
La Banque du Brésil démarre sa baisse des taux

Le Brésil emboîte le pas du Chili et de l’Uruguay. La Banco Central do Brasil a annoncé dans la nuit du 2 au 3 août une baisse de 50 points de base (pb) de son taux directeur, à 13,25%, mettant fin à la plus agressive des politiques monétaires post-Covid (voir graphique). La banque centrale a d’ailleurs signalé plusieurs baisses de même ampleur pour les mois à venir si ses prévisions économiques s’avéraient justes.
Le combat contre la hausse des prix semble en grande partie gagné dans le pays. Après une année au-dessus des 10%, l’inflation est descendue en juin et en juillet juste en-dessous de la cible actuelle de 3,25%. Le pays avait souffert de fortes poussées inflationnistes sur l’énergie et les matières premières, dont la place dans le panier de consommation est plus large qu’en Occident.
La vigilance reste toutefois encore de mise, puisque l’inflation devrait repartir à la hausse au second semestre en raison d’un effet de base. La banque centrale anticipe une inflation à 4,9% pour 2023, puis 3,4% pour 2024 et 3% pour 2025, des niveaux supérieurs à la période pré-Covid, et indique qu’elle devrait conserver encore un moment une politique monétaire assez restrictive. «Nous anticipons un cycle de baisse de taux conséquente au Brésil pendant un an pour atteindre un taux terminal de 9,25% en août 2024», estime Samy Chaar, chef économiste chez Lombard Odier.
La décision intervenue le 2 août a toutefois surpris les économistes, puisque moins d’un quart d’entre eux anticipaient une telle baisse. Le vote fut serré entre les membres du comité de politique monétaire, avec cinq voix pour 50 pb, et quatre pour 25 pb. La première participation de deux membres nommés par le nouveau président de gauche Lula aura pesé, ce dernier souhaitant notamment faire respirer l'économie et faire baisser le chômage.
L’Amérique du Sud à l’avant-garde de la baisse des taux
Le Brésil avait entamé un resserrement monétaire express en mars 2021, faisant passer son taux directeur de 2% à 13,75% en seulement un an et demi. La politique monétaire était depuis lors sur pause, le comité de politique monétaire attendant une baisse durable de l’inflation pour entamer la baisse. Cette patience avait agacé Lula, qui avait critiqué le gouverneur de ne pas baisser les taux malgré les bons chiffres de l’inflation de début 2023. Ce dernier aura finalement fait pencher la balance en faveur d’une réduction de 50 points de base.
La baisse des taux au Brésil est toutefois moins rapide qu’au Chili, où la banque centrale a réduit le sien fin juillet de 100 points de base, à 10,25%. Là aussi, le comité de politique monétaire a accéléré plus vite que prévu par les économistes, qui anticipaient une baisse de 75 points de base. Le Chili est le premier grand pays émergent, à l’exception de la Chine, à baisser ses taux.
D’autres pays d’Amérique latine devraient aussi pivoter dans les mois à venir. La Colombie a maintenu le sien à 13,25% en milieu de semaine, mais devrait le baisser en octobre, écrivait Lupin Rahman, gérante chez PIMCO. Plus au nord, le Mexique pourrait, lui, le faire le mois suivant. Le mouvement dans la région a démarré en Uruguay, avec une baisse de 25 points de base en avril à 11,25%, puis une autre de 50 pdb à 10,75% en juillet.
La décision de la banque centrale brésilienne est perçue par les observateurs comme le signal d’un cycle de baisse des taux en 2024 pour la Fed, la BCE et la BoE. Les pays latino-américains sont en effet considérés comme plus expérimentés dans la lutte contre l’inflation, alors que les pays occidentaux n’avaient plus connu de hausse importante des prix depuis les années 80.
«Nous regardons souvent ce qui se fait en Amérique latine et surtout au Brésil comme un indicateur avancé de la politique monétaire aux Etats-Unis et en Europe», explique Samy Chaar. En attendant les prochaines réunions de politiques monétaires de Francfort, Londres ou Washington, les observateurs auront les yeux rivés sur le symposium de Jackson Hole qui se tiendra du 24 au 26 août. Les grands banquiers centraux et économistes, qui discuteront cette année des changements structurels de l’économie mondiale, vont sans nul doute étudier les baisses de taux à venir à la lumière des décisions du Brésil et de ses voisins.
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