
Les routes de la soie ne font plus rêver

Dix ans après son lancement en 2013, la BRI (Belt and Road Initiative) chinoise affiche sur le papier un bilan flatteur en termes de montants investis. «Il n’existe aucune publication officielle sur les montants investis. Par recoupement, le montant total des projets avoisine les 1.000 milliards de dollars, soit environ un tiers des réserves de change chinoises», indique Richard Bullock, analyste géopolitique senior chez BNY Mellon. 149 accords de partenariat – dont 18 avec des pays européens – ont été signés à ce jour.
Selon le ministère des Affaires étrangères chinois, cité par Reuters, 90 pays, dont la Russie, représentée par Vladimir Poutine, ont confirmé leur présence lors de la 3ᵉ édition du forum consacré à la BRI, au mois d’octobre prochain. Cependant, les représentants des pays occidentaux pourraient briller par leur absence. C’est le cas de la Grèce, de la République tchèque, de la Suisse et de l’Italie, selon le Washington Post. «Les informations que les Etats-Unis et le Royaume-Uni font fuiter, et qui viennent accréditer le soutien chinois à la Russie dans le conflit avec l’Ukraine, pointent une aliénation complète de l’Europe à la Chine, ce qui est dangereux pour l’économie chinoise, pour laquelle le marché européen représente un débouché important», estime Raphaël Gallardo, chef économiste chez Carmignac.
Depuis 2019, date du précédent forum, la position européenne vis-à-vis de la Chine a considérablement évolué. Pékin est ouvertement présenté comme un «rival systémique» par Bruxelles, qui cherche désormais à «dérisquer» les échanges. La Chine est également accusée de creuser la dette de pays en développement.
A lire aussi: "Challenging the Belt and Road Initiative: The American and European alternatives"
L’Italie, seul pays du G7 à avoir rejoint la BRI, envisage de s’en retirer et devrait faire connaître sa décision avant la fin de l’année. «Il n’est pas surprenant que des pays comme l’Italie prennent leurs distances, sous la pression des Etats-Unis et des pays du G7, mais également parce que la Chine a souvent échoué à tenir ses promesses. C’est le cas des Philippines : 30 milliards de dollars d’investissements avaient été promis, ils n’en ont reçu qu’une faible part. Le scepticisme s’installe au sein d’un nombre croissant de pays», explique Richard Bullock.
L’Italie dresse un constat similaire : ses exportations en direction de la Chine ont connu une modeste augmentation, passant de 14,5 milliards d’euros à 18,5 milliards d’euros entre 2019 et 2021, tandis que les exportations chinoises bondissaient de 52% pendant la même période, à 50,9 milliards d’euros. Les investissements chinois dans la Botte ont en outre lourdement chuté en l’espace de deux ans, de 650 millions de dollars en 2019 à 33 millions en 2021, ce qui a conduit la Première ministre Georgia Meloni à déclarer dès 2022 que ce partenariat était une «grossière erreur». Le ministre des Affaires étrangères Guido Crosetto a récemment surenchéri dans les qualificatifs, parlant d’une décision «atrocement improvisée».
«Le rapprochement de l’Italie et de la Grèce avec la Chine a été initié à une époque où, en pleine crise de la zone euro, ces pays cherchaient des alternatives à Bruxelles. En Italie, la doctrine du gouvernement Meloni est très différente de celle du mouvement Cinq Etoiles. Le parti Fratelli d’Italia prônant une politique résolument atlantiste, il n’est pas surprenant que l’Italie cherche un rapprochement avec les Etats-Unis », souligne Gilles Moëc, chef économiste d’Axa.
La Hongrie, principal bénéficiaire des investissements chinois en 2022 (7,6 milliards d’euros sur un total de 67.8 milliards de dollars selon une étude publiée par l’université de Fudan), et proche de la Russie, reste le meilleur soutien de Pékin sur le Vieux Continent.
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