
Pourquoi l’impôt inspire la défiance en France

Ce qu’il y a de grave dans le sentiment de « ras le bol fiscal des Français » ce n’est pas seulement la question du pouvoir d’achat, pourtant importante, mais aussi « la défiance immense » à l’égard du système fiscal, écrit Ivan Best, dans son livre « Sortir du bazar fiscal , pour un impôt du XXI° siècle », publié en octobre 2016 aux éditions Les belles lettres. Cette défiance, écrit celui qui est aussi rédacteur en chef adjoint au journal La Tribune, mine l’adhésion à certaines valeurs cardinales de la République : le « vivre-ensemble, la cohésion sociale, la redistribution des revenus pour moins d’inégalités ... ». Les institutions démocratiques se seraient bien passées de cette défiance en ces temps de montée du populisme, laisse entendre l’auteur.
François Hollande et Nicolas Sarkozy sont renvoyés dos à dos par l’auteur pour avoir mené, l’un comme l’autre, une politique fiscale vécue comme une « extorsion de fonds » par plus d’un tiers des Français (sondage Opinion Way pour Finsquare, décembre 2015), souligne le livre. Et qui laisse un terrain miné pour les candidats à la présidentielle de 2017, explique Ivan Best.
Au-dessus de la mêlée par le poids de ses dépenses publiques (plus de 57% du PIB contre 50% en moyenne en Europe), la France l’est aussi par la pression fiscale qu’elle administre à ses contribuables. Avec 44,7% (impôts et cotisations), elle se situe 10 points de PIB au-dessus de la pression fiscale moyenne de l’OCDE (34,2%), souligne Ivan Best. En Allemagne, le ratio pression fiscale sur PIB est de 36,1%, et aux Etats-Unis de 26%. Mais « ce qui fait la différence entre la France et les Etats-Unis, par exemple, c’est d’abord le niveau des assurances sociales (maladie, retraite) et plus précisément, leur caractère public dans l’Hexagone, versus privé outre-Atlantique », souligne le journaliste qui relativise la stigmatisation de l’Etat.
La défiance transparaît aussi dans ce sondage : 71% des Français estiment que le système fiscal demande des efforts surtout aux classes moyennes, tandis que 6% des sondés pensent que les « Français les plus aisés » sont véritablement contraints à des efforts, rapporte Ivan Best (sondage BVA pour Orange, avril 2016). En cause, les « nombreuses échappatoires » auxquelles les grandes fortunes ont accès.
Pour bien placer sa fortune, en tirer un rendement suffisant, sans que cela apparaisse comme un revenu, « la réponse à la mode, c’est l’assurance-vie », explique l’auteur dans son quatrième chapitre, intitulé « l’ISF ou l’immense supercherie française ». Ce produit d’épargne, plébiscité par les Français est « devenu l’instrument favori de défiscalisation » des « vraiment riches », souligne le journaliste, « notamment quand les sommes sont placées au Luxembourg, en toute légalité ».
« Si les grandes banques françaises et les assureurs spécialisés dans la clientèle la plus aisée y possèdent des filiales, c’est pour proposer à leurs clients bien dotés des contrats à la liberté de gestion incomparable », souligne le chapitre 5. Le constat est édifiant : en trois ans, l’épargne collectée (les primes) par Cardif Luxembourg Vie, filiale de BNP Paribas Cardif et d’un établissement luxembourgeois, a bondi de 60%, passant de 1,795 milliard d’euros en 2011 à 2,85 milliards d’euros en 2014. La progression est également très importante pour la Société générale, Natixis ou encore La Mondiale.
Pendant ce temps, « chez les autres assureurs, non français, implantés au Luxembourg, règne au contraire un certain calme, loin de cette euphorie. Preuve, écrit l’auteur, que le phénomène est vraiment français … ».
