La potion anti-inflation de Bercy laisse un goût doux-amer aux distributeurs tricolores

Sans réelle inquiétude, les investisseurs relativisent les conséquences du «trimestre anti-inflation» sur Carrefour et Casino.
Agefi-Dow Jones
rayon poissonnerie de l'enseigne Carrefour
Les investisseurs ne s'inquiètent guère, pour les comptes des distributeurs français, de la facture du «trimestre anti-inflation» mis en scène par Bercy.  - 

Carrefour et Casino ont finalement limité la casse face au «coup de com» de Bercy sur les efforts demandés aux distributeurs alimentaires face à l’inflation. Avec moins de 70 millions d’euros de capitalisation cumulés effacés ce lundi, à la suite de l’annonce du lancement par Bercy d’un «trimestre anti-inflation» en France, les distributeurs tricolores cotés s’en tirent bien. Carrefour s’est effrité de 0,4% à 18,04 euros quand Casino a cédé 0,57% à 9,66 euros.

La réaction initiale du marché était pourtant plus virulente, avec 245 millions d’euros évaporés suite aux annonces de Bruno Le Maire. «Je suis heureux de vous annoncer qu’avec les distributeurs, nous avons trouvé ce matin un accord sur les prix de grande consommation qui nous permettra d’avoir les prix le plus bas possible sur un certain nombre de produits du quotidien pendant une durée d’un trimestre», du 15 mars au 15 juin prochains, a déclaré lundi le ministre de l’Economie et des Finances.

Ces annonces sont intervenues dans un contexte d’inflation élevée. Selon un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) publié lundi, la consommation alimentaire des ménages a reculé de 3% en France au quatrième trimestre 2022. «Cette baisse de la consommation pourrait se poursuivre au premier trimestre de 2023 sous l’effet des nouvelles hausses de prix», prévient l’IGF. La semaine dernière, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) avait annoncé que l’inflation alimentaire avait atteint 14,5% sur un an en février dans l’Hexagone.

Les investisseurs s’inquiètent du coût de ce dispositif pour Carrefour et Casino, dont la part du marché français de la distribution alimentaire s’élevait à 19,7% et 6,9% respectivement en 2022. Selon Bruno Le Maire, le mécanisme garantira, sur des références qui seront librement choisies par les distributeurs, «un niveau de prix le plus bas possible» pris sur leurs marges, «ce qui représente un effort de plusieurs centaines de millions d’euros» consenti par ces acteurs pour le pouvoir d’achat des ménages».

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Effet d’annonce

«Je ne sais pas comment Bruno Le Maire est parvenu à calculer ce montant, mais il a réussi son exercice de communication», ironise un dirigeant d’un distributeur tricolore. «Le gouvernement avait besoin de montrer qu’il se préoccupait du portefeuille des Français et qu’il pouvait aller jusqu’à prendre dans celui des ‘vilains’ distributeurs s’il le fallait», poursuit-il.

«Nous n’avons pas attendu l’intervention de la classe politique pour établir des paniers anti-inflation dès l’été dernier», appuie le porte-parole d’un groupe concurrent préférant également rester anonyme.

Clément Genelot, analyste chez Bryan, Garnier & Co. invite également le marché à ne pas s’alarmer, assurant que le dispositif «trimestre anti-inflation» négocié par Bercy «n’aura qu’un effet marginal sur le résultat opérationnel courant des deux distributeurs» membres de l’indice SBF 120. En effet, la composition de leur panier «anti-inflation» englobe essentiellement des produits en marque propre. «Ces produits, pour lesquels il n’y a pas d’industriel entre le distributeur et le producteur, ont déjà vu leurs prix augmenter au gré de l’inflation», relève Clément Genelot. «Comme les prix de nombreuses matières premières agricoles refluent et que ceux de l’énergie plafonnent, il sera relativement peu coûteux pour Carrefour et Casino de réduire le prix de ces produits en rayons jusqu’à mi-juin», ajoute-t-il. Le prix de la gesticulation politique reste en revanche résolument orienté à la hausse.

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