
La Fed s’apprête à temporiser

Les marchés semblent bien sûrs de leurs anticipations : la Réserve fédérale américaine (Fed), qui terminera son comité de politique monétaire (FOMC) ce mercredi, devrait annoncer une hausse des taux Fed funds de 25 points de base (pb), de 4,50% à 4,75%. Ce mouvement serait suivi d’une autre hausse en mars, voire en mai, jusqu’à 5% ou 5,25%, avant des baisses de taux dès le deuxième semestre 2023.
Depuis la réunion du 14 décembre, les marchés financiers ont été «rassurés» par plusieurs nouvelles économiques plutôt mauvaises (ISM manufacturier et services, créations d’emplois, sentiment des PME, etc.) et par la baisse de l’inflation, qu’il s’agisse des indices CPI ou PCE comme de l’inflation totale ou sous-jacente. Ils ont confirmé leurs anticipations d’un ralentissement des hausses de taux de 50 à 25 pb en février malgré la publication d’un PIB américain du quatrième trimestre supérieur aux attentes.
L’emploi résiste
Les effets de base devraient jouer sur l’inflation CPI, que le consensus Bloomberg voit redescendre de 6,5% à 3% en fin d’année. Le cœur du sujet portera donc sur l’inflation PCE sous-jacente (encore à 4,4%), donc sur les salaires et le marché du travail, qui continue à enregistrer plus de créations d’emplois mensuelles (NFP) et moins d’inscriptions au chômage hebdomadaires que prévu. Les offres d’emplois mesurées par le rapport Jolts ne diminuent presque pas et il faudrait de véritables destructions d’emplois nettes pour qu’une remontée du taux de chômage pousse la Fed à entamer un véritable «pivot» accommodant. «Elle rebaissera ses taux quand les créations d’emplois (NFP) auront été trois mois de suite en territoire négatif et indiqueront une direction claire vers plus du chômage. Vue l’inertie actuelle du marché, cela ne se réalisera pas avant fin 2023-début 2024», estime Thomas Costerg, économiste US chez Pictet WM.
«Qu’on regarde le pourcentage de mois sur un an au cours desquels les créations ont atteint moins de 200.000 emplois (0% aujourd’hui) ou le lien entre les statistiques mensuelles d’emploi et de chômage, une hausse rapide du taux de chômage, d’une ampleur suffisante pour déclencher un signal de récession, semble improbable, ajoute William De Vijlder, chef économiste de BNP Paribas. Autrement dit, le ralentissement de la croissance des salaires et, de manière plus générale, la décrue de l’inflation sous-jacente, pourraient prendre plus de temps que prévu, obligeant la Fed à maintenir des taux élevés plus longtemps.» Ce que n’intègrent actuellement pas les marchés financiers. «Le logiciel du marché du travail a changé : chose inédite, la demande totale d’emplois émanant des entreprises (postes pourvus+vacants) dépasse de 4,7 millions le nombre de personnes dans la population active, analyse Maxime Darmet, économiste US du groupe Allianz. Cela nous amène à penser que, même avec l’entrée prochaine en récession et avec les ‘fissures’ qui apparaissent au travers du nombre d’heures travaillées par tête et du nombre d’emplois temporaires d’aide à la personne, le taux de chômage ne remontera que de 3,5% à 4,2% maximum d’ici à la fin 2023.»
Long délai de transmission
Au-delà des données, «les décideurs vont être confrontés, en raison des retards induits, à une décision très difficile quant au moment d’arrêter les hausses de taux ou d’inverser le mouvement afin de ne pas causer plus de douleur que nécessaire», a déclaré le 7 janvier l’économiste de l’Université de Berkeley et ex-conseillère de Barack Obama, Christina Romer. L’effet maximal sur l’emploi serait de 27 mois après le début du resserrement monétaire. «Des prêts hypothécaires à taux fixe et des entreprises ayant profité du Covid pour faire le plein de dettes à taux bas sont aussi des amortisseurs du resserrement, poursuit Thomas Costerg. Une surprise ‘hawkish’ pourrait résider dans un retour du discours sur les conditions financières, dont je pensais au départ que la Fed se servirait pour ajouter 25 pb à la hausse de 25 pb encore rendue nécessaire par le marché du travail», ajoute-t-il à propos des anticipations pour mercredi.
Davantage scrutée que les annonces, la communication du président Jerome Powell devrait réitérer son engagement sur la stabilité des prix malgré la décélération des hausses de taux. Il pourrait cependant «ouvrir la porte à une pause lors de la réunion de mars si les perspectives d’inflation continuent à s’améliorer», note François Rimeu, stratégiste senior de La Française AM. Comme l’a insinué récemment sa vice-présidente Lael Brainard, la Fed peut désormais temporiser : «Nous avons fait passer notre politique en territoire restrictif à un rythme rapide, ce qui nous permettra d’évaluer davantage de données à mesure qu’elle approche du taux directeur terminal en tenant compte des risques entourant notre double objectif» sur l’inflation et sur l’emploi.
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