
La Fed réengage des liquidités comme en temps de crise

Avec les déboires de Silicon Valley Bank (SVB) et de Signature Bank, la Réserve fédérale (Fed) a annoncé dimanche soir qu’elle met à disposition des liquidités supplémentaires, jusqu’«au 11 mars 2024 au moins» des institutions financières ayant des dépôt éligibles. L’objectif ? Garantir aux banques la capacité de répondre aux besoins de tous leurs déposants et protéger les dépôts et les crédits nécessaires au bon fonctionnement de l’économie.
La banque centrale américaine interviendra via la création d’un nouveau Programme de financement bancaire à terme (BTFP). Celui-ci consiste à offrir des prêts d’une durée maximale d’un an aux banques et autres institutions de crédit et de dépôt éligibles pour un montant égal aux garanties apportées sous forme de bons du Trésor américain, dettes d’agence et titres adossés à des prêts hypothécaires (MBS). Tous ces titres apportés sont valorisés au pair. Le BTFP aura un coût correpondant au taux swap indexé au jour le jour sur un an majoré de 10 points de base (pb). Les établissements emprunteurs pourront rembourser par anticipation à tout moment sans pénalité, sans frais associés au programme.
Après avoir reçu les recommandations de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) et de la Fed et après consultation du président, la secrétaire au Trésor Janet Yellen a approuvé à la fois les mesures devant permettre de mener à bien les résolutions de Silicon Valley Bank (SVB) et de Signature Bank en protégeant les déposants. Et donc la mise à disposition, comme durant la crise du Covid au printemps 2020, par le département du Trésor de 25 milliards de dollars du Fonds de stabilisation des marchés (FSE) comme filet de sécurité pour le BTFP. Malgré l’effet de levier de la Fed, ce montant paraît assez limité si le problème de solvabilité de quelques banques américaines devait devenir un problème de liquidité. Ces banques sont en effet assises sur des montants importants d’obligations dont la valeur a chuté ces derniers mois : près de 300 milliards de dollars dans leur «trading book» (disponible à la vente, available for sale) selon la FDIC, et à peu près autant dans le «banking book» pour les titres censés être détenus jusqu'à maturité - donc non comptabilisés à la valeur de marché. Ces titres peuvent aussi devenir un problème s’ils doivent repasser dans le «trading book», qui est mis à la valeur de marché.
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Gradation
Les positions en capital et en liquidité du système bancaire américain étant «solides» et «résilientes», la banque centrale affirme ne pas prévoir qu’il sera nécessaire de puiser dans ces fonds de soutien, tout en surveillant attentivement l’évolution des marchés et systèmes financiers. Mais le plus important semble résider dans la phrase suivante selon laquelle «la Réserve fédérale est prête à faire face à toute pression de liquidité qui pourrait survenir. (…) Le Conseil est prêt à utiliser toute sa gamme d’outils pour soutenir les ménages et les entreprises, et prendra des mesures supplémentaires le cas échéant.»
La Fed, dont d’autres facilités restent disponibles comme le guichet d’escompte – avec les mêmes marges de collatéral que le BTFP désormais -, semble bel et bien espérer que ces déclarations pourront suffire à éviter l’escalade. L’objectif est clair : empêcher la panique des déposants dans les banques à risque. Ce qui entraînerait pour lesdites banques l’impératif de vendre leurs actifs de meilleure qualité et de prendre des moins-values.
Le communiqué précise d’ailleurs bien le rôle du BTFP : il s’agit d’une source supplémentaire de liquidité devant «éliminer le besoin d’une institution de vendre rapidement ces titres en période de crise», donc de voir les taux américains remonter trop vite par rapport au rythme de resserrement monétaire que la banque centrale souhaite maîtriser. L’annonce peut donc s’assimiler à une nouvelle forme de quantitative easing (QE) sur les actifs de qualité.
Les taux américains à 10 ans ont chuté depuis vendredi de 4% à 3,52%, et ceux à 2 ans de 5,05% à 4,12%, aboutissant à un aplanissement sensible de la courbe des taux US (-68 pb au lieu de -105 pb).
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