
La hausse des loyers renforce l’inflation aux Etats-Unis

Le prix médian des logements anciens aux Etats-Unis a atteint un record selon les données de la Fédération nationale des agents immobiliers américains (NAR). Il a bondi de +19% en un an à 341.600 dollars fin avril, même si les ventes ont baissé en nombre pour le troisième mois de suite en raison du manque de biens disponibles. L’augmentation est encore bien supérieure pour les biens de plus de 500.000 dollars, ce qui confirme le mouvement des Américains les plus aisés vers des maisons plus grandes, et donc la pénurie de biens pour ceux qui (comme au Royaume-Uni) veulent changer de mode de vie post-Covid.
«L’offre de logements continue d’être en-deçà de la demande», remarque Lawrence Yun, économiste en chef de la NAR, évoquant des délais de vente record (17 jours), mais aussi la probabilité que, entre vaccinations, réouverture de l’économie, et fin des moratoires sur le remboursement des emprunts, l’offre redémarre dans les mois à venir et freine la hausse des prix.
Lente intégration des loyers
La lecture sur les loyers est toujours plus difficile, alors qu’ils pèsent 33% dans l’indice CPI des prix à la consommation (8% pour les locataires, 24% pour les «équivalents de loyers» imputés aux propriétaires). Ils étaient en hausse de +2% sur un an à fin avril – un niveau bas depuis 2011. «Mais cet indicateur de l’US Bureau of Labor Statistics met beaucoup de temps à intégrer une hausse des loyers car l’analyse n’est enrichie de l’évolution pour une ville donnée que tous les six mois, donc que de 1/6 du parc total chaque mois», indique Bastien Drut, stratégiste chez CPR AM.
Dans son rapport de juin, le site CoreLogic indique une hausse des prix immobiliers de +13% sur un an et une hausse des loyers de +4%, ce qui marque un gros rattrapage après les baisses de 2020. Le dernier rapport Apartment List constate à fin mai un troisième mois de hausse consécutif pour son indice national : de +2,3% sur un mois, et de +5,4% sur un an, de retour au niveau pré-pandémique, mais avec toujours des variations régionales importantes : -17% pour les loyers à San Francisco, -13% à Oakland, -12% à New York, -11% à Seattle, etc.
«Cela confirme que, avec la généralisation du télétravail, les CSP+ ont déserté les centres-villes, pour des coins plus calmes et/ou de plus petites villes où les loyers ont pu augmenter. Reste à savoir si c’est temporaire ou pas», poursuit Bastien Drut, évoquant quand même une remontée depuis deux à quatre mois des loyers dans ces grandes villes, où ils restent bien inférieurs aux niveaux d’avant-crise. «On a même vu des couples quitter la Californie pour l’Idaho puis, se rendant compte que la vie y est tellement moins chère, décider que l’un des conjoints arrêterait de travailler, ajoute Raphaël Gallardo, chef économiste de Carmignac. L’analyse des loyers reste compliquée également parce que, avec les moratoires sur les évictions prolongés in extremis de fin mars à fin juin, la hausse d’une partie des loyers correspondant à 7% du total (les arriérés officiels) a été comptabilisée à 0%», poursuit-il. Cela provoque une inhabituelle décorrélation entre la hausse du loyer médian et le loyer médian exigé à la relocation.
Marchés différents
En temps normal, il existe aussi une certaine corrélation entre les loyers et les prix de ventes dans l’immobilier résidentiel. Mais seulement jusqu’à un certain point. «Lorsque l’accession à la propriété devient trop coûteuse en raison de prix trop élevés, la demande pour la location augmente, ce qui tire les loyers à la hausse», rappelle Bastien Drut, sans négliger le lien des loyers avec les salaires, qui ont très notablement augmenté dans tous les métiers en rythme mensuel pour la deuxième fois en mai (+0,5%) après avril (+0,7%). «Une autre différence avec le passé pourrait venir du fait que la hausse des prix de l’immobilier à l’achat est également tirée par l’investissement institutionnel dans les ensembles de logements collectifs. En outre, avec la sélectivité accrue des banques sur les prêts immobiliers depuis la crise de 2008, l’accès à la propriété est bien plus limité, et quasi impossible pour une famille médiane», note Raphaël Gallardo. Cela pourrait expliquer un sentiment globalement plutôt négatif des Américains à l’égard de l’immobilier.
Selon l’American Housing Survey, plus de 60% du marché de la location concerne des appartements aux Etats-Unis, contre 5% à l’achat ; et la location concerne plus de la moitié des logements dans les centres-villes, mais seulement 30% en dehors. «Les deux marchés location/vente ne proposent pas la même chose, confirme Bruno Cavalier, chef économiste d’Oddo BHF. Le prix des maisons, sur lequel les tensions actuelles sont ponctuelles, varie bien plus que les loyers. Et les loyers réagissent avec retard, également parce que le CPI tient compte des contrats en vigueur. Cela contribuerait davantage à l’inflation 2022 que 2021, et pourrait poser un drôle de dilemme à la Fed, alors que les loyers ont donc cette particularité de réagir à l’inverse des prix à la vente après un resserrement monétaire, du fait d’un arbitrage alors en faveur de la location», conclut-il.
