
Le Bénin frappe un grand coup sur le marché de la dette émergente

C’est une première pour un pays africain. La République du Bénin a émis le 15 juillet sur le marché international une obligation répondant aux Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Seul le Mexique l’avait précédée dans cette voie, en septembre 2020, tandis que quelques pays émergents ont tâté des émissions vertes sur le marché de la dette locale.
L’opération a permis de récolter 500 millions d’euros remboursables en trois tranches en janvier 2033, 2034 et 2035. Les fonds serviront à financer la fourniture de repas dans les écoles, l’électrification du pays ou encore la construction d’un réseau de collecte et de recyclage des déchets. Sur les trois budgets 2019-2021, Cotonou a identifié pour plus d’un milliard d’euros de projets éligibles.
Programme pilote
En théorie, toutes les dépenses, hormis l’armement, pourraient passer sous la bannière du développement durable dans un pays où 90% de la population rurale n’a pas l’électricité et où le produit intérieur brut par habitant dépasse tout juste 1.100 euros. L’approche consiste alors à prévoir des exclusions afin d’éviter de financer des projets qui entraîneraient, par exemple, l’usage de pesticides pour la culture du coton – premier poste d’exportation – ou des déplacements non voulus de population.
Les autorités béninoises, qui ont mis moins de trois mois à structurer leur emprunt, ne partaient pas de zéro : elles travaillent sur le sujet depuis quatre ans dans le cadre du programme de développement des Nations unies (UNDP). «Peu de pays émergents sont capables de mettre en place l’infrastructure de reporting et de calcul d’impact pour le suivi des Objectifs de développement durable. Le Bénin s’y prépare depuis 2017 dans le cadre d’un projet pilote avec l’UNDP, et a signé début juillet un partenariat avec le Sustainable Development Solutions Network (SDSN) des Nations unies pour renforcer cette approche», expliquent Aymeric Arnaud, responsable des marchés de capitaux de dette pour la région Afrique et Europe centrale, et Stéphane Marciel, responsable obligations durables, à la Société Générale. La banque a dirigé le placement avec Citi et Natixis.
Pour mettre toutes les chances de son côté, le Bénin s’est également aligné avec les recommandations de l’ICMA, l’association des professionnels des marchés, pour les obligations durables. L’agence Vigeo-Eiris, intégrée à Moody’s, vérifiera le respect des engagements.
Prime verte et sociale
Au total, les investisseurs ont passé pour plus de 1,2 milliard d’euros d’ordres d’achat. Le rendement des titres a été resserré à 5,25%, alors que son niveau naturel sur cette maturité se situait plutôt aux alentours de 5,45%-5,50% en extrapolant la courbe des taux en euros du pays. «On peut estimer la ‘greenium’, la prime liée à l’émission d’un titre durable, à 20-25 points de base pour le Bénin. L’opération a attiré un grand nombre d’investisseurs nouveaux, avec beaucoup de fonds intégrant une dimension ISR dans leur stratégie», indiquent Aymeric Arnaud et Stéphane Marciel.
Ce succès valide aussi la stratégie suivie par le Bénin durant la crise du Covid. Son ministre des Finances Romuald Wadagni a toujours exclu de demander un moratoire sur la dette, option offerte l’an dernier par le G20 aux pays pauvres. Pour conserver la confiance des investisseurs dans sa qualité de crédit (une note B1 chez Moody’s), il a préféré recourir à de nouvelles ressources. Présent depuis avril 2019 seulement sur le marché international avec une dette à 7 ans, le pays a aussi refinancé cette échéance en janvier dernier en levant 700 millions d’euros à 11 ans et 300 millions à 31 ans. Des choix payants, puisque le Bénin se finance aujourd’hui à un coût inférieur à celui de la Côte d’Ivoire, l’émetteur de référence pour l’Afrique de l’Ouest, alors qu’il devait acquitter une prime de 100 points de base deux ans auparavant.
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