assemblée nationale -
Surtension
Electricité, énergie : encore un débat, toujours pas de loi
Tout le monde est invité à débattre d’un avenir électrique qu’on peine encore à brancher sur une vision claire