
L’Italie ouvre une semaine politique mouvementée

Une partie de poker menteur a commencé en Italie. Les deux principaux protagonistes en sont Giuseppe Conte, leader du Mouvement 5 Etoiles (M5S), qui avait soutenu le «gouvernement d’unité nationale» en février 2021 mais s’y oppose depuis quelques mois, et le président du Conseil Mario Draghi. L’ex-président de la Banque centrale européenne a donné sa démission jeudi soir, refusée par le président de la République Sergio Mattarella.
Suivant leur leader qui réclamait des mesures sociales en faveur des plus démunis, dont l’instauration d’un Smic, et le rejet d’un coûteux et polluant projet d’incinérateur de déchets à Rome, les sénateurs M5S ont décidé de ne pas voter le plan d’aide de 23 milliards d’euros en faveur des ménages et des entreprises. Ce plan était attaché à un vote de confiance au gouvernement, tout de même remporté à 172 voix contre 39 à la Chambre haute.
Cinq jours pour sauver l’Italie ?
Le chef du gouvernement avait prévenu des conséquences de cette rupture avec le M5S, mais Giuseppe Conte n’en a pas tenu compte. Mario Draghi s’adressera aux parlementaires le 20 juillet pour retrouver une confiance plus solide lui permettant de poursuivre jusqu’aux législatives de mai 2023. Un horizon nécessaire pour gérer la crise énergétique et mener à bien le plan d’investissement NextGeneration EU (NGEU) de 200 milliards d’euros.
S’il estime que cela ne peut pas fonctionner, des élections anticipées seront convoquées cet automne, au moment de décider du budget et des réformes pour toucher les fonds NGEU, sans doute au détriment de l’intérêt du pays. «Les deux scénarios (maintien/dissolution) sont possibles à 50%-40%, avec 10% de probabilité d’un autre gouvernement technocratique», estime Macro Protopapa, économiste senior chez JPMorgan, rappelant le nécessaire soutien de la Ligue du nord, la Lega, pour rester au pouvoir malgré la fronde du M5S.
Le Mouvement 5 Etoiles a encore la balle dans son camp malgré «la déclaration particulièrement tranchante et sans compromis de Mario Draghi, juge plutôt l’économiste Lorenzo Codogno (LC-Macro Advisors). Il a fait un premier pas et le M5S peut encore renouer avec le gouvernement en échange d’une petite victoire sur certains dossiers comme l’incinérateur à Rome (…). Le vote portait sur une loi précise et non sur le programme global. D’ailleurs, de nombreux dirigeants du M5S ont fait de surprenantes déclarations expliquant que l’intention n’était pas de démissionner du gouvernement, mais d’influencer ses choix», ajoute-t-il. L'économiste garde l’espoir d’une bonne surprise (15% de chances) ou d’un autre gouvernement Draghi sans le M5S (35%), tout en augmentant la probabilité d’élections anticipées pour des questions de calendrier. Bref, toujours une grande incertitude.
Intenable
«A court terme, on peut parler d’un coup de poker de Mario Draghi pour défendre ce gouvernement ‘technique’ et non ‘politique’, rappelle Stéphane Deo, directeur stratégies de marchés chez Ostrum AM. Mais, même si ça marche, la situation n’est pas tenable pour les partis comme M5S : s’ils ne veulent pas de dissolution, ils ne peuvent rester au gouvernement jusqu’au bout sans condamner leur avenir politique.»
Des élections semblent aussi sans espoir pour le M5S, passé de 34 % des voix exprimées en 2018 à 11 % des intentions de vote désormais. A 23% des intentions, le parti d’extrême-droite Fratelli d’Italia - le seul hors du gouvernement actuel - pourrait, comme déjà le craignaient les analystes au moment de l'élection présidentielle cet hiver, mener une coalition anti-européenne, avec la Lega - passée de 17% à 14% dans les sondages - et peut-être Forza Italia (9%). «Une situation de chaos que les marchés n’intègrent pas encore au-delà du court terme», s’étonnait vendredi Stéphane Deo, en voyant le rendement à 10 ans italien diminuer de 3,41% à 3,36%.
