Gaz naturel : L’Europe craint à nouveau la concurrence de l’Asie

Les prix européens sont remontés jeudi matin à un plus haut de deux mois à cause du froid.
Fabrice Anselmi
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Des craintes montent autour d’un possible rebond de la demande asiatique pour le gaz naturel liquéfié (GNL).  -  photo Gaz_chapp/Pixabay.

L’hiver arrive, mais ce n’est pas la seule raison de tous les maux sur les prix du gaz. Les contrats à 1 mois sur le gaz naturel européen (référence TTF à Rotterdam) ont augmenté jeudi pour une troisième session de suite à 158 euros/MWh, +61% par rapport au creux de six mois atteint le 11 novembre (98 euros/MWh), bien sûr sous l’effet des températures hivernales en Europe, mais aussi des craintes autour d’un possible rebond de la demande asiatique pour le gaz naturel liquéfié (GNL).

Le coup de froid depuis une semaine a augmenté les besoins de chauffage alors que la «vague» pourrait durer deux semaines selon les prévisions météorologiques. Les tensions remontent aussi à cause d’une chute de l’énergie éolienne, ainsi que de pannes importantes dans les installations gazières (en Norvège) et nucléaires (en Suède et en France). Les stocks de gaz européens, qui ont diminué de 5% en trois semaines autour de 90,6% de la capacité totale selon Gas Infrastructure Europe, restent au-dessus des réserves habituelles à cette époque de l’année, rappelle Toby Whittington chez Oxford Economics. C’est grâce aux 156 milliards de mètres cubes (bcm) de GNL importés par l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni en 2022 (au lieu de 94 en 2021). Les contrats futures à 1 an sur l’électricité sur les marchés de gros sont remontés doucement depuis mardi : de 360 à 393 euros/MWh pour l’Allemagne, de 444 à 466 euros/MWh pour la France.

Risque d’un «dégel» en Chine

Mais au-delà de ce premier test côté demande depuis l’invasion de la Russie en Ukraine, les prix remontent avec les craintes liées au rebond de la demande asiatique. Les importations de GNL dans le nord-ouest de l’Europe ont continué à augmenter ces dernières semaines, limitant la baisse des stocks, notamment parce que les prix restent assez élevés au regard des fournisseurs américains et qataris. «Nous prévoyons maintenant que les deux tiers des cargaisons de GNL américains atterriront en Europe cette année», estime Kristy Kramer, responsable de la recherche sur le gaz chez Wood Mackenzie. D’autres estiment que c’est compter sans un redémarrage de l’activité de la Chine, qui assouplit ses mesures anti-Covid alors qu’elles ont beaucoup pesé sur la demande cette année.

La part des volumes de GNL au comptant importés par l’Asie a chuté de 28% sur huit mois en 2022 selon le dernier rapport trimestriel de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), avec une météo clémente et surtout une baisse de 59% pour la Chine, également victime de ses stocks excédentaires. En dehors du cas chinois, «cela ne signifie en aucun cas un manque d’intérêt (de l’Asie) pour la sécurisation des expéditions de GNL», expliquait l’agence, insistant sur des appels d’offres encore élevés pour des livraisons à moins d’un an, et qui n’ont pas abouti jusque-là pour des questions de prix. Un dégel de l’économie pourrait renforcer la concurrence sur la scène internationale, même avec des prix élevés. «L’Allemagne a actuellement l’un des prix les plus élevés pour le GNL, et cela a contribué à attirer les cargaisons, a reconnu Peter Heydecker, directeur du trading chez EnBW cité par Bloomberg. Nous avons un besoin énorme et nous sommes compétitifs à l’échelle mondiale, mais cela peut changer rapidement et nous devons garder un œil sur la demande asiatique.»

Deux autres obstacles sont à considérer, poursuit Toby Whittington : la capacité de regazéification limitée des pays européens importateurs de GNL malgré de nouvelles infrastructures (41 bcm/an en 2023), également citée par Kristy Kramer ; et les terminaux de liquéfaction encore plus limités des pays exportateurs de GNL. Etats-Unis, Australie et Qatar doivent honorer des contrats de long terme avec les pays non connectés par pipeline comme le Japon et la Corée du Sud, et n’ont pas prévu d’augmenter rapidement leurs capacités d’ici à 2025. «L’année prochaine sera la plus difficile pour l’Europe», conclut l’économiste, estimant que, contrairement à 2022, l’approvisionnement par gazoduc russe restera faible (20 bcm en 2023 après 61 en 2022), trop pour être compensé par le GNL si les pays asiatiques n’exploitent pas davantage de capacités régionales inexploitées.

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