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Conakry - Les Guinéens votent dimanche sur un projet de nouvelle Constitution visant à la fin de la transition quatre ans après la prise du pouvoir par des militaires, mais qui permettrait au chef de la junte de se présenter à une future présidentielle, ce que fustige l’opposition appelant au boycott. Quelque 6,7 millions de Guinéens, sur environ 14,5 millions d’habitants, sont appelés aux urnes de 08H00 à 18H00 (locales et GMT). Les résultats sont attendus à partir de mardi soir, selon la Direction générale des élections (DGE). Plusieurs dizaines de personnes, dont de nombreux jeunes, faisaient la queue dans une ambiance animée et ont commencé à voter dès 7H (locale et GMT) dans une école du quartier de Kaloum, dans le centre de Conakry, a constaté une journaliste de l’AFP. Sa carte d'électeur à la main, en sweat à capuche, Ahmad Diallo, 23 ans, étudiant, discute et plaisante avec ses amis après avoir voté. «Tout le monde veut la paix et que la transition se termine», affirme cet électeur qui affiche son soutien aux militaires. Espéré depuis des années par la population et la communauté internationale, ce scrutin ouvre une séquence clef dans ce pays parmi les plus pauvres du monde, dirigé d’une main de fer par le général Mamadi Doumbouya depuis qu’il a renversé le président civil élu Alpha Condé en 2021. C’est la première fois que Aisha Camara, 20 ans, jolies fossettes et yeux en amande, vote. Elle estime que la Constitution «est une bonne chose pour la Guinée» et affirme être «venue pour soutenir le président Doumbouya». Dispositif de sécurité Le centre de la capitale et ses abords étaient calmes dimanche, mais les rues étaient quadrillées par un important dispositif de sécurité, dont des véhicules blindés et des barrages de policiers qui contrôlent tous les véhicules et inspectant les coffres. Pas moins de 45.000 agents des forces de défense et de sécurité ont été mobilisés pour sécuriser le vote, ainsi qu’un millier de véhicules légers et blindés et des hélicoptères de combat, a précisé la gendarmerie nationale. Les autorités ont annoncé des élections présidentielle et législatives en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel avant la fin de cette année, sans toutefois donner de date. La campagne pour le «oui» au référendum a été ostentatoire à travers le pays et largement incarnée par Mamadi Doumbouya, 40 ans, à grand renfort d’affiches à son effigie, rassemblements et fanfares. Celle du «non» a, elle, été quasi inaudible, et s’est faite via des messages sur les réseaux sociaux essentiellement de personnalités en exil. Une chape de plomb s’est abattue en Guinée sur les voix dissidentes depuis l’arrivée des militaires au pouvoir. Plusieurs partis politiques et médias ont été suspendus, les manifestations - interdites depuis 2022 - sont réprimées, et de nombreux dirigeants de l’opposition ont été arrêtés, condamnés ou poussés à l’exil. Les disparitions forcées et enlèvements se sont multipliés, rapportent les défenseurs des libertés. Le 23 août, la junte a suspendu pour trois mois deux des principaux partis d’opposition. «Mascarade» Dans ce contexte, l’opposition a appelé les Guinéens à rester chez eux, dénonçant «une mascarade électorale», aux résultats «connus d’avance». Elle accuse la junte de vouloir se maintenir au pouvoir à la faveur de ce référendum. Si elle est adoptée, cette Constitution remplacera la «Charte de la transition», établie par la junte après le coup d’Etat et qui interdisait notamment à ses membres de se présenter aux élections. Or, cette interdiction ne figure plus dans le projet de Constitution, ouvrant la voie à une candidature du général Doumbouya. Mais en affirmant la nécessité pour être candidat à une présidentielle d’"être âgé de 40 au moins et de 80 ans au plus» et d’avoir «sa résidence principale» en Guinée, le texte exclut de fait deux des principaux opposants: l’ex-président Alpha Condé, 87 ans, exilé à Istanbul, et l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo, 73 ans, en exil entre Dakar et Abidjan. Depuis le coup d’Etat, la Guinée est suspendue par l’Union africaine et elle n’est pas invitée à participer aux réunions de chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, qui a dépêché une mission dans le pays. Lucie PEYTERMANN © Agence France-Presse -
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