Les marchés de swaps commencent à douter de la BCE

Les anticipations d’inflation des marchés sont bien au-delà des objectifs de la banque centrale.
BCE
Les swaps européens sont bien au-delà de la cible d'inflation de la BCE, que les marchés n'estiment plus tenable en zone euro  -  photo ECB (CC BY-NC-ND 2.0)

Inflations américaine et européenne suivent des trajectoires différentes, et les marchés l’illustrent bien. Les swaps d’inflation 5 ans dans 5 ans européens et américains convergent depuis quelques mois autour de 2,5%, une situation qui n’était pas arrivée depuis 2008.

L’essentiel de la convergence est due aux swaps européens. «Les swaps américains fluctuent habituellement entre 2 et 3%, et les niveaux élevés auxquels ils demeurent ne sont pas surprenants, explique Christophe Boucher, directeur des investissements chez ABN Amro IS. A l’inverse, les swaps européens sont bien au-delà de la cible de la Banque centrale européenne (BCE), 1,8%. Les marchés anticipent que la cible d’inflation n’est plus tenable en zone euro».

Certes, les niveaux d’inflation suggérés par les marchés de swaps sont à prendre avec des pincettes. Une partie de ces taux reflète bien les anticipations d’inflation pour cinq ans dans cinq ans des investisseurs, mais il s’agit aussi d’actifs risqués, qui peuvent souffrir de mouvements d’aversion au risque. Vendredi en début de journée, les swaps américains perdaient ainsi 4 points de base, à 2,44%, dans le sillage des tensions sur la Silicon Valley Bank. Par ailleurs, les marchés ont tendance à extrapoler les derniers chiffres d’inflation courante, tandis que les prix de l’énergie peuvent aussi contribuer à tirer les taux de swaps à la hausse ou à la baisse.

Les dernières anticipations d’inflation des ménages européens à trois ans, qui déclinent de 0,8 point de pourcentage entre décembre et janvier à 3,8%, indiquent qu’une partie au moins de la hausse des swaps est liée à ces facteurs.

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Résistance

Une partie de la convergence de ces derniers mois s’explique toutefois par la bonne résistance de l’économie européenne, qui pourrait limiter le rythme de désinflation. Les prix sont par ailleurs davantage tirés par les biens et les services, la composante énergie se faisant moins forte, tandis que l’inflation sous-jacente continue de progresser en début d’année. A l’inverse, la désinflation est enclenchée aux Etats-Unis. La croissance des salaires est en ralentissement, tandis que l’inflation est tirée par le logement, lent à s’ajuster, et l’énergie, volatile.

Le phénomène apparaît donc temporaire, puisqu’une normalisation de la dynamique d’inflation ou une posture plus agressive de la BCE pourrait convaincre les marchés que l’inflation européenne retrouvera sa cible.

Le temps qu’il faudra à cette décompression est en revanche plus incertain. «La Fed prend du recul par rapport aux indications données par les marchés de swaps, puisqu’elle croise d’autres indicateurs pour jauger des anticipations d’inflation. La BCE est moins transparente : si Mario Draghi suivait de près cet indicateur, l’importance qui lui est donné aujourd’hui par les gouverneurs n’est pas claire», souligne Christophe Boucher. La convergence inhabituelle retiendra l’attention de la BCE : reste à savoir dans quelle mesure la banque centrale se sentira obligée de corriger l’interprétation des marchés. Réponse jeudi 16 mars.

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