
Fiscalité des entreprises : Bruxelles mise sur un choc de simplification

Dans le domaine fiscal, un texte législatif proposé par la Commission européenne n’a pas de garantie d’être effectivement mis en œuvre dans le futur, loin de là. Ce, en raison de la règle du vote à l’unanimité des Etats membres de l’UE en matière de taxation. L’idée d’instaurer une assiette commune pour l’impôt des sociétés est l’un des exemples les plus parlants : après des tentatives avortées en 2011 puis en 2016, Bruxelles est revenu à la charge ce 12 septembre. Néanmoins, les deux commissaires européens chargés de présenter le texte depuis le Parlement de Strasbourg, Thierry Breton (Marché intérieur), et Paolo Gentiloni (Economie), se sont dits «optimistes» pour la suite. Cette fois-ci, les Etats membres ont été suffisamment «consultés en amont», veut-on croire au sein de l’exécutif communautaire. A première vue, l’idée n’a pas changé : le BEFIT (Business in Europe Framework for Income Taxation) vise à consolider sur une seule base les profits des grandes entreprises pour ensuite être alloués aux États taxés selon le taux défini par chaque gouvernement.
Le principe est le même, à une notable exception près. Initialement, la Commission comptait mettre en place une «formule de répartition» plus juste, redistribuant les droits de prélèvement entre États au profit de ceux où les multinationales créent réellement leur valeur. Mais cette idée a été battue en brèche par les pays adeptes du dumping fiscal comme l’Irlande ou la Lituanie, avec succès. L’alternative est ainsi nettement moins ambitieuse. Pendant une «phase de transition de sept ans», l’UE se contenterait de répartir l’assiette fiscale entre les pays membre en fonction du lieu où les impôts ont été payés dans le passé (sur la base d’une moyenne sur les années précédentes). «Cela signifie que les paradis fiscaux comme l’Irlande continueront de se tailler la part du lion des profits de multinationales américaines en Europe», regrette Tommaso Facio, chercheur à l’université de Nottingham et secrétaire général de la Commission indépendante pour la réforme de l’impôt international sur les sociétés (Icrict).
Cependant, le premier pilier de l’accord sur la fiscalité internationale conclu sous l’égide de l’OCDE pourrait un jour changer la donne. Celui-ci consiste en effet à allouer aux pays dans lesquels les multinationales ont une activité sans y être établies physiquement, le droit de taxer une fraction des bénéfices de l’entreprise. Mais, contrairement au «pilier 2» (instaurant une taxation minimale à 15%, déjà acté dans l’UE), la mise en œuvre de cette partie de l’accord est loin d’être déjà acquise.
Des mesures pour les PME
Le reste du paquet législatif fait la part belle aux mesures en faveur des PME, fragilisées par les chocs du covid, puis de la guerre en Ukraine. Là aussi, le mot d’ordre est la «simplification», en particulier pour les PME actives dans plusieurs pays européens. Première proposition phare : l’instauration d’un «corpus unique de règles fiscales». «Imaginez une PME portugaise exportant en Autriche, en Italie, aux Pays-Bas et en France. Elle est confrontée à cinq langages différents, cinq administrations, et cinq systèmes d’imposition différents. C’est un casse-tête et un obstacle majeur à son développement», relève un haut fonctionnaire européen. «Notre proposition pour les PME c’est : une seule déclaration de revenus, un seul ensemble de règles, une seule administration. Ce dans l’objectif d’enfin faire du marché intérieur une réalité aussi pour les PME», a plaidé Paolo Gentiloni mardi. Concrètement, dans l’exemple précédent, l’assiette fiscale serait calculée selon les règles portugaises. Puis le Portugal serait chargé de collecter les impôts en fonction des taux en vigueur dans chacun des quatre autres pays et de leur envoyer les recettes. «C’est évidemment un petit défi de coordination administrative», note pudiquement une source européenne.
Dernier bloc du paquet législatif, un durcissement des règles européennes censées encadrer les retards de paiements, afin de mieux protéger les PME. Parmi celles-ci, une faillite sur quatre serait due à des factures payées en retard, selon les chiffres de Bruxelles. Visiblement peu efficace, la directive actuelle est transformée en règlement, directement applicable, sans besoin de transposition par les Etats membres, donc, avec inscrit dans le marbre, un délai maximum de 30 jours, imposé y compris pour les administrations publiques, lesquelles sont «souvent coupables d’abus», comme l’a noté mardi Thierry Breton. Au menu également : une automatisation des paiements de frais compensatoires et d’intérêts en cas de retard. Reste désormais à savoir ce qu’en diront les Etats membres.
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