Plus d'articles du même thème
-
Apex Group ouvre un bureau au Rwanda
Le groupe de services financiers compte déjà plusieurs implantations sur le continent africain. -
L’emploi américain accélère sa dégradation
Les créations d’emplois aux Etats-Unis ont continué à ralentir en août, affectant l'ensemble du marché du travail. Avec des révisions annuelles encore attendues la semaine prochaine, cela pourrait finalement soutenir l’idée d’une baisse des taux des Fed funds encore plus marquée, peut-être dès septembre. -
Border to Coast confie 90 millions de dollars à un gérant immobilier
Le groupement de fonds de pension britannique a sélectionné une stratégie «value add» en Amérique du Nord.
ETF à la Une

Xtrackers lance un ETF sur la défense
- A la Société Générale, les syndicats sont prêts à durcir le ton sur le télétravail
- Revolut s’offre les services de l’ancien patron de la Société Générale
- Boeing essaie de contourner la grève en cours dans ses activités de défense
- Les dettes bancaires subordonnées commencent à rendre certains investisseurs nerveux
- Mistral AI serait valorisé 12 milliards d’euros par une nouvelle levée de fonds
Contenu de nos partenaires
-
Infrapolitique
« La crise du politique » – par Raphaël LLorca
La rupture entre les Français et la classe politique est tellement documentée et a fait l’objet de tellement de commentaires qu’on n’y prend plus vraiment garde, alors que la rupture est historique, souligne l'essayiste Raphaël LLorca dans sa chronique pour l'Opinion -
Incitation
Allemagne : les avantages fiscaux pour maintenir les retraités en activité sous le feu des critiques
Le chancelier Friedrich Merz veut permettre aux retraités de gagner jusqu'à 2 000 euros par mois totalement défiscalisés dès 2026 -
Népal: au moins 16 morts à Katmandou pendant une manifestation contre la censure des réseaux sociaux et la corruption
Katmandou - Au moins 16 personnes ont été tuées et une centaine blessées lundi dans la capitale népalaise Katmandou, lorsque la police a dispersé une manifestation contre le blocage des réseaux sociaux et la corruption du gouvernement. «Seize personnes sont malheureusement décédées selon un décompte auprès des hôpitaux. Une centaine d’autres ont été hospitalisées, dont des policiers», a annoncé à l’AFP un porte-parole de la de la police, Shekhar Khanal. Des affrontements étaient toujours en cours en fin d’après-midi dans les rues de Katmandou, où la police tentait de disperser le dernier carré des protestataires, selon des journalistes de l’AFP. Le gouvernement du Premier ministre KP Sharma Oli devait se réunir en urgence en soirée pour faire le point de la situation. Les forces de l’ordre sont intervenues lorsqu’une foule de plusieurs milliers de personnes s’est rapprochée du Parlement, dont elles avait bloqué l’accès, notamment avec des barbelés. Certains manifestants ont alors tenté de franchir le cordon de sécurité mis en place par la police. «Nous avons utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau quand les manifestants ont pénétré dans la zone interdite», a justifié auprès de l’AFP le porte-parole de la police. Selon des témoignages anonymes publiés par les médias locaux, la police a tiré à balles réelles sur la foule pour la contenir. L’AFP n’a pas été en mesure de confirmer immédiatement ces informations. Au moins trois des victimes ont succombé à leurs blessures à l’Hôpital civil de Katmanadou tout proche, qui a accueilli plus de 150 blessés, selon une porte-parole de l'établissement, Ranjana Nepal. «Je n’ai jamais vu un tel chaos à l’hôpital», a-t-elle dit à l’AFP. «Les gaz lacrymogènes se sont propagés dans les locaux et ont rendu difficile le travail des médecins». «Pratiques autoritaires» Le ministère népalais de la Communication et des Technologies de l’information a annoncé jeudi avoir ordonné le blocage de 26 plateformes, dont Facebook, Youtube, X et Linkedin, qui ne se sont pas enregistrées auprès de lui dans les délais. En application d’un arrêt rendu en 2023 par la Cour suprême, le ministère exige qu’elles nomment un représentant local et une personne chargée de la régulation de leurs contenus. Cette décision, qui a continué lundi à perturber de nombreuses activités, a convaincu de nombreux usagers en colère de descendre dans la rue. Les manifestants se sont rassemblés dans la matinée en brandissant des drapeaux nationaux et en chantant l’hymne national, avant de lancer des slogans hostiles au gouvernement. «Nous sommes là pour dénoncer le blocage des réseaux sociaux mais ce n’est notre seule motivation», a déclaré à l’AFP un étudiant, Yujan Rajbhandari, 24 ans, «nous dénonçons aussi la corruption institutionnalisée au Népal». «Cette décision traduit les pratiques autoritaires du gouvernement et nous voulons que ça change», a renchéri un autre, Ikshama Tumrok, 20 ans. Depuis l’entrée en vigueur du blocage, les plateformes encore en service, comme Tik Tok, sont inondées de vidéos mettant en cause la vie luxueuse des enfants de responsables politiques. «Il y a eu des mobilisations contre la corruption partout dans le monde, ils (nos dirigeants, ndlr) redoutent qu’il en soit de même ici», a commenté un autre protestataire, Bhumika Bharati. Dans une déclaration publiée dimanche, le gouvernement a démenti vouloir grignoter les libertés de pensée et d’expression et affirmé que sa décision visait à créer «un environnement destiné à leur protection et à leur libre exercice». Il a répété que le fonctionnement des plateformes visées serait rétabli sitôt le dépôt d’une demande d’enregistrement de leur part. Le blocage décrété jeudi n’est pas inédit. En juillet dernier, le gouvernement avait déjà suspendu la messagerie Telegram en raison, selon lui, d’une hausse des fraudes en ligne. Paavan MATHEMA © Agence France-Presse