Réformer MiFIR sans ambiguïté pour favoriser la transparence

L’avis d’expert de John Keogh, managing director de Susquehanna International Securities

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John Keogh, managing director de Susquehanna International Securities

Les propositions d’amendements de MiFIR (règlement sur les Marchés d’instruments financiers) présentées cet été par la députée européenne Danuta Hübner au Parlement européen ont retenu l’attention des acteurs. La transparence et l’efficacité des marchés pourraient ne pas y trouver leur compte.

Ainsi, les règles sur la base de données consolidée (consolidated tape, CT), destinée à donner une vue complète des données, sont largement considérées comme l’élément central des réformes des marchés de capitaux en vue d’accroître la transparence. Pour être crédible et efficace, la CT doit être aussi complète et représentative que possible de toute l’activité.

Or le rapport a introduit la possibilité d’être exempté des contributions obligatoires pour les marchés qui représentent moins de 1 % du volume total des transactions quotidiennes moyennes de l’Union européenne (UE), ou qui ne contribuent pas de manière significative à la fragmentation des marchés de l’UE. Il prévoit également une option d’adhésion au régime de contribution obligatoire pour ces marchés réglementés exemptés (une quote-part plus importante des revenus de la CT devrait leur être réaffectée). En théorie, l’idée consiste à exempter les petits marchés, ce qui représente peut-être une exemption nécessaire et équitable mais, en pratique, le champ d’exemption semble nettement plus large.

Par exemple, l’amendement proposé stipule qu’un marché dont la part dépasse 1 % du volume quotidien moyen des échanges de l’UE peut également être exempté de contribution s’il est le principal lieu de cotation des actions et réalise plus de 70 % du volume quotidien moyen des échanges sur les actions concernées, ou si moins de 20 % des volumes de celles-ci sont négociés sur d’autres lieux tels que les systèmes multilatéraux de négociation ou les internalisateurs systématiques. En d’autres termes, si vous êtes une Bourse, quelle que soit sa taille, et que vous réalisez plus de 70 % du volume de négociation d’une action que vous avez cotée, vous serez exempté de contribuer à la CT. Pour que celle-ci soit à la hauteur des attentes et des besoins de l’UE et des utilisateurs finaux, la pleine participation de toutes les Bourses est absolument essentielle et doit être clairement définie dans le règlement. Sans cela, les utilisateurs de la CT ne bénéficieront pas d’une image complète, à moins qu’ils ne s’abonnent en plus aux flux de données des marchés omis. A terme, cela pourrait miner la confiance des utilisateurs finaux dans la CT et, par association, toute ambition de créer une union compétitive des marchés de capitaux.

Un autre élément du rapport préliminaire qui mérite d’attirer l’attention de notre industrie est la suspension recommandée du double plafond de volume pendant cinq ans. Le raisonnement avancé est que les limites actuelles sur le volume de négociation qui peut avoir lieu sans transparence pré-négociation sont arbitraires et que d’autres mesures sont mieux placées pour renforcer les plateformes d’échange, y compris l’augmentation des seuils pour l’utilisation de la dérogation du cours de référence ou l’obligation de cotation plus élevée des internalisateurs systématiques. Cela contraste avec la proposition plus pragmatique de la Commission qui cherche à réduire le double plafond de volume à un plafond de volume unique simplifié (7 %) au niveau global de l’Union. La proposition de la Commission élimine la complexité actuelle du maintien à la fois d’un plafond pour chaque lieu de négociation et d’un plafond à l’échelle de l’UE, mais conserve l’objectif de limiter le niveau de dark trading pour un instrument.

Au cours de la suspension proposée de cinq ans, le rapport souligne que l’Association européenne des marchés financiers (AFME) continuera à surveiller le niveau de dark trading et sera habilitée à le limiter en restreignant l’utilisation du cours de référence et des dérogations de transactions négociées, s’il existe des preuves que le volume de ces transactions nuit à l’efficacité du processus de détermination du cours.

Mais pour que l’UE soit cohérente avec sa campagne pour une plus grande transparence du marché, il est essentiel que les règles et les politiques ne soient pas motivées par la peur de ce que font d’autres autorités, notamment le Royaume-Uni. Il semble y avoir une sorte d’appréhension du fait que lorsque le Royaume-Uni supprimera le double plafond de volume, nous pourrions alors voir des volumes importants de titres européens exécutés dans des dark pools par des entreprises de pays tiers. Si l’UE croit en la transparence comme moteur de résultats plus positifs, alors structurer le marché en conséquence conduira à attirer plus de volumes vers les marchés européens. Agir autrement avec une approche différente de la transparence ne fera que conduire à un nivellement vers le bas, qui ne profitera pas aux investisseurs.

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