
Les «Panama papers» continuent d’empoisonner les banques françaises

Curieux télescopage. Pendant que Frédéric Oudéa, le directeur général de la Société Générale, était auditionné hier au Sénat sur les «Panama papers», Le Monde révélait que le Crédit Agricole et BNP Paribas ont, eux aussi, été très actifs dans le montage de sociétés offshore avec le cabinet Mossack Fonseca (lire l’encadré). Le ministre des Finances Michel Sapin a demandé hier des «explications» aux présidents de BNP Paribas et du Crédit Agricole. «Ceux-ci lui ont fourni de premiers éléments. Le ministre les verra dans les tout prochains jours», précise Bercy dans un communiqué.
Tout cela serait de l’histoire ancienne, clament les intéressés. «Les éléments constatés correspondent au solde d’un passé en extinction et on ne peut que regretter que la présentation soit manifestement trompeuse», a réagi le Crédit Agricole hier. Face aux soupçons d’aide au blanchiment de fraude fiscale, les banques françaises rappellent que leurs banques privées ne sont plus présentes au Panama. « Laisser penser que le groupe Société Générale serait au cœur de l'évasion fiscale est une information erronée et injustifiée », a déclaré Frédéric Oudéa devant les sénateurs.
Diminution des sociétés écran
Pour sa défense, la banque rouge et noire affirme aussi que le nombre de sociétés offshore immatriculées au Panama pour le compte de ses clients a été « divisé par près de dix depuis 2009 »… tout en contestant l’illégalité du recours à de telles sociétés écran. BNP Paribas ne fait pas de commentaire, mais « la tendance est à une forte baisse du nombre de structures immatriculées », pointe une source proche de la banque, sans confirmer les chiffres du Monde.
Dans le monde de la gestion de fortune internationale, la frontière entre discrétion légitime et dissimulation frauduleuse peut s’avérer ténue. «Les sociétés (écran, ndlr) sont légales, mais leur utilisation peut poser problème» a reconnu Frédéric Oudéa. Pour se prémunir de tout soupçon, il assure que la Société Générale n’a procédé à «aucune ouverture de société patrimoniale offshore avec Mossack Fonseca depuis 2012 (date du retrait de la banque de Panama, ndlr), à l’exception d’une, fermée trois mois après». Pour autant, les services fiduciaires (création et administration de sociétés écrans ou trusts pour le compte de clients), restent proposés par SG Private Banking, officiellement pour répondre à des besoins légitimes : préparation de succession, protection contre les crises politiques, le terrorisme, etc. Alors que la banque privée représente seulement «3%» des 25 milliards d’euros de revenus annuels du groupe, les services fiduciaires pèsent seulement «2 millions d’euros», assure Frédéric Oudéa.
Ce dernier conteste également d’éventuels liens capitalistiques entre la Société Générale et deux fondations écran panaméennes, aujourd’hui «utilisées par deux clients» dont «aucun résident fiscal français». Selon Le Monde, le Crédit Agricole aurait aussi eu recours à des fondations écran pour protéger l’anonymat de ses clients.
Externalisation des fiduciaires
« La banque privée du Crédit Agricole ne crée ni n’administre de structures dites offshore pour ses clients, assure le groupe mutualiste. Cette activité a été progressivement arrêtée et a cessé de manière définitive en 2015 ». 54 sociétés enregistrées au Panama pour des clients du Crédit Agricole seraient pourtant toujours actives, selon Le Monde. La banque affirme ne pouvoir confirmer ces chiffres. Elle a aussi choisi d’externaliser sa structure de conseil dédiée à l’offshore, Crédit Agricole Suisse Conseil, vendue à une société mauricienne qui utiliserait à la fois ses anciennes équipes et ses systèmes, pointe le quotidien. BNP Paribas aurait fait de même ces dernières années avec ses structures fiduciaires luxembourgeoises et panaméenne.
Enfin les banques françaises défendent leur souci de la transparence fiscale, alors que l’échange automatique d’informations n’est pas en vigueur dans les places fortes de la gestion offshore telles que le Luxembourg et la Suisse. La Société Générale assure avoir réalisé l’an dernier 70 déclarations de soupçons liées à l’existence de sociétés offshore, dont un tiers liées à la banque privée. A partir de 2013, elle a aussi informé ses clients à l’étranger, puis le reste de son stock, de leurs obligations fiscales. Le programme se poursuit encore cette année. Au Crédit Agricole, le programme de vérification de la rectitude fiscale des clients s’achèvera mi-2017 pour les non-résidents de l’Union européenne. BNP Paribas ne précise pas le calendrier de ses démarches, entamées en 2013.
