
La Fed muscle sa riposte contre l’inflation

Casser l’inflation sans précipiter les Etats-Unis en récession. La Réserve fédérale américaine, qui avance sur une ligne de crête, a choisi ce 4 mai de s’en tenir à une hausse de 50 points de base de son taux directeur, pour fixer la cible des Fed funds entre 0,75% et 1%, et de lancer comme attendu la réduction de son bilan.
Avec ce relèvement des taux, le deuxième de l’année après celui d’un quart de point effectué en mars, la banque centrale donne à la fois des gages aux « faucons », tenants d’un resserrement rapide, et aux « colombes », qui craignent un atterrissage brutal de l'économie. Aux premiers, la Fed offre un tour de vis d’un demi-point en une seule réunion, du jamais-vu depuis l’an 2000. Une accélération nécessaire alors que la hausse des prix a atteint 8,5% sur un an en mars aux Etats-Unis et que l’institution est critiquée de toutes parts pour avoir tardé à prendre la mesure du phénomène inflationniste dans le pays. Aux seconds, la Fed sacrifie l’hypothèse d’un geste de 75 pb, poussée entre autres par James Bullard, le président de la Réserve fédérale de Saint-Louis.
Les marchés, qui misaient sur une hausse de 50 pb, ont été rassurés. Ils en attendent deux autres, de même ampleur, lors des réunions de juin et de juillet. Des anticipations que Jerome Powell, président de la Fed, a confortées mercredi soir lors de sa conférence de presse. D’autres hausses de 50 pb sont « sur la table » pour les prochaines réunions, a-t-il précisé. En revanche, « une hausse de taux de 75 points de base n’est pas quelque chose que le comité envisage activement », a-t-il ajouté. La mention a permis à Wall Street d’affirmer ses gains. Avec trois hausses supplémentaires de 25 pb chacune anticipées entre septembre et décembre, la fourchette des Fed funds se retrouverait fin 2022 entre 2,5% et 2,75%, non loin du taux neutre.
Pour les « colombes », point n’est besoin d’en faire davantage dans un contexte de ralentissement économique, et même de contraction technique du produit intérieur brut américain au premier trimestre. La communication de la Fed en 2022 a déjà fait remonter les taux à 3 mois à près de 1% et les taux à 10 ans à 3%, les spreads de crédit se sont écartés et les indices actions souffrent. « Ceci a donc déjà permis un resserrement des conditions financières. Si la Fed ne veut pas casser la croissance et veut réussir son atterrissage en douceur, elle doit éviter un resserrement trop brutal », commentait Sebastian Paris Horvitz, directeur de la recherche de LBP AM, avant la décision de la banque centrale.
Saut dans l’inconnu
Si les investisseurs avancent en terrain à peu près connu du côté des hausses de taux, il n’en va pas de même pour le deuxième front ouvert mercredi par la Fed : la réduction de son bilan. De 9.000 milliards de dollars, celui-ci dégonflera de 47,5 milliards par mois à partir du 1er juin, la Fed cessant de réinvestir les tombées de son portefeuille d’emprunts d’Etat et de titrisations immobilières (mortgage-backed securities, MBS) à hauteur de 30 milliards et 17,5 milliards respectivement. Dès septembre, le rythme de croisière de ce quantitative tightening (QT) sera porté à 95 milliards de dollars, dont 60 milliards de Treasuries, comme le compte-rendu du comité de politique monétaire de mars l’avait laissé entendre.
Par son ampleur, ce processus de réduction du bilan est inédit et fait rentrer les marchés en territoire inconnu. En combinant le QT et le financement du déficit américain, « le secteur privé devra absorber environ 2.000 milliards de dollars de titres chaque année », estimait fin avril Steven Zeng, stratégiste taux chez Deutsche Bank, dans les colonnes de L’Agefi Hebdo. Quel impact la baisse du bilan aura-t-elle sur la liquidité du marché obligataire, les conditions financières, le marché immobilier américain par le biais des MBS, ou l’inflation ? Aucun investisseur ne se risque à des prévisions définitives.
