
Une fraude met KO un fonds géré par EuroTitrisation

L’escroc avait pris beaucoup de place dans le fonds. Une fraude aux fausses factures a été dévoilée aux investisseurs du fonds commun de titrisation (FCT) Smart Treso, pour 37 millions d’euros sur 156,3 millions d’encours à fin février 2021, révèle InstitInvest (une publication de L’Agefi).
Le véhicule lancé en 2016 acquiert des factures auprès de PME sélectionnées par Smart Treso Conseil, filiale d’Entrepreneur Invest, qui conseille le fonds. Les factures acquises sont ensuite mutualisées dans le fonds qui émet des obligations souscrites par des investisseurs qualifiés, notamment institutionnels. La société de gestion du FCT est EuroTitrisation (dont les actionnaires sont le Crédit Agricole, Natixis, BNP Paribas et Axa à travers deux holdings filiales), qui vient juste d’être sélectionnée comme société de gestion faîtière du fonds de place des prêts participatifs.
Les premières anomalies sont apparues lors de la réception des comptes de la société en septembre 2020, selon EuroTitrisation, qui précise : «EuroTitrisation a immédiatement cessé d’acquérir de nouvelles créances et pris des mesures conservatoires habituelles dans ce type de situation. La fraude n’a été révélée que lors de la réception du rapport d’audit de conciliation en février 2021. EuroTitrisation a immédiatement décidé de suspendre les remboursements aux investisseurs pour maintenir une égalité de traitement entre eux et les en a informés dans le même temps.»
Pas assez réactif toutefois pour tout le monde. «Je suis irrité par l’attitude de la société de gestion, EuroTitrisation, qui n’assume pas ses responsabilités et nous renvoie sur ses partenaires commercialisateur et conseil en investissement financier, commente Jean-Pierre Mottura, directeur général de la Caisse de prévoyance des agents de la Sécurité sociale et assimilés (Capssa). Nous n’avons été prévenus de la fraude de l’émetteur que le 24 février dernier, alors que des anomalies étaient apparues courant 2020 avec les créances de la société en question.» La Capssa a engagé 10 millions d’euros dans le fonds pour six mois, attirée par un rendement de 1,05%. Une centaine d’investisseurs de toutes tailles l’accompagne dans le fonds.
Tricherie sophistiquée
Pourtant, des garde-fous existent. Contacté, Smart Treso Conseil signale que les entreprises font l’objet d’audits périodiques et d’une notation financière par un prestataire spécialisé. «Le cédant incriminé a déjoué les contrôles et vérifications en produisant un certain nombre de faux au niveau de ses comptes, de ses prévisions de trésorerie, des factures cédées, ainsi qu’en se substituant, par de fausses adresses mail, aux réponses de ses clients lors des vérifications diligentées par le conseil en investissement pour s’assurer de la véracité des factures acquises par le fonds», ajoute le conseil.
Pour les vérifications sur les entreprises, Smart Treso travaille avec Altares et Ellisphere, et Atradius officie comme assureur-crédit. Les pseudo-clients de l’entreprise présentaient une allure respectable : ministères, municipalités et agences étatiques. Or, malgré ces signatures solides, l’entreprise était payée après de très longs délais.
«La société de gestion n’a obtenu que très tardivement les comptes 2019 de l’entreprise, et malgré cela a continué à lui acheter des créances jusqu’à atteindre un taux d’emprise problématique dans le fonds, souligne Jean-Pierre Mottura. Pour nous, il y a des erreurs de gestion et un problème dans la surveillance du risque. Nous allons au contentieux pour qu’on nous rende notre argent. Je me demande donc si EuroTitrisation mérite d’être retenu par la FFA pour la gestion du fonds de prêts participatifs.» Smart Treso Conseil précise toutefois qu’aucun taux d’emprise maximum n’est prévu par le règlement du fonds.
Pas de solution de continuation
En cas de fraude, l’assurance-crédit ne couvre pas les pertes. Après le gel du fonds, le dossier prend désormais une tournure judiciaire. Une solution de continuation a été étudiée par EuroTitrisation, consistant à isoler les créances douteuses – qui représentent près du tiers du fonds – pour les apurer, et à grouper les papiers sains pour une centaine de millions d’euros dans un nouveau fonds confié à un autre gérant. Mais Acofi, seul candidat pressenti, n’a pas donné suite.
Smart Treso Conseil ne peut que déplorer la situation : «La société de gestion vient de prendre la décision d’engager la gestion extinctive du fonds, entrainant le désarroi légitime des investisseurs mais aussi des équipes en charge des opérations du fonds ainsi que des difficultés pour la soixantaine de PME, représentant près de 3.000 emplois, finançant leur BFR grâce à ce fonds qui a permis de financer plus de 1,5 milliard d’euros de factures en quatre ans et demi d’activité.» Une déconfiture qui, à plus petite échelle, n’est pas sans rappeler celle du fonds Greensill en Europe.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse