
Bouygues met le prix fort pour emporter Equans

Bouygues a fait parler sa puissance financière. Présenté dès le départ comme le grand favori pour le rachat d’Equans, le groupe de construction et de communication a payé le prix fort pour emporter la filiale de services multitechniques d’Engie, reléguant assez loin derrière lui le fonds Bain Capital et Eiffage, les deux derniers autres candidats des enchères.
L’offre de Bouygues valorise 100% d’Equans à 7,1 milliards d’euros en valeur d’entreprise ou 6,7 milliards d’euros sans la dette IFRS 16 (contrats de location). Il s’agit de la somme la plus importante jamais engagée par Bouygues dans une acquisition. Elle représente environ 16 fois le résultat opérationnel courant 2020 d’Equans. Le multiple tombe à 11,4 fois pour 2026, indique Bouygues, en tenant compte des synergies attendues. Il dit les avoir chiffrées, « en régime de croisière, entre 120 et 200 millions par an suivant les scenarii ». « Ces synergies sont en très grande partie liées aux achats », ajoute Bouygues.
Offre «canon»
L’acquisition d’Equans sera financée par les ressources dont dispose actuellement le groupe et par un emprunt bancaire qui fera, à terme, l’objet d’un refinancement obligataire. « Cet emprunt ne comporte ni covenants financiers ni clause de rating », précise Bouygues. Il disposait à fin juin 2021 de 11,8 milliards d’euros de trésorerie disponible pour un endettement net de 2,8 milliards d’euros, soit 24% des fonds propres. Aucune augmentation de capital n’est prévue. Bouygues était conseillé par Greenhill & Co et Crédit Agricole CIB.
Avec cette offre canon», bien supérieure aux espoirs initiaux d’Engie, Bouygues a écrasé la concurrence. Arrivé deuxième, et associé à Fimalac, Bain proposait 6,8 milliards d’euros, selon une source proche. Eiffage était très en-dessous. « L’offre de Bouygues était la mieux-disante au regard de l’ensemble des critères retenus par Engie, y compris sur le plan financier », a reconnu Engie dans un communiqué, ce qui lui permettra de financer son développement dans les énergies renouvelables (lire par ailleurs).
« Nous allons pouvoir ainsi créer un nouveau leader mondial des services multi-techniques avec un ancrage français », se félicite dans un communiqué Martin Bouygues, le président éponyme du groupe. « Cette activité constituera un nouveau métier à part entière du groupe et le plus important en termes de nombre de collaborateurs et de chiffre d’affaires », appuie Olivier Roussat, le directeur général.
L’acquisition d’Equans permet à Bouygues de créer le quatrième métier qu’il a toujours voulu ajouter à la construction-immobilier, aux télécoms et aux médias, ce qu’il n’avait pas réussi à faire avec Alstom ou qu’il aurait aimé créer un temps dans l’énergie avec Areva. Les 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires d’Equans s’ajouteront aux quelque 4 milliards que Bouygues réalise déjà dans les services multi-techniques avec ses filiales Bouygues Energies & Services et Kraftanlagen München. Ces 16 milliards seront supérieurs aux 13 milliards réalisés par la construction ou par Colas. Cette division emploiera 96.000 personnes.
Bouygues va ainsi quadrupler de taille, dans un secteur promis à une croissance durable, attendue entre 3% et 4% sur les 5 prochaines années selon le BCG, portée par les transitions énergétique, numérique et industrielle.
Marges à redresser
Des défis attendent toutefois Bouygues. Equans n’est pas le groupe le plus rentable de son secteur, avec une marge opérationnelle de l’ordre de 2,5%, deux fois inférieure à celle de son concurrent Spie, un temps intéressé par son rachat, et assez loin des 6% et plus réalisé par Bravida, référence suédoise du secteur, détenue par Bain. « Le nouvel ensemble aura pour objectif d’atteindre, à moyen terme, une marge opérationnelle courante supérieure à 5% », annonce Bouygues, dont la marge dans ce métier reste loin des meilleurs, sous les 2%.
La remontée de la marge ne se fera pas sur le social, promet Bouygues, alors que certaines agences locales d’Equans pourraient doublonner avec celles de son nouvel actionnaire. Bouygues s’est engagé « sur l’absence de départs contraints en France et en Europe pendant au moins cinq ans à compter de la date du closing » et « au-delà des 15.000 à 20.000 recrutements annuels nécessaires pour compenser le turn-over estimé du nouvel ensemble, il s’engage sur la création nette de plus de 10.000 emplois dans les cinq ans à venir ». La hausse de la marge doit provenir d’une gestion plus stricte couplée à la croissance des revenus. Jérôme Stubler, actuel directeur général d’Equans, sera chargé de diriger ce nouveau métier.