{"title":"Bataille de chiffres»,"body":{"value":"Depuis les ann\u00e9es 1990, le Cr\u00e9dit Agricole aurait cr\u00e9\u00e9, directement ou par l’interm\u00e9diaire de banques rachet\u00e9es au fil du temps, 1.129 soci\u00e9t\u00e9s offshore<\/em> avec le cabinet panam\u00e9en Mossack Fonseca, selon Le Monde<\/em>. Un chiffre qui d\u00e9passe les 1.005 attribu\u00e9es \u00e0 la Soci\u00e9t\u00e9 G\u00e9n\u00e9rale depuis les ann\u00e9es 1970, et les 468 c\u00f4t\u00e9 BNP Paribas depuis les ann\u00e9es 1980. La Soci\u00e9t\u00e9 G\u00e9n\u00e9rale se distinguerait toutefois par un nombre de structures actives plus important : 71 selon Le Monde<\/em> \u00e0 fin 2015 (et 66 au 30 mars 2016 selon la banque), contre 54 pour le Cr\u00e9dit Agricole, 11 au Cr\u00e9dit Mutuel et 6 chez BNP Paribas. Cette derni\u00e8re serait toutefois active avec d\u2019autres cabinets, affirme le quotidien. La Soci\u00e9t\u00e9 G\u00e9n\u00e9rale revendique seulement 9 soci\u00e9t\u00e9s offshore <\/em>panam\u00e9ennes encore actives et ouvertes via un concurrent de Mossack Fonseca. Ses concurrentes restent muettes sur le sujet.<\/p>\n»,"format":"light_html"}}
Plus d'articles du même thème
-
L’exonération du régime mère-fille dépasse le seul cadre de l’impôt sur les sociétés
L’arrêt Banca Mediolanum de la Cour de justice de l’Union européenne réaffirme que tous les impôts - et non pas uniquement l’impôt sur les sociétés – doivent respecter l’exonération de 95 % dans le cadre du régime mère-fille. -
La justice belge accepte que le fisc utilise des preuves obtenues irrégulièrement
La validité de cet usage est conditionnée au contrôle de proportionnalité opéré par un juge. -
L’outil fiscal a un effet marginal sur l'expatriation des hauts patrimoines
Une étude du Conseil d’analyse économique récuse les arguments faisant état d’un exode massif des plus fortunés en cas de hausse de leur taxation. L'optimisation fiscale reste la solution qu'ils privilégient.
ETF à la Une

BNP Paribas AM se dote d’une gamme complète d’ETF actifs
- Boeing essaie de contourner la grève en cours dans ses activités de défense
- Revolut s’offre les services de l’ancien patron de la Société Générale
- Le rachat de Mediobanca menace la fusion des gestions de Generali et BPCE
- Zucman contre Mistral, la France qui perd et la France qui gagne
- Le Crédit Agricole CIB transige sur les « CumCum »
Contenu de nos partenaires
-
Fitch hésite à dégrader la note de la France, menacée de passer en catégorie inférieure
Paris - Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d’en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise. Fitch ouvre le bal des revues d’automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette «haute ou bonne»), avec, pour certaines comme Fitch, une «perspective négative». Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité «moyenne supérieure»), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d’autant les remboursements de cette dette. Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management, une dégradation serait «logique». D’abord parce que la situation politique n’aide pas à mettre en œuvre «un plan crédible d’assainissement budgétaire», comme Fitch l’exigeait en mars. Mais aussi pour effacer «une incohérence» : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu’ils ont - à très peu d’exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024. Coup d’envoi Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l’espoir d’un budget 2026 présenté en temps et heure. Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi «plausible» que Fitch «attende davantage de visibilité politique» pour agir. D’autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n’ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que «la croissance résiste». L’Insee a même annoncé jeudi qu’en dépit du «manque de confiance» généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année. Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l’institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, «donne rarement le coup d’envoi» des dégradations. Mais il estime «très probable» que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre. Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l’an prochain, contre les 4,6% qu’espérait François Bayrou. Les économistes affirment cependant qu’une dégradation ne troublerait pas les marchés, «qui l’ont déjà intégrée», relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade. Syndrome La dette française s’y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l’espace d’une journée, mardi, le taux de la dette italienne. Les marchés donnent déjà à la France une «notation implicite» bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie. Il craint des taux qui resteraient «durablement très élevés», provoquant «un étranglement progressif», avec des intérêts à rembourser captant «une part significative de la dépense publique, alors qu’on a des besoins considérables sur d’autres postes». L'économiste décrit une France en proie au «syndrome du mauvais élève». «Lorsqu’on avait 20/20», explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu’a toujours l’Allemagne - «on faisait tout pour s’y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu’on est au-dessus de la moyenne, c’est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!», dit-il à l’AFP. Pour autant, même abaissée à A+, «la dette française resterait de très bonne qualité», relativise M. Camatte, préférant souligner «la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine». Odile DUPERRY © Agence France-Presse -
