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Retraite : le débat interdit entre capitalisation et répartition

Le régime de retraite par «répartition» est un dispositif adapté à un monde où la croissance démographique est forte. Or, la France a rejoint le groupe des pays en déclin en termes de natalité. Ce n’est pas bon pour nos retraites, quelle que soit la méthode retenue pour compenser cette situation : recul de l’âge minimal de départ à la retraite, allongement de la durée de cotisation, réduction du taux de remplacement, accroissement des cotisations durant la vie active, etc.
Dans un monde où la proportion des actifs en regard des retraités décroît (on en est à 1,8 actif par retraité), la répartition a en outre un inconvénient, au-delà du problème financier : elle stigmatise les retraités, pénalise les actifs, et crée un conflit entre générations. Et comme les élus ont intérêt à ménager les plus âgés, qui sont des électeurs fidèles et nombreux, cela suscite la frustration des plus jeunes, qui se sentent sacrifiés.
Le système de répartition est un projet collectif, un contrat social de solidarité entre les générations : j’aide la génération de mes parents, et, en contrepartie, celle de mes enfants m’aidera. C’est une superbe idée, c’est protecteur pour les plus pauvres, pour qui mettre de l’argent de côté pour leurs vieux jours est déjà difficile, et le placer à bon escient est mission quasi impossible. Mais c’est déresponsabilisant : l’État s’occupe de tout. La seule manière de me défendre est par la lutte sociale, en s’appuyant sur les syndicats, devenus incontournables et qui n’ont pas intérêt à renoncer à cette position centrale. L’idéologie reprend alors le dessus, et l’on se met à agiter les slogans, comme des chiffons rouges. Les fonds de pension sont «américains», la capitalisation est ultra-libérale. Cela évite de réfléchir à ce que l’on peut faire, dans l’intérêt de tous. Et le débat est interdit, selon l’expression de Jean-Paul Fitoussi.
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La retraite par capitalisation est pourtant une démarche de bon sens. Je mets de côté de l’argent pour mes vieux jours et le fais fructifier. J’essaie de prendre en charge moi-même mon avenir. Je ne suis plus uniquement dépendant de l’évolution démographique ou d’un contrat social magnifique mais dont je pressens qu’il est fragile, incertain et qu’il m’échappe.
De fait, bon nombre de Français le font quand ils achètent leur appartement ou leur maison. Ce régime bénéficie de l’effet des intérêts composés, dont Keynes disait : «La capacité d’accumulation que possèdent les intérêts composés [sur une longue période] (1) est telle que l’imagination est saisie de stupeur.»
Dans la réalité, il ne serait question que d’un complément à la répartition, en aucun cas, d’un substitut
La force des intérêts composés
Mais cela fait peur : il y a un risque, et chacun redoute une fraude ou un krach boursier qui interviendrait au mauvais moment et anéantirait les efforts d’une vie. Et, pour les plus modestes, encore faut-il qu’ils soient en mesure d’épargner.
Une maquette ultra-simplifiée d’un régime de capitalisation intégral fournit des ordres de grandeur. Plaçons-nous en régime stationnaire (sans croissance), dans un pays de 60 millions d’habitants, tous identiques. Supposons que l’on y vive 80 ans, travaille 40 ans, avec un taux d’activité de 75%, et profite de 20 ans de retraite (le réalisme importe peu, il s’agit d’avoir des ordres de grandeur) et que le taux de remplacement soit de 60% (je toucherai 60% d’un salaire brut de 40.000 euros comme retraite). Si j’applique le principe de la «neutralité actuarielle», c’est-à-dire que les sommes pour lesquelles j’ai cotisé et les intérêts qu’elles ont générés, me sont restituées intégralement durant ma période de retraite, et si le rendement réel des placements est de 2%, il faudrait cotiser à hauteur de 16% du salaire (contre 30% avec un système de répartition avec les mêmes hypothèses, l’écart traduisant la puissance des intérêts composés !) et disposer d’un encours de l’ordre de 3.200 milliards d’euros pour permettre à ce système de fonctionner.
