
Le Ghana vise une restructuration drastique de sa dette

Le Ghana, qui a obtenu l’aide financière du Fonds monétaire international (FMI) en un temps très court, espère aussi aller vite pour restructurer sa dette externe. Ce pays d’Afrique de l’Ouest, qui est confronté à une de ses pires crises après les chocs successifs de la pandémie de Covid et de la guerre en Ukraine avec une envolée de l’inflation, a obtenu, le 17 mai, le feu vert du conseil d’administration du FMI pour une ligne de crédit (extended credit facility, ECF) de 3 milliards de dollars sur trois ans, dont 600 millions ont été déboursés la semaine passée. Le Ghana recevra cinq autres tranches de ce montant tous les six mois à l’issue d’une revue du programme.
L’objectif est de permettre au pays de rétablir sa stabilité macroéconomique et de renforcer sa croissance future en mettant en place des ajustements budgétaires et des réformes négociées avec le FMI. La croissance du Ghana, en prix constants, est attendue en baisse à 1,5% cette année (après 3,2% en 2022 et 5,2% en 2021), tandis que le PIB par tête devrait même reculer de 1,1%, selon le FMI. La dette publique a atteint 88% du PIB l’an dernier, avec un déficit public de 11% du PIB, le déficit courant s’élevant à 2,1% (le pays est un important exportateur de pétrole et de cacao). L’accord du FMI ouvre également la voie à une aide de la Banque mondiale, de 1,55 milliard sur trois ans. Pour qu’il aboutisse, ce plan est aussi conditionné au succès de la restructuration de la dette externe du Ghana, que le gouvernement espère avoir bouclée d’ici à la première revue par le FMI du programme, en novembre prochain.
Avec une devise – le cedi – divisée par deux, des réserves internationales en chute libre (divisées par près de quatre, selon le FMI) et l’impossibilité d’accéder aux marchés internationaux de capitaux, le pays a fait défaut en décembre dernier, en même temps qu’il concluait un accord de principe avec l’institution de Washington. Un accord validé par le conseil du FMI en seulement cinq mois. Les créanciers bilatéraux, qui ont constitué, début mai, un comité de créanciers officiel coprésidé par la Chine et la France pour restructurer leur dette de 5,4 milliards de dollars, ont fourni les assurances de financement nécessaires au versement du FMI. Il s’agit d’un accord verbal à respecter dans le cadre établi par le FMI dans son évaluation de la soutenabilité de la dette (DSA).
Le programme a reçu le soutien du G20, et notamment de l’Inde, de l’Arabie saoudite, de la Chine et de la Turquie. Le processus a aussi été rapide parce que le gouvernement ghanéen a bouclé en début d’année une restructuration de la dette locale, ce qui est généralement rare, a aussi rappelé Ken Ofori-Atta, le ministre des Finances ghanéen, lors d’une conférence de presse conjointe avec le FMI. Il a souligné que l’accord conclu avec le FMI était «un signal réellement positif pour d’autres pays en Afrique».
Décote de 40 à 50%
«L’objectif du gouvernement est d’aboutir à un ‘memorendum of understanding’ [MoU, protocole d’accord] d’ici à la première revue du programme sur les composantes de l’accord», a indiqué Stéphane Roudet, le chef de mission du FMI, lors de cette conférence de presse. Le but étant également d’aller vite avec les créanciers privés, dont le montant de dette concernée est de 14,6 milliards de dollars. Au total 20 milliards des 30 milliards de dette du Ghana vont être restructurés. Le ministre des Finances ghanéen a indiqué qu’il était encore trop tôt pour évoquer un niveau de décote ou les modalités qui vont être négociées.
La décote pourrait être comprise entre 40% et 50%, selon des estimations reposant sur un objectif d’allégement de dette de plus de 10 milliards d’ici à 2026. Les emprunts d’Etat du Ghana traitent actuellement autour de 38%-40%. Un tel niveau de recouvrement (recovery) serait donc supérieur aux attentes du marché. Si un accord est trouvé aussi rapidement que l’escompte le gouvernement ghanéen, ce serait un bon point pour le cadre commun (common framework) du G20, dans lequel s’inscrit cette restructuration. Cela pourrait être facilité par un poids moins important de la Chine dans la dette du Ghana.
Mais le calendrier paraît optimiste. La restructuration d’un autre pays d’Afrique, la Zambie, qui a été le premier défaut post-Covid, n’est toujours pas bouclée. Le pays avait obtenu l’aide du FMI en septembre 2022, mais la Chine est son principal créancier. Concernant le Ghana, le FMI ajoute qu’un risque de dérapage des dépenses publiques n’est pas exclu, alors que se tiendront, fin 2024, les prochaines élections. Une restructuration rapide n’est donc pas une option.◆
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