Un premier défaut en immobilier commercial fragilise les CMBS européens

Un fonds Blackstone a remboursé seulement 44% du prêt auquel le véhicule était adossé en Finlande.
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La hausse des risques se matérialise sur l’immobilier commercial.  -  Crédit Fotolia.

La hausse des risques se matérialise sur l’immobilier commercial. Blackstone, qui avait racheté pour 1,8 milliard d’euros la foncière finlandaise Sponda Oy en 2018 et refinancé une partie des bureaux secondaires et commerces en périphérie d’Helsinki, vient de faire défaut à l’échéance du prêt hypothécaire ad hoc arrangé par Citi et Morgan Stanley pour 5 ans, auquel était adossée la titrisation CMBS FROSN-2018 créée pour 10 ans. Le fonds propriétaire avait remboursé 300 millions d’euros sur 531 millions de principal avec la revente des meilleurs actifs peu de temps après ces opérations. Mais les restrictions liées au covid, l’essor du travail hybride ou du e-commerce et la hausse des taux ont ensuite fait diminuer les loyers, le nombre d’acheteurs potentiels et les valorisations…

Symbolique

Le «loan servicer» de Blackstone a demandé une prolongation du prêt d’un an pour organiser la vente ou la «stabilisation» des propriétés, mais les investisseurs du CMBS ont refusé, craignant la période trop courte et le marché trop restreint pour trouver les locataires manquants (45% de vacance). Au contraire de celui négocié fin janvier pour le CMBS Taurus-1 2018 Italy, le plan proposé aux détenteurs des créances était peu attractif, avec une petite augmentation de la marge d’intérêts au bénéfice des détenteurs des créances (notes). Sans amortissement du principal ou injection de capital… «Il y a pourtant un risque, avec ce genre de plan, en cas de défaut à la nouvelle échéance 1 ou 2 ans plus tard, de raccourcir le temps de gestion par le ‘special servicer’ du CMBS pour vendre ou restructurer les actifs et rembourser les ‘notes’», rappelle Florent Albert, directeur senior Structured finance chez Scope Ratings.

Depuis le 2 mars, c’est au «special servicer» de récupérer l’argent en vendant les actifs - avec le risque d’une décote - ou en les gérant pendant les cinq ans restants, sachant que les loyers remonteront directement auprès du CMBS sans passer par le fonds propriétaire. Tout n’est pas encore perdu pour les détenteurs des créances, dont l’agence Fitch avait dégradé les notations (de AAA à AA+ pour la tranche senior) en décembre au vu du contexte macroéconomique.

L’événement est d’autant plus symbolique que le gestionnaire Blackstone a mené le renouveau des CMBS européens post-2008 et en sponsorise environ la moitié. «Dans une récente étude, nous avons estimé qu’un tiers des prêts immobiliers commerciaux dans les CMBS européens arrivant à échéance en 2023 et 2024 sont confrontés à un risque de refinancement élevé à très élevé faute de remontées suffisantes, poursuit Florent Albert. Environ 19% ont déjà des rendements de la dette inférieurs à notre taux de refinancement estimé - taux de swap à 5 ans plus marges de prêt majorées de 50 points de base (pb) pour refléter la réévaluation en cours de la dette. Et 14% supplémentaires seront aussi exposés à un risque élevé si les taux de swap augmentent encore de 100 pb.»

A lire aussi: Le risque de taux perturbe les titrisations de prêts immobiliers commerciaux

L’exemple autour du CMBS FROSN-2018 illustre les risques de l’immobilier commercial sur des actifs de niche, notamment en Europe où les CMBS sont encore souvent un peu trop concentrés. Mais aussi plus largement sur les prêts immobiliers à taux variables. La variation des conditions financières fait vite évoluer les ratios de levier (LTV) et de couverture des intérêts dans des zones dangereuses, comme le montrent les défauts sur les prêts à l’immobilier de bureaux. Ils se sont multipliés ces dernières semaines aux Etats-Unis avec le Columbia Property Trust (Pimco) sur 1,7 milliard de dollars ou avec Brookfield Corp sur deux prêts pour 755 millions. «Et si les structures des CMBS protègent mieux les prêteurs finaux en général, le diable est dans les détails des mécanismes de remboursement», conclut Florent Albert.

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