Euronext évite l’indigestion en renonçant à Allfunds

L’opérateur boursier a renoncé à acheter la plateforme de distribution de fonds espagnole. Les financements apparaissaient trop tendus pour assurer le succès de l’opération.
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Le calcul a été vite fait. Dans un communiqué succinct, l’opérateur de marché Euronext a annoncé dans la nuit de mardi à mercredi qu’il renonçait à faire une offre sur la plateforme de distribution de fonds Allfunds. Une semaine auparavant, des fuites dans la presse avaient obligé l’opérateur paneuropéen à officialiser son intérêt pour le rachat les parts détenues par Hellman & Friedman et BNP Paribas dans la société espagnole sur une base de 5,5 milliards d’euros.

Plutôt que de susciter l’engouement, cette offre avait soulevé de nombreuses interrogations, provoquant une chute de plus de 10 % de l’action Euronext dans les séances qui ont suivi et une hausse de près de 20% de celui d’Allfunds.

Avant même toute considération stratégique, le financement d’une telle opération est rapidement apparu difficile à supporter pour l’opérateur boursier. Celui-ci n’avait pas donné de détail financier sur ce potentiel rachat. «Pour financer l’opération Euronext devra soit augmenter son ratio de dette sur Ebitda au-dessus de 3,5 fois, ou envisager une émission d’actions avec droits de souscription pour 1,2 milliard d’euros, en plus de maximiser le ratio de levier », écrivaient les analystes de JPMorgan au lendemain du premier communiqué d’Euronext.

Selon Allfunds, l’offre indicative d’Euronext s'élevait à 8,75 euros par action et se composait de 5,69 euros par action en espèces plus 0,04059 nouvelle action. Elle supposait donc un débours en cash de 3,6 milliards d’euros. Or, selon les calculs de JPMorgan, Euronext n’avait qu’une capacité d’endettement supplémentaire de 2,3 milliards pour respecter le ratio d’endettement de 3,5 fois l’Ebitda qui lui permet de conserver une notation BBB chez les agences de notation. Un endettement supplémentaire aurait pu conduire les agences à abaisser leur note, une solution inenvisageable pour l’opérateur boursier, tandis qu’une augmentation de capital aurait présenté un important effet dilutif sur la valeur.

La voie vers le rachat semblait donc étroite. D’autant qu’il apparaissait très peu probable qu’Euronext soit en capacité de surenchérir dans le cas du dépôt d’une offre concurrente. Selon les calculs de Credit Suisse, «l’acquisition d’Allfunds ne représenterait qu’une amélioration de 1% des bénéfices d’Euronext au cours de la première année complète, en 2024». Le courtier estimait que «l’offre Euronext est à peu près le maximum que le groupe pourrait offrir». Or, plusieurs sources de presse ont fait état d’un intérêt potentiel de Deutsche Börse pour Allfunds. Toujours selon Credit Suisse, pour la Bourse allemande, susceptible de bénéficier de conditions de financement meilleures, les bénéfices supplémentaires se monteraient à 5% pour la première année pleine, «ce qui pourrait lui donner la possibilité d’offrir un prix plus élevé».

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Allfunds sur la défensive

La logique même de l’opération avait été mise en cause par de nombreux observateurs. Lors des précédentes opérations de croissance externe d’Euronext, comme le rachat de Borsa Italisana annoncé en 2021, le groupe avait mis en avant d’importantes synergies. Cela apparaissait beaucoup moins évident avec Allfunds, tant les métiers exercés et les infrastructures utilisées par les deux sociétés apparaissaient différents. La complémentarité des bases de clientèles, pour l’essentiel des asset managers, qui aurait pu être mise en avant par les deux groupes réunis, semblait aussi difficile à exploiter.

Enfin, Allfunds doutait de l’opportunité d’un tel rapprochement. Dans un communiqué publié le 1er mars rejetant cette offre, la plateforme précise bien que l’approche d’Euronext était «non sollicitée» et que le conseil d’administration de la société a estimé que «les termes de la proposition étaient inadéquats». Lors de la présentation des résultats de la société le 28 février, le directeur général d’Allfunds Juan Alcaraz a d’ailleurs davantage présenté son groupe comme un prédateur, «ambitieux» sur sa stratégie d’acquisition, que comme une cible potentielle.

«Nous n’avons jamais reçu du board d’Allfunds un rejet de l’offre», indiquait mercredi à L’Agefi un porte-parole d’Euronext. Ce dernier précise que le groupe paneuropéen «a mené ses due diligences et a décidé de retirer son offre».

Le renoncement d’Euronext marque un retour à la case départ pour les actions des deux groupes. Le cours de l’opérateur boursier progressait en séance de plus de 5,5% à 72,7 euros à 13h40 tandis que celui d’Allfunds abandonnait 14,1% à 7,1 euros.

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