Dans la réalité, il ne serait question que d’un complément à la répartition, en aucun cas, d’un substitut, et le stock d’épargne à accumuler serait trois à quatre fois plus faible. Mais on en tire une conclusion : bâtir un programme de capitalisation à l’échelle nationale prendra du temps (pour accumuler de telles sommes).
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On ne part pas de rien, mais on est loin du compte : les statistiques compilées par la Banque de France à mi-2024 font état de 185 milliards d’euros d’encours dans les «fonds de pension» français. Le plan d’épargne-retraite y contribue pour 110 milliards, ce qui est très encourageant pour un produit récent (lancé fin 2019), et d’ores et déjà près de cinq fois plus que les 23 milliards du Fonds de Réserve pour les retraites, constitué il y a… 25 ans. Et, en France, il y a l’assurance-vie qui représente un encours proche de 2.000 milliards.
Répartition et capitalisation ont chacune leurs mérites et leurs risques, la première adaptée aux périodes où la croissance est forte, la seconde à celles où les taux d’intérêt sont plus élevés. Dans l’Histoire, les deux configurations alternent : il y a un intérêt à la diversification. Le choix n’est pas différent de celui que doit faire un gérant de portefeuille entre le rendement et le risque de différents actifs.
Construire un système équilibré prendra du temps, beaucoup de paramètres doivent être pris en compte, mais ce n’est pas si compliqué que cela et peut se faire autour du triptyque «répartition, capitalisation, assurance-vie». On a besoin des trois, et il est possible de construire quelque chose qui permette, même aux plus défavorisés, de bénéficier simultanément de la répartition et de la capitalisation, de manière sûre et pérenne. Naguère interdit, le débat est désormais nécessaire, et urgent.
(1) De 200 ans, dans la Lettre à mes petits-enfants, mais de plus de 40 ans ici.
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Reconnaissance de la Palestine: Emmanuel Macron va amorcer un tournant historique
Paris - Un cheminement tâtonnant, jusqu'à devenir «irréversible». Pour Emmanuel Macron, la reconnaissance de la Palestine, dont il espère faire un legs diplomatique majeur, a fini par s’imposer, lui permettant au passage de se montrer plus au diapason avec la politique arabe traditionnelle de la France. Lundi à New York, lorsqu’il montera à la tribune des Nations unies, ce sera le grand moment du président français. Avec son discours, la France devrait être le premier pays du G7 et le premier membre permanent occidental du Conseil de sécurité à reconnaître l’Etat palestinien - le Royaume-Uni devant faire de même. Un «chemin irréversible vers la paix», veut-il croire, même si les obstacles semblent entraver pour l’instant toute concrétisation véritable. «Ce sera sûrement un des legs diplomatiques de sa présidence», dit un de ses proches, qui y voit un geste «dans la grande tradition de l’universalisme français». Pour l’ex-ambassadeur Michel Duclos, expert à l’Institut Montaigne, «cela peut devenir un succès de la France», dans la lignée du «non» français à l’intervention américaine en Irak en 2003. Empêtré depuis l'été 2024 dans une crise politique inédite, le président a perdu des marges de manoeuvre sur la scène nationale, alors même qu’il voulait consacrer son second mandat à peaufiner son «héritage». Il s’est alors replié sur la politique étrangère. En première ligne sur l’Ukraine, son action dépend toutefois en partie des décisions de Donald Trump et de son attitude vis-à-vis de la Russie. «Un silence» Les leviers français sont moins importants encore au Proche-Orient, d’autant que le président américain affiche un soutien à toute épreuve à Israël. Là aussi, une des clés est donc à Washington. La reconnaissance «ne trouvera