
Les économistes cherchent les clés pour comprendre l’emploi américain

Les marchés de taux ont recommencé à douter de la politique monétaire de la Fed à partir des derniers chiffres de l’emploi américain, ressortis particulièrement bons à la surprise générale le 3 février. L’enquête auprès des entreprises (CES) du département du Travail, l’US Bureau of Labor Statistics (BLS) a estimé 517.000 créations d’emplois en janvier, après 260.000 en décembre, au lieu de 185.000 attendus. Le secteur privé y a contribué à hauteur de 443.000 emplois, soit une différence énorme avec l’enquête NER de l’organisme ADP qui a extrapolé 106.000 créations d’emplois en janvier, après 253.000 en décembre.
Alors que certaines critiques ont mis en cause l’enquête CES, celle-ci conserve sa crédibilité. Bien davantage que l’enquête auprès des ménages (CPS) du département du Travail, et que l’enquête NER, beaucoup moins regardée par les marchés. «Les ‘minutes’ du Comité de politique monétaire (FOMC) montrent pourtant bien qu’il prend aussi en compte les données de l’ADP sur l’emploi, même si celles du BLS, de source gouvernementale, sont présumées plus fiables, remarque Bastien Drut, responsable des études et de la stratégie de CPR AM. Ces derniers mois, les chiffres de l’ADP ont donné une idée plus claire de la tendance à la baisse des créations d’emplois», ajoute l’économiste (voir graphique).
Boîtes noires ?
Certains mettent parfois en doute la méthodologie de l’ADP : l’organisme établit les fiches de paye de près de 500.000 entreprises, et se fonde ainsi sur les données réelles de plus de 25 millions de salariés du secteur privé pour estimer les créations d’emplois à l’échelle nationale. C’est un échantillon potentiellement plus large désormais que le sondage «données réelles» de l’enquête CES : le département du Travail couvre un univers de 122.000 entreprises et donc environ 42,2 millions de salariés non agricoles. Mais le nombre de réponses aux sondages gouvernementaux est en chute libre à cause d’une défiance accentuée depuis la crise du Covid, rappelait mercredi Bloomberg. Une réelle menace pour la qualité des enquêtes, notamment de l’enquête CES, qui a reçu 45% de réponses en 2022, 15 points de moins qu’en 2019, soit potentiellement 55.000 entreprises et 19 millions de salariés à partir desquels le BLS fait tourner ses modèles statistiques. C’est pire encore pour l’enquête Jolts sur les ouvertures de postes et mouvements du marché du travail, que tous les observateurs utilisent pour mesurer les pénuries d’emplois actuelles.
«Il est évident qu’on reste dans une logique de sondages statistiques, avec d’ailleurs des intervalles de confiance expliqués par le BLS, de l’ordre de plus ou moins 130.000 créations mensuelles sur l’enquête CES et plus ou moins 300.000 sur l’enquête CPS, rappelle Florence Pisani, directrice de la recherche économique chez Candriam. Incontestablement, ces données n’ont de valeur que par la tendance qu’elles dessinent sur plusieurs mois.» Et encore ces enquêtes captent mal les changements de rythme malgré des biais destinés à les ajuster aux phases de destruction/création d’entreprises.
Le rapport trimestriel sur l’emploi réalisé par le BLS à partir des données réelles liées aux cotisations sociales des salariés est assurément plus fiable, «mais avec plusieurs mois de retard, ce qui le rend moins utile pour la Fed», ajoute Bastien Drut. Même si le président Jerome Powell en avait quand même tenu compte le 31 juillet 2019 pour assouplir sa politique monétaire au vu de données fortement différentes sur le premier semestre. Dans une étude publiée à l’époque, les économistes de la banque centrale avaient expliqué que «la combinaison des enquêtes CES et ADP réduit l’erreur de mesure inhérente aux deux sources de données».
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