La Fed a déjà effacé la moitié de la réduction de son bilan

La crise bancaire a amené la Banque centrale américaine à engager plus de 300 milliards de liquidités en cinq jours.
FED réserve fédérale
La Fed repousse son QT pour sauver les banques en difficulté  -  Photo Fed.

Du fait de la nouvelle crise bancaire aux Etats-Unis, la Réserve fédérale (Fed) a engagé plus de 300 milliards de nouvelles liquidités en moins de cinq jours. Les données publiées le 16 mars par la banque centrale ont ainsi montré que les banques sont rapidement venues emprunter 12 milliards de dollars auprès de la nouvelle facilité Bank Term Funding Program (BTFP), plus de 152,8 milliards au guichet d’escompte – le filet de sécurité traditionnel des banques –, ce qui constituait un record, après les 4,58 milliards empruntés la semaine précédente, et un record historique de 111 milliards de dollars en une semaine lors de la crise financière de 2008.

Pris ensemble, le crédit accordé par le biais de ces deux facilités montre un système bancaire fragilisé et confronté à la migration des dépôts à la suite des faillites de Silicon Valley Bank (SVB) et de Signature Bank. La Fed a ouvert d’autres systèmes de prêts à hauteur de 142,8 milliards de dollars à destination des structures créées par la Federal Deposit Insurance Corp (FDIC) pour prendre le relais des activités restantes de ces deux banques.

«Le bilan de la Fed a augmenté de plus d’environ 300 milliards en une semaine, ce qui n’était pas arrivé depuis mars-avril 2020, quand l’augmentation de la taille du bilan tournait autour de 600-700 milliards par semaine, commente Bastien Drut, responsable des Etudes et de la Stratégie de CPR AM. C’est déjà environ la moitié du programme de réduction de bilan (quantitative tightening, QT) engagé en juin 2022 (à hauteur de 95 milliards de dollars par mois depuis septembre, ndlr) qui est ainsi effacée», ajoute-t-il. Le bilan avoisinait ainsi à nouveau 8.700 milliards mercredi soir, avec 440 milliards de réserves bancaires supplémentaires selon Capital Economics.

Le programme BTFP a été créé dans l’urgence le 12 mars pour offrir aux banques des prêts d’un an (maximum) d’un montant égal aux garanties apportées sous forme de bons du Trésor américain (US Treasuries) et titres adossés à des prêts hypothécaires (MBS), et pour un coût correspondant au taux swap indexé au jour le jour IOS sur un an majoré de 10 points de base (pb). Les titres apportés ont été valorisés à 100% du pair, au lieu d’une valeur de marché inférieure – avec la baisse des taux – si ces banques devaient les valoriser dans leur «trading book» (available for sale, AFS), ou encore moins si elles devaient les vendre dans l’urgence ou les apporter en collatéral (avec décote) à un programme plus «normal». L’opération est donc rapidement devenue intéressante pour les banques régionales devant faire face à des retraits de dépôts massifs. Le Trésor américain, garantissant comme en 2020 via son Fonds de stabilisation des marché (FSE) le BTFP à hauteur de 25 milliards, permettrait de couvrir les possibles pertes de la Fed sur les nouveaux actifs reçus en collatéral, qui pourraient ainsi atteindre entre 500 et 2.000 milliards selon les analystes de JPMorgan.

Par ailleurs, les banques ont activé leurs emprunts auprès du guichet d’escompte (discount window) de leur Fed régionale dès le vendredi alors que, depuis 2008, cette facilité n’était plus très bien vue, et assez peu utilisée : l’encours avait augmenté de quelques centaines de millions à 5-10 milliards en 2022, et donc à plus de 150 milliards la semaine dernière. Le taux d’escompte facturé pour cette trésorerie à court terme - «overnight» ou jusqu’à 90 jours pour absorber un choc de marché - est égal au haut de fourchette des taux Fed funds (4,75%) pour la facilité «primary credit» ouverte aux banques plus solides, celle utilisée depuis deux semaines. Il en coûte 50 pb de plus pour la facilité «secondary credit» ouverte à d’autres banques et/ou pour des problèmes spécifiques (litiges, défauts de contrepartie, etc.), pas utilisée actuellement alors qu’on aurait pu penser que certaines banques régionales n’étaient éligibles qu’à ce guichet-là… Si le type de collatéral accepté en garantie est dans les deux cas plus large que pour d’autres facilités, la décote sur la valeur de marché y est également plus importante. Ces recours en hausse témoignent de réelles difficultés…

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Marchés plus sensibles ?

De fait, alors que les marchés monétaires américains semblaient insensibles aux événements jusqu’à mardi, c’est moins le cas depuis : sur les mises en pension (repo), le taux de référence Sofr au jour le jour a augmenté d’une dizaine de pb, jusqu’à 4,72% pour les contreparties sondées les plus à risque, tandis que, après avoir d’abord chuté pour refléter l’attente de taux Fed funds moins relevés dans les prochains mois, d’autres taux courts comme Term Sofr 3 mois ont rebondi d’au moins 10 pb mercredi et vendredi. Malgré une collecte nette hebdomadaire des fonds monétaires records depuis avril 2020 (113 milliards selon EPFR), les «surliquidités» déposées chaque nuit auprès de la Fed via la facilité RRP O/N faute de titres courts disponibles ont diminué sensiblement depuis le 9 mars, de 2.230 à 2.050 milliards de dollars environ. Les temps changent.

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