son plein aboutissement que si on arrive à accrocher Trump», explique à l’AFP Michel Duclos. «C’est son intérêt aussi, car ça lui permettrait de relancer les accords d’Abraham» de normalisation entre pays arabes et Israël. Après les attaques sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, Emmanuel Macron a immédiatement apporté un soutien très ferme aux Israéliens. «Israël a le droit de se défendre en éliminant les groupes terroristes», a-t-il martelé le 12 octobre suivant. Il a certes évoqué la nécessaire préservation des civils, et ajouté qu’une paix durable impliquerait «un Etat pour les Palestiniens». Mais la tonalité retenue, plutôt pro-israélienne, lui a été reprochée par une frange de l’opinion lorsque le gouvernement de Benjamin Netanyahu a intensifié sa riposte à Gaza. Pourtant, le président français a assez vite appelé au «cessez-le-feu», avant d’aller crescendo dans la condamnation des opérations israéliennes. Et le 16 février 2024, il prévient que «la reconnaissance d’un Etat palestinien n’est pas un tabou pour la France». Mais pendant de longs mois, les paroles ne sont pas suivies d’actes. A ce moment-là, «note sur note arrivent à l’Elysée pour dire +il faut réagir pour ce qui se passe à Gaza+", rapporte Gérard Araud, ex-ambassadeur de France en Israël et aux Etats-Unis. Mais côté présidentiel, «il y a eu quand même un silence», déplore-t-il. C’est finalement dans l’avion qui le ramène en avril dernier d’al-Arich, avant-poste égyptien où s’empile l’aide humanitaire pour Gaza entravée par le blocus, et où il a rencontré des blessés palestiniens, qu’Emmanuel Macron confirme qu’il pourrait franchir le pas autour de l'été. «Conditions» ou «engagements» Il conçoit dès lors cette reconnaissance «comme un levier diplomatique pour faire pression sur Netanyahu», souligne un proche. Autour de lui, on commence à redouter des accusations à venir sur une passivité de la France face à la tragédie de Gaza, selon le récit d’un autre ami du président. Paris a toujours expliqué qu’un tel geste français devrait être «utile» et avoir un «impact» pour ne pas se limiter au symbole. Face aux critiques israéliennes, Emmanuel Macron explique qu’il s’agit de décrocher en retour «la reconnaissance d’Israël» par des pays arabo-musulmans. Et il fixe à un moment des «conditions», dont la libération des otages du Hamas et la «démilitarisation» du mouvement islamiste. Mais il comprend qu’en faire des conditions sine qua non risque de compromettre durablement sa décision. La reconnaissance aura bien lieu, finit-il par annoncer le 24 juillet, invoquant une série d’"engagements» pris par l’Autorité palestinienne et plusieurs Etats arabes en faveur du désarmement du Hamas et de son exclusion de toute future gouvernance. Le scepticisme est d’abord de mise face à une décision qui peut paraître isolée. Mais Royaume-Uni, Canada, Belgique et d’autres lui emboitent le pas, tandis que l’Assemblée générale de l’ONU adopte à une vaste majorité, avec le soutien des principaux pays arabes, un plan de paix qui exclut pour la première fois sans équivoque le Hamas d’un futur Etat palestinien. Le paradoxe veut donc que la France reconnaîtra la Palestine sous la houlette d’un Emmanuel Macron «instinctivement pro-israélien quand il est arrivé à l’Elysée et ensuite quand on examine la plus grande partie de sa présidence», juge Gérard Araud. Il s’inscrira dans les pas d’une politique arabe plus traditionnelle, qui remonte notamment au général de Gaulle, après un tournant initié sous Jacques Chirac et surtout Nicolas Sarkozy. Une manière de refermer la parenthèse? «Non», tranche l’ancien ambassadeur. «On est dans une conjoncture totalement nouvelle», car «cette crise incandescente de Gaza» et «la fuite en avant d’Israël», «ça change tout». Francesco FONTEMAGGI © Agence France-Presse