La BCE commence à puiser dans ses provisions

Les pertes de l’institution européenne auraient atteint 1,6 milliard d’euros en 2022 sans cette mesure.
Fabrice Anselmi
BCE
La taille du bilan de la BCE a augmenté de 19 milliards pour atteindre 699 milliards.  -  Bloomberg

La Banque centrale européenne (BCE) a publié jeudi ses résultats pour 2022 faisant apparaître un bénéfice nul (192 millions d’euros en 2021) après1,6 milliard d’euros de reprises de provisions pour risques financiers. Ces pertes résultent principalement des charges d’intérêts liées au passif de la banque centrale, de dépréciations de titres et de portefeuilles en dollars. Après la reprise, la provision pour risques financiers a diminué à de 8,2 à 6,6 milliards d’euros.

Dans le détail, les revenus nets d’intérêts ont baissé de 1,56 milliard à 900 millions d’euros entre 2021 et 2022, du fait principalement de la charge d’intérêts lié au passif net (Target 2). Celle-ci s’est élevée à 2,07 milliards, notamment en lien avec la hausse des taux sur les opérations principales de refinancement de l’Eurosystème. Le produit net des revenus d’intérêts des titres détenus en direct à des fins de politique monétaire (10% contre 90% pour les banques centrales nationales) a augmenté de 1 à 1,5 milliard, et celui sur les avoirs de réserve de change de 197 à 798 millions, principalement grâce à la hausse des rendements en zone euro et aux Etats-Unis.

Sur le portefeuille d’actifs au bilan, la BCE a enregistré 1,84 milliard de réductions de valeur en 2022 (133 millions en 2021), principalement en raison de moins-values latentes sur les titres détenus dans le portefeuille de fonds propres et les portefeuilles en dollars américains liées. Aucunes moins-values, en revanche, sur ses programmes d’achats d’actifs qui ne font pas l’objet d’une valorisation de marché. «Des tests de dépréciation ont été effectués sur les titres détenus par la BCE dans ses portefeuilles de politique monétaire, qui sont évalués au coût amorti (sous réserve de dépréciation) : sur la base des résultats de ces tests, aucune perte de valeur n’a été constatée sur ces portefeuilles», rappelle l’institution de Francfort, dont les autres postes ont assez peu bougé.

La taille du bilan de la BCE a augmenté de 19 milliards pour atteindre 699 milliards, principalement en lien avec les titres achetés en directs (+12 milliards) dans le cadre des programmes d’achats d’urgence pandémique (PEPP) et réguliers (APP). «Même après les opérations de 2022, la BCE dispose encore de 6,6 milliards de provisions, 8,9 milliards de capital et 36,5 milliards dans un ‘compte de réévaluation’ destiné à couvrir les pertes de marché, note Carsten Brzeski, directeur de la macroéconomie chez ING. Dans le passé, ces réserves ou provisions pour risques étaient utilisées pour réduire les bénéfices officiels. Maintenant, elles seront utiles.»

Question politique ou de crédibilité ?

La BCE comme les banques centrales nationales, auxquelles elle ne remontera aucune distribution cette année, n’ont pas vocation à dégager des profits même si elles génèrent des revenus en prêtant aux banques ou via leur portefeuille d’actifs. La Banque des règlements internationaux (BRI/BIS) avait insisté sur ce point au début du mois. Alors que les banques centrales nationales de l’Eurosystème présenteront leurs comptes dans les prochaines semaines, certaines ont déjà mis en garde sur les pertes pour 2022 et les prochaines années : le gouverneur de la banque centrale néerlandaise Klaas Knot craint que ces pertes ne deviennent «considérables» et nécessitent de réinjecter du capital, la Banque nationale de Belgique a projeté 9 milliards d’euros de pertes jusqu’à 2027, etc. La Bundesbank, qui a publiera ses états financiers le 1er mars en Allemagne, n’avait d’ailleurs distribué aucun bénéfice au gouvernement les deux dernières années, choisissant plutôt d’augmenter ses provisions pour risques à cause des programmes d’achats d’actifs. L’enjeu politique devrait croître dans les mois et années à venir, tant sur le plan du coût potentiel pour les contribuables et des bénéfices induits pour les banques déposantes que sur la crédibilité éventuelle des banques centrales concernées si leur solidité venait à être remise en cause.

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