Signature de Martin Bouygues
Pour relativiser le risque financier que fait peser un rachat d’un tel montant, Bouygues rappelle que les activités d’Equans « bénéficient d’une majorité de contrats long terme aux revenus récurrents et d’un fort taux de conversion de l’Ebitda en cash, qui contribueront à la solidité du cash-flow libre du groupe ».
Ce chantier complexe sera mené en parallèle de celui de la fusion entre TF1 et M6, dont le principe a été annoncé avant l’été mais qui doit encore franchir la barrière des autorités de la concurrence. Si tout va bien, ils seront bouclés en 2022, année du 70e anniversaire de Bouygues. Ces deux dossiers marqueront ainsi, avec le développement de Bouygues Telecom, l’héritage de Martin Bouygues à la tête du groupe familial, au moment où le fils de Francis Bouygues commence à préparer le passage de relais à la troisième génération de dirigeants. Probablement à son fils aîné Edward, nommé en début d’année directeur général délégué de Bouygues.
Plus d'articles du même thème
-
La perspective d'une rotation d'actifs chez Safran satisfait les investisseurs
L'équipementier aéronautique envisagerait de vendre ses activités dans le domaine de l'aménagement des intérieurs d'avions, à l'exception des sièges. -
Goldman Sachs va investir jusqu’à 1 milliard de dollars dans T. Rowe Price
Cet investissement cimente un partenariat stratégique qui prévoit le développement conjoint de produits intégrant des actifs non cotés. -
L'empire des Berlusconi dans la télévision s'étend avec la reprise de Prosiebensat
MediaForEurope, contrôlé par la famille de feu Silvio Berlusconi, détient plus de 75% du groupe de télévision allemand Prosiebensat après la clôture de son OPA.
ETF à la Une

L'ETF d'Ark Invest, le casse estival de l'IPO de «Bullish»
- A la Société Générale, les syndicats sont prêts à durcir le ton sur le télétravail
- Revolut s’offre les services de l’ancien patron de la Société Générale
- Le Crédit Agricole a bouclé l'acquisition de Banque Thaler
- Les dettes bancaires subordonnées commencent à rendre certains investisseurs nerveux
- Les émetteurs français de dette bravent la crise politique
Contenu de nos partenaires
-
Australie : attaque mortelle de requin sur un surfeur à Sydney, plages fermées
Sydney - Un «grand requin» a tué un surfeur samedi sur une plage populaire de Sydney, a annoncé la police, une attaque mortelle rare qui a entraîné la fermeture de plusieurs plages en Australie. La victime, un habitant de 57 ans, surfait avec cinq ou six amis dans les eaux du Pacifique, au large des plages voisines de Long Reef et Dee Why, au nord de Sydney, ont précisé les autorités. Ce surfeur expérimenté, marié et père d’une jeune fille, a perdu «plusieurs membres», a déclaré le responsable de la police de l’Etat de Nouvelle-Galles du Sud, John Duncan, lors d’une conférence de presse. «D’après ce que je comprends, lui et sa planche ont disparu sous l’eau», a-t-il ajouté. «Le corps a été retrouvé flottant dans les vagues» et «la planche du surfeur a été brisée en deux». Deux surfeurs l’ont aperçu dans l’eau et l’ont ramené à terre. «Malheureusement, à ce moment-là, il avait déjà perdu énormément de sang, et les tentatives de réanimation ont échoué», a poursuivi M. Duncan. Des témoins ont vu le squale, a indiqué la police, qui avait évoqué auparavant un «grand requin». Des experts gouvernementaux examineront les restes de la planche et le corps de la victime afin de déterminer l’espèce du requin, a indiqué la police. La plupart des morsures graves en Australie proviennent de grands requins blancs, de requins-bouledogues et de requins-tigres. Des images diffusées par les médias locaux montraient des policiers rassemblés sur le rivage et des ambulances garées à proximité. Les plages situées entre les quartiers nord de Manly et Narrabeen ont été fermées pour au moins 24 heures, a indiqué Surf Life Saving NSW, branche locale d’un réseau de clubs de sauveteurs bénévoles et professionnels. «Terrible tragédie» «Pour le moment, merci de rester hors de l’eau sur les plages environnantes et de suivre les consignes des maîtres-nageurs et sauveteurs», a déclaré le directeur général de l’organisation, Steven Pearce. «Nous adressons nos plus sincères condoléances à la famille de l’homme touchée par cette terrible tragédie». Les clubs de sauvetage voisins ont annulé toutes les activités et entraînements nautiques pour le week-end. Des drones et des sauveteurs sur des jets skis surveillaient les plages à la recherche de la présence de requins. Il s’agit de la première