Plus d'articles du même thème
-
La BCE affiche sa posture restrictive
Le Conseil de la Banque centrale européenne devrait maintenir ses taux directeurs inchangés jeudi. Le débat entre gouverneurs portera sans doute déjà sur le besoin - ou non - d’une «baisse de précaution» pour décembre. -
L’Assemblée nationale refuse sa confiance à François Bayrou
Le premier ministre qui avait engagé la responsabilité de son gouvernement n’a recueilli que 194 voix pour ce vote de confiance. François Bayrou devrait remettre sa démission au plus tard mardi matin. -
L’instabilité gouvernementale s’accroît au Japon
Moins d’un an après son arrivée au pouvoir, le Premier ministre Shigeru Ishiba a annoncé sa démission après avoir subi plusieurs revers électoraux.
ETF à la Une

Xtrackers lance un ETF sur la défense
- A la Société Générale, les syndicats sont prêts à durcir le ton sur le télétravail
- Revolut s’offre les services de l’ancien patron de la Société Générale
- Boeing essaie de contourner la grève en cours dans ses activités de défense
- Les dettes bancaires subordonnées commencent à rendre certains investisseurs nerveux
- Mistral AI serait valorisé 12 milliards d’euros par une nouvelle levée de fonds
Contenu de nos partenaires
-
Bardella prévient que le RN censurerait tout Premier ministre qui ne peut pas «rompre avec la politique menée depuis huit ans»
Paris - Le président du Rassemblement national Jordan Bardella a rappelé mardi, au lendemain de la chute du gouvernement de François Bayrou, que le RN censurerait tout Premier ministre qui ne peut pas «rompre avec la politique menée depuis huit ans». «La question du figurant importe peu, c’est la politique de fond qu’il faut changer», a balayé le patron du parti d’extrême droite sur RTL, renouvelant son appel à une nouvelle dissolution débouchant sur des législatives anticipées. «Si (Emmanuel) Macron fait le choix de nommer un nouveau Premier ministre, alors ce Premier ministre n’a aucune autre possibilité que de rompre avec la politique qui est menée depuis huit ans», a-t-il tancé. «Auquel cas les mêmes causes entraîneront les mêmes conséquences et entraîneront par définition une censure du gouvernement», a-t-il ajouté. Le Rassemblement national plaide pour «revenir devant les Français» sans quoi, «je ne vois pas comment quelque chose de sain pourrait émerger», a estimé Jordan Bardella, alors que deux Premiers ministres sont déjà tombés depuis la dissolution de juin 2024. «Si on ne change pas les politiques, si on ne change pas les gens qui sont au pouvoir», le «quotidien» des Français «ne pourra pas changer», a-t-il insisté. © Agence France-Presse -
Baisse de la production industrielle française en juillet après un rebond en juin
Paris - La production industrielle française s’est repliée de 1,1% en juillet par rapport au mois précédent, suivant la même tendance que l’industrie manufacturière (-1,7%), affectée par une baisse de la construction aéronautique et spatiale, a indiqué mardi l’Insee. Ce repli fait suite au fort rebond de la production industrielle (+3,7%, légèrement révisé en baisse) et manufacturière (+3,5%) qui avait été observé en juin, a précisé l’Institut national de la statistique. Sur un mois, la production manufacturière a souffert de la baisse de la fabrication de matériels de transports (-10,7% après +16,3% en juin), particulièrement la construction aéronautique et spatiale «par contrecoup d’un pic de production en juin», a expliqué l’Insee dans un communiqué. La production est en baisse également dans la fabrication de biens d'équipement électriques, électroniques et informatiques (-2,2%) et l’agro-alimentaire (-1,3%). Elle a en revanche continué d’augmenter dans la cokéfaction et le raffinage (+2,5% après +21,0%), les industries extractives, énergie, eau (+1,6%) et les autres produits industriels (textile, métallurgie, chimie, pharmacie, etc.) (+1,0%). Dans la construction, la production a rebondi de 0,6% en juillet par rapport à juin (-0,2%), à la hausse dans les travaux de construction spécialisés et celle de bâtiments, mais en baisse dans le génie civil. Sur un an, la production industrielle (+0,8%) et manufacturière (+1,3%) s’est inscrite en hausse sur les trois mois allant de mai à juillet, comparés à la même période en 2024, tirée par la fabrication de matériels de transport (+10,5%). Toujours sur un an, la construction est en baisse de 3,6% entre mai et juillet par rapport à la même période l’année précédente. © Agence France-Presse -
Tribune libre
Après la chute de Bayrou : le sursaut ou le chaos – par Alexandre Mancino
La déroute de François Bayrou n’est pas seulement celle d’un homme. Elle illustre l’épuisement d’un régime politique qui n’assure plus ni stabilité ni efficacité