
Evergrande, faux Lehman Brothers, vrai boulet

Le grand moment est arrivé. Evergrande amorce la purge des excès du secteur immobilier en Chine, que les cassandres prédisaient depuis plus d’une décennie sans jamais la voir. La débâcle du promoteur aux 300 milliards de dollars de dette et aux activités tentaculaires, qui n’avait d’abord suscité que l’indifférence, fait désormais passer un frisson d’angoisse sur les marchés boursiers mondiaux à mesure que Pékin laisse le groupe s’enfoncer dans la crise.
Y aura-t-il un moment Evergrande comme il y eut un moment Lehman, ce vertige qui figea la planète finance il y a tout juste treize ans lorsque les Etats-Unis décidèrent de laisser tomber la firme de Wall Street ? Probablement pas, espèrent les observateurs. Les autorités chinoises sont conscientes du risque systémique posé par un acteur d’une telle taille, de son imbrication avec les banques et les fonds qui le financent. Elles voudront s’épargner une catastrophe économique à un an du Congrès du Parti communiste prévu pour l’automne 2022. Ce sont elles, surtout, qui ont sciemment exacerbé les difficultés du deuxième promoteur du pays en durcissant la réglementation immobilière et les conditions d’octroi des crédits, là où Lehman Brothers était tombée en quelques jours, prenant le Trésor et la Fed par surprise.
Pour Pékin, le chemin de crête est étroit : siffler la fin de la récréation dans un secteur dopé à la dette sans provoquer d’effondrement général, traiter un dossier considéré comme trop gros pour faire faillite (« too big to fail ») sans encourager à nouveau l’aléa moral. La raison plaide pour une restructuration ordonnée du passif d’Evergrande. Les autorités ont pour cela tous les leviers en main – monétaire, réglementaire, bancaire –, à un degré sans équivalent dans d’autres économies. Elles ont aussi montré il y a deux ans, lors de la mise sous tutelle de Baoshang Bank, qu’elles savaient circonscrire le risque systémique interbancaire.
Le coût pour le système s’annonce néanmoins exorbitant. Même si Pékin parvient à éviter une embolie à la Lehman, il lui faudra traîner longtemps ce boulet. Début des années 90 en Europe et au Japon, subprime américain, bulles en Irlande et en Espagne : les crises immobilières sont les plus douloureuses et les plus lentes à soigner, les plus promptes aussi à muter en crise bancaire. En Chine, le secteur pris au sens large pèse quasiment 30 % du produit intérieur brut. L’économie locale paiera le prix de cette purge. On s’explique mieux l’objectif de croissance relativement modeste que le Parti avait annoncé pour 2021. Le moment Evergrande ne fait que commencer et il pourrait bien durer plusieurs années.
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