La géopolitique replace Thales et Dassault Aviation sur le radar du marché

Les valeurs de la défense ont été plébiscitées lundi en Bourse, à la faveur de la guerre en Ukraine et de la hausse attendue des budgets militaires.
Julien Marion, Agefi-Dow Jones
Groupe de défense, d’aérospatiale et de sécurité Thales
Le titre du groupe Dassault a progressé de 12% en Bourse hier lundi.  - 

Après être tombés en disgrâce, les groupes de défense retrouvent subitement les faveurs du marché. L’offensive militaire menée par la Russie en Ukraine a rappelé l’importance de ce secteur à des investisseurs contraints de changer brusquement leur fusil d'épaule.

Le chancelier allemand, Olaf Scholz, a déclaré dimanche que son pays allait investir plus de 2% de son produit intérieur brut (PIB) dans la défense, contre 1,3% l’an passé, selon JPMorgan Cazenove. L’Allemagne compte immédiatement investir 100 milliards d’euros en armement. « Les autres pays européens vont probablement augmenter leurs dépenses de défense », anticipe la banque américaine, qui évoque « une nouvelle ère » pour les dépenses militaires. Jefferies, de son côté, calcule que les membres de l’Otan, hors Etats-Unis, devront en moyenne accroître leurs budgets militaires de 25% pour atteindre un niveau correspondant à 2% de leur PIB, soit le seuil recommandé par l’organisation politico-militaire.

Cette nouvelle donne relance un secteur délaissé par le marché car perçu comme peu attrayant pour les investisseurs sensibles aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). « L’ESG a pesé sur les valeurs de la défense depuis de nombreux mois. Désormais, le marché réalise que ces sociétés sont vitales à la souveraineté nationale et doivent donc être mieux considérées », explique Romain Pierredon, analyste au sein du bureau d'études indépendant AlphaValue.

Sur le SBF 120, Thales et Dassault Aviation constituent les grands bénéficiaires de ce retour en grâce des entreprises de défense. Les deux groupes prennent respectivement 12% et 7% lundi, portant leur hausse à 38% et 41% depuis le début de l’année.

La cybersécurité, grand atout de Thales

Thales dispose de davantage de munitions pour consolider sa progression. Le groupe de technologies et de défense est directement exposé à la hausse du budget militaire allemand, bien que modestement, Jefferies évaluant cette exposition entre 1% et 4% de ses ventes totales. Plus largement, « leurs systèmes d'électroniques embarqués pourraient bénéficier rapidement de décisions de modernisation d'équipements militaires » de la part des gouvernements, explique un analyste basé à Paris.

Thales détient également une importante expertise dans la cybersécurité, domaine dans lequel le groupe a généré des ventes de plus de 1 milliard d’euros en 2020. Jusqu'à présent, « la cybersécurité enregistrait une croissance à deux chiffres, qui devrait s’amplifier au regard des menaces de cyberattaques que font craindre les tensions avec la Russie », analyse Romain Pierredon, d’AlphaValue. Thales a récemment manifesté sa volonté de se renforcer dans ce domaine en étudiant les opportunités d’acquisitions.

Par ailleurs, « le virage de l’Allemagne sur les dépenses militaires devrait permettre l’accélération de grands projets technologiques européens de défense sur lesquels Thales aurait une importante expertise », souligne Romain Pierredon.

Outre d’excellents fondamentaux, Morgan Stanley juge que le groupe dirigé par Patrice Caine présente les meilleures performances en matière de critères ESG parmi les industriels européens de la défense. En octobre, le groupe a tenu une journée dédiée aux enjeux ESG, au cours de laquelle il a détaillé une feuille de route « vers un futur bas carbone » et expliqué comment ses technologies contribuaient à « rendre le monde plus sûr, plus vert et plus inclusif ».

JPMorgan Cazenove a pour sa part relevé lundi de 25% son objectif de cours sur l’action, à 125 euros, et confirmé son conseil à l’achat.

Vents porteurs pour le Rafale de Dassault Aviation

Pour Dassault Aviation, les catalyseurs devraient se concrétiser à moyen terme. « Il est clair que l’action manque de relais dans l’immédiat mais le groupe pourrait tirer parti d’une future vague de réarmements avec de potentiels nouveaux appels d’offre et donc de nouvelles commandes de Rafale », estime l’analyste parisien. Jefferies juge également que la dynamique de l’avion de chasse de Dassault Aviation devrait bénéficier d’un décollage des appels d’offre.

A plus court terme, le conflit ukrainien risque toutefois de peser sur la demande dans l’aviation d’affaires, l’autre métier de Dassault Aviation, qui venait tout juste d’enclencher une reprise. Ce marché demeure sensible aux incertitudes géopolitiques et macroéconomiques qui se sont renforcées avec la crise en Ukraine.

Contactés, Thales et Dassault Aviation n’ont pas souhaité faire de commentaire avant la publication de leurs résultats annuels, prévue respectivement jeudi et vendredi. Les deux groupes auront alors l’occasion d'évoquer les implications pour leurs activités du réarmement attendu en Europe.

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