BlackRock évalue la pertinence des ODD pour les investisseurs

Une étude du gestionnaire d’actifs américain BlackRock suggère une forte corrélation entre objectifs de développement durables et indicateurs de durabilité financièrement significatifs pour les entreprises.
Adrien Paredes-Vanheule

L’horloge tourne pour l’intégration en portefeuille des Objectifs du Développement Durable (ODD) créés par les Nations Unies en 2015. Ces 17 objectifs et leurs 242 cibles sous-jacentes sont censés être atteints d’ici 2030 mais les investisseurs restent réticents à adopter ce cadre. En quête de matérialité financière, ils sont néanmoins plus nombreux à s’y intéresser et cherchent à comprendre la pertinence des ODD pour leurs décisions d’investissement, selon BlackRock.

L’étude publiée jeudi par le gestionnaire américain les avancera probablement davantage. La firme a comparé les 242 indicateurs des ODD de l’ONU avec les 980 indicateurs de durabilité identifiés par le Sustainability Accounting Standards Board (SASB) comme financièrement significatifs pour les entreprises.

Le gestionnaire conclut à une « corrélation significative » à 70% entre ces deux types d’indicateurs. Au total, 687 des 980 indicateurs correspondent à au moins un des 242 indicateurs des ODD, estime BlackRock. La corrélation est particulièrement forte dans les catégories de l’environnement, de l’innovation et du capital humain, qui renvoient notamment aux ODD liés au changement climatique, de la production et la consommation responsable, de la construction durable et de la gestion des déchets.

Les secteurs dont les indicateurs de durabilité financièrement significatifs concordent le plus avec ceux des ODD demeurent l’extraction et le traitement des minéraux (120 indicateurs) et l’infrastructure (107). Le rapport observe que les principaux ODD qui concernent ces secteurs sont l’assainissement et la propreté de l’eau (ODD n°6), l’énergie propre et abordable financièrement (ODD n°7), l’action pour le climat (ODD n°13) ainsi que le travail décent et la croissance économique (ODD n°8). BlackRock suggère ainsi que les indicateurs des ODD seraient très pertinents pour la performance financière de ces secteurs.

A l’inverse, les secteurs de la finance et des services présentent les plus basses corrélations, avec respectivement 28 et 25 indicateurs du SASB correspondant à au moins un ODD. Ces scores sont bas car la majorité des indicateurs pour ces secteurs touchent au capital social, au capital humain ainsi qu’au leadership et à la gouvernance, des catégories qui demeurent faiblement corrélés aux ODD.

Prioritiser les ODD

Autre conclusion de l’étude de BlackRock, 55% des indicateurs de durabilité sont corrélés à seulement quatre des 17 ODD. Il s’agit de l’assainissement et la propreté de l’eau (ODD n°6), l’énergie propre et abordable financièrement (ODD n°7), la consommation et production responsables (ODD n°12) ainsi que le travail décent et la croissance économique (ODD n°8).

« Pour intégrer les ODD à une stratégie d’investissement, il faut cibler les plus pertinents. Les concordances particulièrement élevées concernant la gestion et l’accès à l’eau, la croissance économique durable, l’énergie propre à un coût abordable, une consommation et une production durable sont des opportunités fortes. Ces indicateurs sont pertinents et matériels pour un très grand nombre de secteurs car ils comprennent des enjeux transversaux. Par ailleurs, en tant qu’investisseurs, ces objectifs sont prioritaires car ils sont des leviers particulièrement actionnables pour les entreprises. La participation du secteur privé est donc d’autant plus importante pour atteindre ces objectifs », explique Carole Crozat, responsable de la recherche fondamentale chez BlackRock Sustainable Investing à L’Agefi.

Dans son étude, BlackRock a aussi séparé en trois catégories les contributions liées aux indicateurs de durabilité financièrement significatifs du SASB et ODD réunis : les contributions positives, celles visant à éradiquer les externalités négatives et celles liées à la gestion des risques. Couplées aux ODD, le gestionnaire américain estime ainsi que 52% de ces contributions permettent de minimiser les externalités négatives comme les émissions de gaz à effet de serre et 38% de gérer des risques propres aux sociétés. Les contributions positives correspondent à 10% des indicateurs-ODD.

Transparence croissante

Concernant les données relatives aux ODD, Carole Crozat soutient qu’à mesure que les ODD seront de plus en plus utilisés, les entreprises devront « de plus en plus améliorer leur transparence sur les questions relatives à ces objectifs ». Elle prédit de « probables exigences d’un point de vue réglementaire ». Sur l’indisponibilité de données pour certains ODD, Carole Crozat privilégie une approche sectorielle qui serait plus efficace pour obtenir l’information souhaitée.

Carole Crozat constate que les progrès sur certains objectifs sont inégaux, avec plus de retard accumulé notamment sur ceux liés à la protection de la biodiversité et aux inégalités. « Globalement, nous le voyons en France, mais aussi partout ailleurs : nous sommes par exemple encore loin de la bonne trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre, que cela soit pour 2030, comme objectif intermédiaire, ou pour la neutralité carbone en 2050. Une réallocation très importante des capitaux est nécessaire pour les atteindre », dit-elle.

Une récente étude de l’université de Leeds avançait par ailleurs que la réalisation de certains ODD pouvait aussi impacter négativement les espaces forestiers. Sur ce sujet, Carole Crozat plaide pour un équilibre à trouver et l’adoption par les investisseurs d’une vision holistique prenant en compte à la fois les contributions positives et les impacts négatifs qu’une entreprise peut avoir sur l’ensemble des ODD. Cela, dans le but d’éviter de privilégier un objectif au détriment d’un autre.

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