Le seul exemple récent d’une combinaison de hausse de taux et de retrait des liquidités de la banque centrale, à un rythme moins soutenu, remonte à 2018. La Fed avait fini par rétropédaler, alors même que l’horizon économique semblait plus dégagé qu’aujourd’hui mais que l’inflation n’était pas un problème. Quatre ans plus tard, les indices de prix accaparent l’attention et la banque centrale doit agir vite et fort, quitte à risquer un atterrissage brutal de l'économie et à revoir sa copie dans quelques trimestres. « Nous ne sommes pas dans le camp de la récession, mais si les taux d’intérêt arrivent rapidement en territoire restrictif, que la croissance ralentit nettement et que l’inflation se dirige vers sa cible, la Fed pourrait vite inverser le cours des choses », réagissaient mercredi les économistes d’ING. On n’en est pas encore là : «rien dans l'économie ne suggère qu’elle est proche d’une récession» a martelé Jerome Powell.
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Immigration Sud-Coréenne : Séoul préoccupé après le vaste raid dans une usine Hyundai aux États-Unis
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Réassurance : prix en baisse mais secteur stable face aux catastrophes et émeutes
Paris - Les réassureurs, qui se retrouvent à partir de samedi pour plusieurs jours à Monaco pour leurs traditionnels «Rendez-vous de septembre», s’apprêtent à faire face à une baisse des prix dans ce secteur, qui ne bousculera toutefois pas leur stabilité, selon les analystes. Les réassureurs, dont le métier consiste à assurer les assureurs, commencent à l’automne les négociations annuelles avec leurs clients assureurs sur le montant des primes que ces derniers leur versent. En échange, les réassureurs prennent en charge une partie des risques portés par les assureurs, en se positionnant sur les risques les plus extrêmes et moins fréquents (tempêtes, feux de forêt, émeutes, attentats terroristes...). En 2024, le marché de la réassurance mondiale s'élevait à 400 milliards de dollars, près de 20 fois moins que celui de l’assurance traditionnelle. Lors des précédentes années, les principaux réassureurs mondiaux, comme Munich Re ou Swiss Re, avaient imposé une hausse des prix et établi des conditions tarifaires et contractuelles qui leur étaient plus favorables. Mais, selon les analystes, le pic des prix de la réassurance est aujourd’hui passé. «On a atteint un point haut en 2024. Et depuis, on le voit au niveau du renouvellement (des contrats), les prix ont tendance à baisser», a expliqué à l’AFP Manuel Arrivé, de l’agence de notation Fitch. «On pense que cette tendance va perdurer» car «il y a une dynamique d’offre et de la demande de plus en plus en faveur des assureurs et en défaveur des réassureurs». L’agence de notation considère que le secteur sera «détérioré» en 2026. Elle met entre autres en avant l’augmentation des coûts des sinistres. Ceux des incendies dévastateurs de Los Angeles, évalués à 40 milliards de dollars, pèsent eux seuls pour la moitié des sinistres liés aux catastrophes naturelles. «On a déjà 80 milliards (de dollars) de sinistres à fin juin. Il fait peu de doute qu’on va dépasser 100 milliards avec le deuxième semestre», a précisé Alexis Valleron, délégué général de l’Association des professionnels de la réassurance en France (Apref), devant la presse vendredi. 