«Le marché résidentiel français devrait bénéficier de fluctuations plus mesurées en 2023»

Face au choc inflationniste et à la remontée des taux et des conditions de crédit à l’habitat, Olivier Eluère, économiste au Crédit Agricole SA, fait le point sur la situation et les perspectives 2023 du marché résidentiel français.
Olivier Eluère, économiste au Crédit Agricole SA
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Olivier Eluère, économiste au Crédit Agricole.  - 

Le marché résidentiel français était très dynamique en 2021. Mais l’horizon s’est obscurci en 2022, avec un recul des ventes, même si les prix sont restés en hausse assez soutenue. Le conflit ukrainien et le choc inflationniste dégradent la confiance des ménages, et réduisent le pouvoir d’achat. Le poste énergie et frais de transport s’accroît fortement. Les ventes dans l’ancien ont assez bien résisté, mais les ventes dans le neuf ont connu un recul significatif en 2022, d’environ 20%, lié en bonne partie à un effet d’offre. Celle-ci est insuffisante, car elle est pénalisée par la rareté et les prix élevés du foncier, le délai d’obtention des permis de construire, l’envolée des coûts des matériaux de construction et les nouvelles normes environnementales pour la construction, entrées en vigueur début 2022 (RE 2020). Le recul des ventes dans le neuf est marqué dans les logements proposés par les promoteurs, avec -15%, et plus encore dans le secteur des maisons individuelles (hors promoteurs), avec -30%.

Vers des taux de crédit de 4% à 4,5%

Mais le principal facteur négatif est lié aux taux d’intérêt. Ceux-ci sont remontés fortement, notamment les taux OAT à 10 ans, qui ont atteint 1,6% en moyenne en 2022 après -0,1% en moyenne en 2021, et 2,6% en moyenne en novembre-décembre. Ils devraient fluctuer entre 2,9% et 3,3% en 2023. Toutefois, la hausse des taux OAT à 10 ans n’est répercutée que graduellement sur les taux de crédit, via le mécanisme du taux d’usure, soit le niveau maximum auquel une banque a le droit de prêter. Ce dernier est calculé comme la moyenne des taux effectifs globaux pratiqués par les établissements de crédit sur les trois derniers mois augmentée d’un tiers. Le calcul était effectué à la fin de chaque trimestre, avant un changement temporaire décidé depuis janvier et jusqu’à juillet, avec un calcul effectué chaque mois. Il a atteint 4% au 1er mars. Ce plafonnement et ce mode de calcul permettent une hausse assez lente et graduelle des taux de crédit à l’habitat. Le taux effectif global a atteint 2,2% en moyenne en 2022, après 1,8% en 2021. Il devrait remonter plus nettement en 2023 : proche de 3% en janvier-février, il pourrait se situer dans une fourchette de 4% à 4,5% en fin d’année.

Ajustements des prix en douceur

Par ailleurs, la capacité d’achat reste acceptable en moyenne en France, et les prix ne sont globalement pas surévalués. La hausse des taux peut ainsi être compensée en partie par une stabilisation des prix, et par une légère réduction de la surface achetable. De plus, les facteurs structurels de soutien à la demande restent présents : démographie, préparation de la retraite et effet valeur refuge, renforcé par la crise sanitaire et le conflit ukrainien. Enfin, le modèle français du crédit à l’habitat est prudent et solide, avec des risques contenus, des critères d’octroi stricts, et des crédits essentiellement à taux fixe.

Dans ce cadre, on peut attendre a priori un processus d’atterrissage en douceur, et non pas une correction marquée du marché. Les ventes dans l’ancien ont reculé de 5,4% en 2022, et pourraient baisser de 10% en 2023, en restant élevées autour de 1 million environ. Les ventes dans le neuf se sont repliées d’environ 20% en 2022, et diminueraient de 5% en 2023.

Quant aux prix, en hausse de 6,3% en moyenne en 2022, ils ralentiraient vers +1% en moyenne en 2023 dans l’ancien. En croissance intra-annuelle, de décembre à décembre, on peut attendre une baisse assez mesurée, de l’ordre de 2%, liée au recul des ventes, à la hausse des taux et aussi, dans certains cas, à des reventes de passoires thermiques, logements classés F ou G. Une partie des bailleurs investisseurs envisagent en effet de vendre ces biens, avec une décote, plutôt que de les rénover, compte tenu du coût élevé d’une rénovation globale. Les prix resteraient ainsi en hausse sur certains segments attractifs, et baisseraient plus nettement dans certaines grandes villes.

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