PATRIMOINE
Le sujet de l’impôt sur l’héritage à nouveau sur la table
L’étude « La Roue de la fortune » que vient de publier la Fondation Jean-Jaurès compile les données sur la manière dont les patrimoines se construisent et se transmettent en France en dénonçant les inégalités. Au moment où la France s’apprête à connaître la plus importante transmission de richesses de son histoire : plus de 9 000 milliards d’euros devraient changer de mains au cours des quinze prochaines années -
États-Unis : les salariés Sud-Coréens de Hyundai-LG arrêtés sont attendus dans leur pays
Séoul - Des centaines de Sud-Coréens qui avaient été arrêtés sur le chantier d’une usine de batteries par la police américaine de l’immigration sont attendus vendredi dans leur pays, après cet épisode qui selon Séoul risque d’entraver ses futurs investissements aux Etats-Unis. L’arrestation le 4 septembre de 475 personnes, essentiellement des Sud-Coréens, travaillant sur un projet du groupe Hyundai-LG dans l’Etat américain de Géorgie (est) a provoqué des tensions entre Washington et Séoul, de proches alliés aux relations commerciales étroites. Après plusieurs jours de tractations, un Boeing 747 de Korean Air a décollé jeudi matin d’Atlanta avec 316 Sud-Coréens et 14 salariés originaires d’autres pays à bord. Il doit atterrir dans l’après-midi à Séoul. «Tout s’est bien passé à Atlanta», a déclaré un représentant du ministère des Affaires étrangères à l’AFP, «l’avion est parti comme prévu avec le bon nombre de passagers». Le raid de la police de l’immigration (ICE) constituait l’opération la plus importante jamais réalisée sur un seul site dans le cadre de la campagne d’expulsion d’immigrés orchestrée par le président Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche en janvier. Les salariés arrêtés ne disposaient probablement pas d’un visa les autorisant à effectuer des travaux de construction, ont relevé des experts. Le président sud-coréen Lee Jae-myung s’est néanmoins dit «perplexe» jeudi sur ces arrestations. Il les a expliquées par des «différences culturelles», expliquant qu’en Corée du Sud, les infractions mineures semblables touchant des ressortissants américains ne sont pas considérées comme «un problème sérieux». Cette affaire pourrait avoir un «impact significatif sur les décisions d’investissement futures, en particulier lors de l'évaluation de la faisabilité d’opérations directes aux Etats-Unis», a-t-il prévenu. Main d’oeuvre qualifiée L’opération anti-immigration, au cours de laquelle les employés sud-coréens ont été enchaînés et menottés, a provoqué la stupéfaction dans la quatrième économie d’Asie. La Corée du Sud est un allié clé de Washington pour la sécurité dans le Pacifique qui a promis récemment d’investir 350 milliards de dollars aux Etats-Unis pour éviter des droits de douane américains très élevés sur ses exportations. La confédération KCTU réunissant les principaux syndicats sud-coréens a réclamé des excuses de Donald Trump, appelant Séoul à suspendre son plan d’investissements aux Etats-Unis. Le président américain avait finalement renoncé à expulser ces professionnels mais Séoul a décidé de les rapatrier car ils sont «en état de choc», a précisé le chef de la diplomatie Cho Hyun. Ce dernier s’est rendu spécialement à Washington cette semaine pour négocier une sortie de crise, Séoul veillant en particulier à ce que les travailleurs ne subissent aucune répercussion s’ils souhaitaient retourner aux États-Unis. Ces arrestations mettent en évidence les contradictions de l’administration Trump, qui «fait venir des usines de production à grande échelle tout en négligeant de former les travailleurs locaux», estime Kim Dae-jong, professeur de commerce à l’université de Sejong. Le président sud-coréen a expliqué que, pour les entreprises de son pays, les techniciens qualifiés étaient «essentiels» lors de l’installation des infrastructures, des équipements et des usines. «La main-d’oeuvre nécessaire n’existe tout simplement pas localement aux Etats-Unis,» a-t-il souligné. Selon des sources industrielles interrogées par l’AFP, il est courant de contourner les règles en matière de visas afin de faire venir cette main-d'œuvre et éviter les retards dans les projets. La construction de l’usine ciblée par le raid est, elle, désormais retardée de quelques mois, a indiqué Jose Munoz, le PDG de Hyundai. «Nous devons chercher des personnes pour reprendre ces postes. Pour la plupart, elles ne sont pas aux Etats-Unis», a-t-il justifié. L’entreprise LG Energy Solution, dont 47 employés ont été arrêtés aux côtés de 250 personnes travaillant pour un sous-traitant, a de son côté promis d’apporter son soutien aux employés rapatriés, dans un dans un communiqué à l’AFP. Claire LEE © Agence France-Presse