
La Fed regardera au-delà des premières fractures financières

Après la Banque centrale européenne (BCE), c’est au tour de la Fed de relever le défi délicat de sa réunion de politique monétaire.
La tourmente financière fait en effet douter de la détermination de Jerome Powell, le gouverneur de l’institution américaine, à remonter de nouveau les taux directeurs mercredi soir. Le dirigeant avait pourtant indiqué, le 7 mars, que des hausses de taux plus importantes pourraient être nécessaires, et que l’inflation se révèle plus persistante que prévu. «Les conditions actuelles risquent de mettre davantage de pression sur la Fed pour qu’elle baisse ses taux, afin d’éviter l’accident financier. Il semble plus probable que la banque centrale décide de monter ses taux de 25 points de base (pb) puis se laisse du temps pour trouver l’équilibre entre les différents facteurs - inflation, croissance, stabilité financière», note Antoine Bouvet, responsable de la stratégie de taux euro chez ING.
Tensions
Les marchés semblent privilégier ce scénario. Les anticipations des marchés de swaps, certes très volatiles, estiment que la probabilité d’une hausse de taux de 25 pb est de 50%, contre un maintien du niveau de taux actuel avec une probabilité équivalente.
La décision de la Fed dépendra essentiellement de sa perception des tensions sur les marchés : dans quelle mesure celles-ci durciront suffisamment les conditions de financement pour peser sur l’activité et l’inflation. Si elles se poursuivaient au cours du second semestre, elles équivaudraient à un resserrement de 50 pb supplémentaire, selon des données Bloomberg. «Le dernier rapport sur l’octroi de crédit de la Fed, publié le mois dernier, montre que les conditions d’octroi de crédit se sont durcies pour l’ensemble des catégories -consommation, immobilier… Par ailleurs, les volumes stagnent depuis trois mois, et les faillites de SVB et de Signature Bank n’arrangeront pas les choses», remarque Bastien Drut, responsable des études et de la stratégie de CPR AM, qui estime que «la Fed pourrait donc se saisir de l’excuse des conditions de financement pour justifier de ne pas augmenter ses taux».
A ce titre, les liquidités injectées la semaine dernière ne sont pas antinomiques avec le durcissement des conditions d’emprunt. Les 300 milliards empruntés l’ont été à court terme, et dans des conditions de marché difficiles, ce qui implique que les banques auront tendance à garder ces liquidités en cas d’imprévu et n’alimenteront pas l’économie. Par ailleurs, l’essentiel de cette progression provient des Fed régionales de San Francisco et New York, ce qui indique que le stress sur le financement lié à la faillite de SVB et de Signature Bank reste contenu à l’échelle locale.
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Resserrement
Les inquiétudes de marché n’entreront donc pas encore en ligne de compte. «La crédibilité de la Fed serait fortement entamée si elle décidait de faire une pause cette semaine, avant qu’il ne devienne clair que les mesures de soutien n’ont pas permis de résoudre les turbulences», écrit Gilles Moëc, chef économiste d’Axa IM, qui estime que le «point de non-retour», à partir duquel la crise bancaire commence à avoir un impact sur l’économie et la politique monétaire, n’est pas encore atteint.
A ce titre, la Fed devrait aussi poursuivre la réduction de son bilan, alors même que le resserrement quantitatif (QT) a pu contribuer à tendre les conditions sur les marchés. «Depuis le début du QT, les réserves des petites banques ont baissé, ce qui n’est pas le cas pour les banques de plus grande taille. La poursuite de ces opérations pose donc question pour la Fed, qui pourrait choisir de poursuivre la réduction de son bilan avec d’autres leviers – par exemple en rendant moins favorables ses opérations de reverse repo», relève Bastien Drut.
L’institution devrait néanmoins continuer à absorber les liquidités excédentaires. «La Fed garde comme objectif de réduire le volume de son bilan à terme, et devrait donc continuer son QT - d’autant qu’il lui sera difficile de le reprendre si elle le met en pause», souligne Antoine Bouvet.
L’ensemble de ces incertitudes devrait se cristalliser dans le «dot plot», les anticipations de taux directeurs à terme. Fin décembre, le taux terminal était anticipé à 5,1%, et sa mise à jour permettra de jauger des vues de la banque centrale sur la persistance de l’inflation comme de l’impact du ralentissement de l’économie sur celle-ci.
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