
La réunion de la Fed jaugera les forces en présence

Ce que certains considèrent comme la surprise de l’inflation relevée à fin juin (+5,4% sur un an pour l’indice CPI) ne devrait avoir aucune conséquence sur l’issue de la réunion du Comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed mercredi. Et ce, même si le président Jerome Powell a déclaré, le 14 juillet devant la Commission des services financiers de la Chambre des représentants, que l’institution a commencé les discussions sur le calendrier de la future diminution (tapering) des achats d’actifs (QE) que la banque centrale mène actuellement au rythme de 120 milliards de dollars par mois (80 pour les bons du Trésor, 40 pour les prêts hypothécaires MBS).
«L’audition du Congrès pouvait paraître comme une annonce un peu moins accommodante et les prémices d’une annonce dès septembre», juge Thomas Costerg, économiste US chez Pictet WM, pour qui il faudra surveiller avec attention les chiffres de l’emploi américain (le 6 août) afin de voir si l’arrêt des indemnités chômage supplémentaires dans 24 Etats républicains ont aidé à réduire le chômage. «Le marché n’a d’ailleurs pas été insensible aux précisions de Jerome Powell sur les discussions entamées : les taux américains à 5 ans, qui sont les plus sensibles à ce sujet, ont chuté dans la semaine qui a suivi le 14 juillet de 0,85% à 0,64%», rappelle Guillaume Martin, stratégiste Taux chez Natixis, ce qui a renforcé l’aplanissement de la courbe depuis mi-juin avec les débouclages de positions vendeuses («short»). Selon Goldman Sachs et Deutsche Bank, «le ‘still away off’ utilisé par Jerome Powell pour caractériser l’ouverture des discussions pourrait signifier deux FOMC, ce qui nous amènerait à l’automne, avec une décision en novembre pour un ‘tapering’ effectif dès janvier 2022», ajoute Nicolas Goetzmann, directeur de la recherche à la Financière de la Cité.
Questions autour de l’emploi
Ce dernier, comme quelques autres analystes, avait déjà considéré le FOMC de juin comme plutôt «hawkish» (moins accommodant), avec ces prévisions de relèvement des taux (dot plots) avancées par plusieurs gouverneurs, ce qui lui faisait dire qu’ils avaient rompu dès le premier sursaut d’inflation le contrat sur la nouvelle stratégie décidée en août 2020 et davantage tournée vers l’emploi. «Ce serait bien, désormais, qu’on entende réagir le vice-président Richard Clarida qui n’a rien dit depuis, malgré les remous entraînés sur les taux. Idéalement, il faudrait que les dirigeants de la Fed, plutôt que de répéter le discours sur une inflation ‘transitoire’, puissent affirmer que si ça dure un petit peu plus longtemps, ce n’est pas un problème dans le nouveau paradigme post-crise et que, pour sortir des taux bas proches de 0%, il faut continuer à soutenir l’activité plutôt que de réagir au premier chiffre», poursuit Nicolas Goetzmann. D’autres, comme l’économiste d’UBP Patrice Gautry, considèrent que «la Fed devra repréciser à Jackson Hole (fin août) cette stratégie qui n’est pas claire», tant sur le calcul du ciblage flexible de l’inflation (flexible average inflation targeting, FAIT) que sur les objectifs en matière d’emplois.
«Plusieurs questions autour du niveau de plein emploi (post-pandémie, emploi réel, etc.) doivent encore être abordées pour envisager le ‘tapering’, estime aussi Tiffany Wilding, économiste US chez Pimco. Ce FOMC pourrait évoquer le niveau des résultats économiques compatibles avec la notion de ‘progrès substantiels’ justifiant un ‘tapering’, les modalités de la réduction entre Treasuries et MBS dans ce cas, ainsi que du ‘préavis’ (‘advanced notice’) que Jerome Powell a promis.» Elle ajoute ne pas exclure que les sept membres du FOMC qui prévoient des hausses de taux dès 2022 puissent négocier un compromis pour un resserrement plus rapide que ce que le consensus anticipe.
Pour Guillaume Martin, «ce FOMC va surtout être l’occasion de jauger les forces en présence parmi les gouverneurs : le camp des ‘moins accommodants’, sceptiques sur le FAIT ; le camp des plus ‘dovish’, qui sont aussi les plus influents ; et le camp des ‘canadiens’, qui commencent à avoir peur des effets de la politique monétaire sur le marché immobilier et souhaiteraient commencer à parler d’un ‘tapering’ qui reviendrait d’abord à réduire les achats de MBS». Selon la même logique, la Fed devra tenir compte de la possibilité ou non de voir l’administration Biden faire voter ses plans de relance : d’infrastructures pour 1.200 milliards uniquement, d’aides vers une transition écologique et sociale pour 3.500 milliards aussi, ou entre les deux. Avec en toile de fond un thème de l’inflation qui s’est invité dans la campagne politique pour les mid-terms de novembre 2022.
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