attaque mortelle de requin à Sydney depuis 2022, lorsque Simon Nellist, un moniteur de plongée britannique de 35 ans, avait été tué au large de Little Bay. La précédente attaque fatale dans la ville remontait à 1963. Un surfeur anonyme a déclaré au Sydney Daily Telegraph avoir été témoin des suites de l’attaque : «Quatre ou cinq surfeurs l’ont sorti de l’eau et il semblait qu’une partie importante de la partie inférieure de son corps avait été attaquée», a-t-il dit. Les gens ont été sommés de sortir de l’eau, a-t-il raconté. «Il y avait un sauveteur qui agitait un drapeau rouge. Je ne savais pas ce que cela signifiait... mais j’ai pensé que je devais probablement rentrer à terre». La dernière attaque mortelle en Australie remonte à mars, lorsqu’un surfeur avait été tué au large de la plage isolée de Wharton Beach, en Australie-Occidentale. Depuis 1791, plus de 1.280 incidents impliquant des requins ont été recensés en Australie, dont plus de 250 mortels, selon une base de données sur les rencontres entre ces squales et les humains. David WILLIAMS © Agence France-Presse -
Anthropic règle un litige majeur sur le droit d’auteur en IA avec un accord à 1,5 milliard de dollars
New York - La start-up américaine d’intelligence artificielle (IA) Anthropic a accepté de verser au moins 1,5 milliard de dollars à un fonds d’indemnisation d’auteurs, ayants droit et éditeurs qui poursuivaient l’entreprise pour avoir téléchargé illégalement des millions de livres, selon un document de justice publié vendredi. Cet accord à l’amiable, d’un montant colossal, constitue une étape marquante dans le débat sur l’utilisation de données pour développer et entraîner les grands modèles d’IA générative. «Cet accord historique est le plus élevé pour une affaire de droits d’auteur», a commenté auprès de l’AFP l’avocat des détenteurs de droits, Justin Nelson, du cabinet Susman Godfrey. «C’est le premier de son genre dans l'ère de l’IA». Fin juin, le juge californien saisi du dossier avait néanmoins estimé que le fait d’alimenter un logiciel d’IA générative avec des oeuvres en théorie protégées par le droit d’auteur ne constituait pas une infraction. Il avait seulement retenu contre Anthropic le téléchargement et le stockage de livres issus de librairies pirates en ligne, reconnaissant la société californienne coupable de ne pas avoir acheté ces ouvrages. «Nous sommes en désaccord avec l’opinion du tribunal selon laquelle on peut séparer le téléchargement d’une oeuvre de son utilisation», a indiqué une porte-parole d’Anthropic. Mais «nous pensons que cet accord va nous permettre de nous concentrer sur notre mission essentielle, plutôt que sur un long contentieux», a-t-elle ajouté. Le montant sur lequel se sont accordées les parties sera au minimum de 1,5 milliard de dollars et pourrait augmenter si la liste définitive des livres concernés, qui n’est pas encore arrêtée, dépassait 500.000, auquel cas Anthropic verserait 3.000 dollars de plus par ouvrage. L’accord doit encore être homologué par le juge William Alsup. Une audience est prévue lundi au tribunal fédéral de San Francisco. «Un début» Cette transaction permet à Anthropic d'éviter un procès, qui devait démarrer début décembre pour déterminer le montant des dommages et intérêts. La start-up risquait d'être condamnée à débourser une somme bien supérieure à celle décidée avec les détenteurs de droit, au point de mettre en péril son existence même. L’accord «va assurer à chaque (plaignant) une indemnisation significative», a fait valoir Justin Nelson, «et il établit un précédent en matière de paiement des détenteurs de droits.» De nombreux autres dossiers sont encore en cours devant des tribunaux américains, initiés par des écrivains, musiciens ou éditeurs de presse pour utilisation non autorisée de leur production. Vendredi, deux écrivains ont lancé un recours, qu’ils souhaitent collectif, contre Apple, accusant le géant de la Silicon Valley d’avoir utilisé des oeuvres contenues dans des bibliothèques pirates pour entraîner les modèles d’IA intégrés dans ses appareils. La plupart des grands acteurs de l’IA générative s’appuient sur la notion juridique d’utilisation équitable («fair use» en anglais), susceptible de limiter l’application du droit de propriété intellectuelle. Dans sa décision de juin, le juge Alsup avait estimé qu’en entraînant ses modèles d’IA, baptisés Claude, avec des milliers de livres, Anthropic s’inscrivait dans le cadre de l’utilisation équitable. «Le principe juridique selon lequel le développement de l’IA sur des oeuvres protégées