Le marché se remet au diapason des banques centrales

Les investisseurs semblent intégrer dans leurs scénarios le pic d’inflation et une Fed moins restrictive.
Xavier Diaz
Raphael Bostic, le président de la Fed d’Atlanta, Etats-Unis
Le président de la Réserve fédérale d’Atlanta, Raphael Bostic, a évoqué la possibilité que la Fed suspende le resserrement de sa politique en septembre.  -  Atlanta Fed

L’inflation ne semble pas encore avoir atteint son pic en zone euro. En mai, l’indice des prix à la consommation a accéléré, après une pause en avril, en Espagne (+8,7%, en rythme annualisé) et a atteint un plus haut de près de cinquante ans en Allemagne (+8,7% également), selon des chiffres préliminaires, rappelant les niveaux enregistrés lors du premier choc pétrolier, dans les années 1970. Ce mardi, le marché attendra avec une certaine fébrilité la publication de la première estimation de l’inflation en zone euro (le consensus des économistes anticipe +7,7%, après +7,5% en avril) d’autant que les actifs risqués ont nettement rebondi au cours des dernières séances dans l’anticipation d’un pic d’inflation, mais aussi dans l’approche restrictive des banques centrales.

Malgré les chiffres d’inflation en mai dans la zone euro, et en l’absence des investisseurs américains, en congé, les places boursières européennes ont enregistré une quatrième séance consécutive de hausse lundi, également soutenues par la réouverture de Shanghai après des semaines de confinements. Wall Street a mis fin, vendredi, à une série de sept semaines de baisse.

«L’état d’esprit des investisseurs est en train de basculer alors que les craintes d’inflation ont dépassé leur pic pendant que les craintes de récessions continuent de se diffuser», note Vincent Chaigneau, responsable de la recherche chez Generali Insurance AM. L’indice PCE, principal indicateur d’inflation suivi par la Réserve fédérale américaine, a reflué en avril à +6,3% en glissement annuel (+6,6% en mars) et le core PCE s’est établi à +4,9%, après +5,2% en mars. Mais le marché avait déjà commencé à ajuster ses prévisions, l’inflation 5 ans dans cinq ans ayant diminué de 20 points de base (pb), à 2,65%, depuis son pic de début mai. En Europe, Les anticipations d’inflation ont reculé de 40 pb, à 2,10%.

Réductions du bilan de la Réserve fédérale

Les prévisions concernant le resserrement monétaire de la Fed ont également atteint leur pic. «L’appétit pour le risque a été davantage soutenu par les spéculations croissantes selon lesquelles la Fed ne serait pas aussi agressive dans la hausse des taux que ce qui était anticipé il y a quelques semaines à peine, ajoute Jim Reid, stratégiste chez Deutsche Bank. Le taux implicite des Fed Funds sur le marché monétaire, de 2,64% anticipés pour décembre 2022, est en baisse par rapport à son sommet de 2,88% du 3 mai. Les marchés ont maintenant supprimé un peu moins d’une hausse de 25 pb.» Une inflexion par rapport au mouvement de hausse assez constant ces derniers mois. La publication des minutes de la Fed, restrictives (hawkish) mais sans surprise, a renforcé ce sentiment. La réduction de la prime sur le dollar a également facilité le rebond des actifs risqués à plus fort bêta, qui avaient été les plus sensibles au récent mouvement de correction. «Le scénario haussier, qui semble avoir entraîné les marchés ces derniers jours, veut que nous soyons au début d’un point d’inflexion dans la politique de la banque centrale. Lundi dernier, le président de la Fed d’Atlanta, Raphael Bostic, a évoqué la possibilité que la Réserve fédérale puisse suspendre le resserrement de sa politique en septembre après avoir proposé deux autres hausses de 50 pb lors des deux prochaines réunions», analysent les stratégistes de JPMorgan.

Pour Jim Reid, le marché se trompe à anticiper une pause prématurée de la Fed dans son cycle de resserrement des taux. «Affirmer aujourd’hui que la Fed va faire une pause sur sa hausse des taux en septembre prochain est risqué, car l’institution monétaire ne sait pas exactement où se trouve le point neutre ni dans quelle mesure les réductions du bilan de la Fed peuvent amplifier les hausses de taux», ajoute John Plassard, stratégiste chez Mirabaud. Cette pause nécessitera, selon ce dernier, deux conditions : un ralentissement significatif de l’inflation et des signes indiquant que l’économie américaine se refroidit suffisamment pour réduire les futures pressions sur les prix. «Pour justifier une pause en septembre, certains économistes pourraient faire reposer leurs certitudes sur le fait que le pic de l’inflation [américaine] est derrière nous et que nous devrions assister à un dégonflement progressif des prix, affirme John Plassard. C’est ce que semble aussi penser la Fed dans ses prévisions d’inflation, projetant un taux de 4,3% à la fin de l’année 2022, de 2,5% en 2023 et, enfin, de 2,1% en 2024.» Sans oublier que la banque centrale américaine va commencer à réduire son bilan cette semaine, ce qui équivaut aussi à un resserrement des conditions financières.

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