2024 a été la cinquième année consécutive où le coût des sinistres des périls naturels a dépassé 100 milliards de dollars dans le monde. Risque émeutes en hausse Face à la multiplication des catastrophes naturelles, la plupart des réassureurs ont décidé ces dernières années de moins s’exposer à certains périls. Dans ce contexte, les réassureurs peuvent compter sur leurs capitaux. S&P Global considère «le secteur mondial de la réassurance comme stable, soutenu par le capital robuste des réassureurs, des marges de souscription solides, des rendements d’investissement élevés et des perspectives de bénéfices encore favorables au-dessus du coût du capital du secteur», décrit l’agence de notation dans un rapport. Les dirigeants de l’Apref ont également évoqué le risque émeutes après des années marquées par les troubles sociaux en France, notamment en 2023 après la mort de Nahel, adolescent tué par un tir policier, ou l’insurrection en Nouvelle-Calédonie à l'été 2024. Les émeutes en Nouvelle-Calédonie ont, à elles seules, coûté un milliard d’euros aux assureurs (dont 500 millions aux réassureurs), sur un coût total des dégâts estimé à 2,2 milliards. Le bilan des émeutes de l'été 2023 en France avait été de 730 millions d’euros (200 millions pour les réassureurs). Selon un article des Echos publié jeudi, le gouvernement prévoit de créer un fonds de réassurance pour couvrir les dégâts liés aux émeutes, sur le modèle du régime des catastrophes naturelles. «Il faut qu’il y ait une définition précise et il faut savoir ce que prendra en charge un mécanisme d’Etat», a insisté Dominique Lauré, vice-président de l’Apref. Selon lui, «il faut qu’il y ait une incitation au maintien de l’ordre pour l’Etat». Et non pas «un mécanisme qui fait que l’Etat n’a finalement plus intérêt à maintenir l’ordre puisque les conséquences économiques sont prises en charge par un fonds», estime celui qui est également directeur général adjoint de Liberty Mutual Reinsurance. Maryam EL HAMOUCHI © Agence France-Presse -
Thaïlande : Anutin Charnvirakul promet des législatives sous quatre mois après sa nomination mouvementée
Bangkok - Le Premier ministre élu thaïlandais Anutin Charnvirakul a assuré samedi vouloir organiser, comme il s’y est engagé, des législatives dans un délai de quatre mois. «Je pense que nous sommes clairs sur le plan politique : nous allons dissoudre le parlement dans quatre mois», a-t-il lancé lors d’une réunion à son siège de son parti, le Bhumjaithai, retransmise par les médias thaïlandais. «Je vais essayer de former mon cabinet le plus rapidement possible», a-t-il souligné, au lendemain de son élection comme Premier ministre par le Parlement, à la suite de la destitution de Paetongtarn Shinawatra. Le magnat conservateur a obtenu le soutien du Parti du Peuple, jusque-là principal parti d’opposition, qui a exigé une dissolution du Parlement et l’organisation de nouvelles élections dans un délai de quatre mois. Le pouvoir de dissoudre le Parlement relève cependant du roi. Il revient également au souverain d’approuver formellement la nomination d’Anutin Charnvirakul comme Premier ministre. Anutin Charnvirakul, dont le parti avait lâché Paetongtarn Shinawatra en juin en raison de sa gestion du conflit frontalier avec le Cambodge, avait assuré vendredi, après son élection, qu’il respecterait «tous les accords». Il avait par ailleurs assuré qu’il n’y aurait «ni favoritisme, ni persécution, ni vengeance» à l’encontre du père de celle-ci, l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra (2001-2006), qui a annoncé vendredi avoir quitté le pays. La Cour suprême doit se prononcer mardi sur la libération anticipée dont a bénéficié Thaksin peu après qu’il fut rentré d’exil en août 2023. L’ancien dirigeant, qui avait été condamné à huit ans de prison pour corruption, risque une réincarcération, selon certains analystes. Thaksin, qui a indiqué vendredi s'être rendu à Dubaï, a assuré qu’il entendait revenir au pays d’ici mardi. «Je prévois de retourner en Thaïlande au plus tard le 8 (septembre, ndlr) afin de me rendre personnellement au tribunal», a-t-il affirmé sur X. Dans un autre dossier, il avait été acquitté le 22 août du crime de lèse-majesté. © Agence France-Presse