relève d’une utilisation équitable demeure intact», a souligné la porte-parole d’Anthropic. Cet accord «ne fait que régler un différend sur la façon dont certains documents ont été obtenus», a-t-elle poursuivi. En juin, dans une autre affaire de ce type, concernant Meta, devant la même juridiction, un autre magistrat fédéral avait donné raison au géant des réseaux sociaux, mais tout en expliquant que les plaignants auraient pu soulever des arguments recevables. Les créateurs de contenu, qu’il s’agisse de musique, de livres ou d’articles, s’inquiètent de voir la valeur marchande de leur travail s’effondrer avec l'émergence des interfaces d’IA générative. «Nous espérons qu’il s’agisse du premier exemple d’une longue série de sociétés d’IA à qui on demande des comptes pour le vol de contenu créatif», a réagi l’organisation Human Artistry Campaign, qui milite pour un développement responsable de l’IA. «Ce n’est qu’un début», a écrit l’association sur X, «mais il est marquant et historique.» Thomas URBAIN © Agence France-Presse -
Donald Trump rebaptise le Pentagone en « ministère de la Guerre » pour afficher la puissance américaine
Washington - Donald Trump a signé vendredi un décret visant à rebaptiser le ministère américain de la Défense en «ministère de la Guerre», ajoutant qu’il voulait par là envoyer un «message de victoire» et «de force» au reste du monde. Le président américain a laissé entendre qu’il pouvait se passer d’un vote du Congrès pour procéder à ce changement d’appellation. «Les mots comptent», a dit le chef du Pentagone Pete Hegseth, présent aux côtés de Donald Trump dans le Bureau ovale, assurant que cette nouvelle appellation devait permettre de «restaurer une éthique guerrière». Formellement, il s’agit pour l’instant d’une appellation «supplémentaire», selon un document distribué dès jeudi par la Maison Blanche. Un haut responsable du ministère a indiqué que le coût de cette opération, potentiellement très dispendieuse, deviendrait «plus clair» au fur et à mesure de sa mise en place. Peu après la signature du décret présidentiel, les mots «ministère de la Défense» ont été immédiatement retirés d’un mur dans le Pentagone, devant des caméras de télévision. Le site du ministère a été renommé et Pete Hegseth se présente désormais comme «ministre de la Guerre» sur X. «Nous allons soumettre (ce changement de nom) au Congrès», a prévenu Donald Trump. «Je ne sais pas (si les parlementaires voteront en ma faveur, ndlr), nous verrons bien, mais je ne suis pas sûre qu’ils aient besoin de le faire». «Trop défensif» Ce n’est pas la première fois que le républicain de 79 ans impose ses idées sans passer par la case législative. Son second mandat est marqué par une volonté assumée d'étendre le pouvoir présidentiel, à coups de décrets et de décisions empiétant sur les prérogatives du Congrès. Il a signé vendredi son 200e décret depuis son retour à la Maison Blanche en janvier. Le président des Etats-Unis avait déjà fait part de ce projet qui restaurerait une appellation ayant existé de 1789 à 1947. «Défense, c’est trop défensif, et nous voulons aussi être offensifs», avait-il déclaré. Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a mobilisé l’armée pour imposer une image de puissance spectaculaire et combler son appétit de fastes militaires. Il a organisé un rare défilé le jour de son anniversaire, déployé la Garde nationale dans des villes dirigées par ses opposants, et ordonné une frappe exceptionnelle sur un bateau dans les Caraïbes dans le cadre de la lutte affichée contre le narcotrafic. Les démocrates dénoncent régulièrement ce recours aux militaires, révélateur selon eux d’une dérive autoritaire. Contre le «politiquement correct» Le président américain avait eu pendant son premier mandat une relation plutôt contrariée avec l’armée. Son ancien chef d'état-major, le général Marc Milley, l’a qualifié d’"aspirant dictateur». Des articles de presse avaient également attribué à Donald Trump des propos méprisants pour des militaires américains morts au combat. Cette fois, le dirigeant républicain a remanié l'état-major américain pour s’entourer de hauts gradés choisis par ses soins, et a nommé en la personne de Pete Hegseth un ministre à la loyauté farouche. Le chef du Pentagone, adepte d’un discours viriliste et d’opérations de communication musculeuses, a dit vendredi que l’objectif de l’armée américaine était d’atteindre «une létalité maximale, pas une létalité tiède». Il a dit vouloir aller à l’encontre du «politiquement correct». Aurélia END © Agence France-Presse