
«La mise à zéro des AT1 de Credit Suisse va entraîner une réévaluation de la rémunération»

L’Agefi : Quelles perspectives entrevoyez-vous pour le marché du crédit après les secousses sur le secteur bancaire ?
Elisa Belgacem: Nous sommes persuadés que l’impact du resserrement monétaire sur l’économie n’a pas encore totalement produit ses effets et maintenons notre positionnement sous-pondéré sur les actifs risqués, dont l’obligataire high yield. Les récents événements sur les banques régionales américaines et sur Credit Suisse, quoi qu’ils aient une dimension idiosyncratique, n’en sont pas moins liés à la hausse des taux. Et ce n’est sans doute pas terminé, avec pour risque d’autres sujets de préoccupation car il y a d’énormes plus-values non réalisées chez beaucoup d’opérateurs.
Il existe aussi un risque d’une crise de liquidité entraînant une baisse de l’octroi de crédit et donc de la croissance. Nous anticipons désormais une hausse plus importante des taux de défauts d’ici fin 2023 par rapport à 2022 que le doublement prévu jusque-là. Nous privilégions l’investment grade d’autant que les spreads se sont davantage écartés que pour le HY, qui, comme les actions, semble trop complaisants par rapport au risque de récession. Par ailleurs, le soutien technique d’un faible marché primaire sera moins favorable car beaucoup d’entreprises vont vouloir refinancer rapidement leurs maturités arrivant à échéance en 2024 dans le contexte actuel de resserrement de la liquidité et des conditions de crédit. Un marché des loans plus difficile pourrait ajouter à l’engorgement du marché obligataire.
Quelles conséquences va avoir la décision de la Finma de mettre à zéro la valeur des obligations AT1 de Credit Suisse contrairement aux actionnaires ?
Credit Suisse était probablement devenu insolvable au cours du week-end et même si les termes juridiques sont encore débattus, les créditeurs subordonnés doivent se préparer à absorber des pertes dans de tels cas. Le fait d’opter pour une solution ne respectant pas la hiérarchie des créditeurs entame la crédibilité du régulateur suisse, qui aura plus de mal à faire revenir l’ordre dans le futur. Nous le voyons déjà dans la valorisation des AT1 UBS qui sous-performent largement le reste des AT1 depuis l’annonce du rachat de Credit Suisse.
A lire aussi: Credit Suisse dynamite la hiérarchie des créanciers
En revanche nous estimons que le risque associé aux AT1 dans les autres juridictions est inchangé. La confirmation par la BCE ainsi que par la Banque d’Angleterre que les AT1 seraient bien mis à contribution après les actionnaires en cas de résolution comme de liquidation a contribué à rassurer les investisseurs. Mais la mise à zéro des AT1 de Credit Suisse va probablement entraîner une réévaluation de la rémunération du couple risque de crédit/liquidité dans l’ensemble du marché, et en particulier des secteurs ayant les leviers les plus importants et une liquidité moindre.

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