
Aides d’Etat, l’autre test de solidarité européen

Le projet de fonds de relance franco-allemand a pu être qualifié de moment « hamiltonien » pour l’Union européenne, par référence au choix historique de mutualiser la dette des tous jeunes Etats d’Amérique. Les Etats-Unis d’Europe sont pourtant loin, et le clivage Nord-Sud toujours aussi prégnant de ce côté-ci de l’Atlantique. Si la proposition de Paris et Berlin revêt une telle importance pour la construction et la solidarité européennes, c’est qu’elle constitue aussi le pendant d’un pilier du marché unique aujourd’hui sérieusement ébranlé par la pandémie : le régime des aides d’Etat, que la Commission a dû assouplir en urgence, et à juste titre, en mars.
Mieux valait entrer dans cette crise riche et bien portant que pauvre et souffreteux. L’état des finances publiques a déterminé le montant et la forme des plans de soutien exceptionnels adoptés durant le confinement des économies, et il contraint tout autant les plans de relance. Dans les pays fragiles, comme l’Espagne, l’effort a été relativement limité. Les prêts garantis par l’Etat, qui ne coûtent rien dans l’immédiat, ont été privilégiés aux recapitalisations, dont on sait qu’elles constitueront la seule issue viable pour nombre de sociétés. L’Allemagne, elle, a débloqué au bénéfice de ses entreprises plus de la moitié des aides d’Etat approuvées à Bruxelles. Les sommes sont énormes : deux fois le fameux fonds élaboré avec Paris et dont la manne serait répartie entre les Vingt-Sept.
On ne saurait reprocher à Berlin de tirer aujourd’hui le bénéfice d’années de gestion budgétaire au cordeau, et de puiser dans un trésor de guerre que certains de ses voisins n’ont pas su constituer quand la conjoncture le leur permettait. Pendant qu’Air France fera gonfler ses dettes, Lufthansa pourra donc renforcer ses fonds propres. Le danger n’a pas échappé à la vigilance des services de Bruxelles, qui joue une partie serrée sous la pression des Etats. Le risque de distorsion de concurrence n’a jamais été aussi grand. D’autant qu’en matière de contreparties exigibles pour préparer le « monde d’après », notamment sur le plan environnemental, l’Europe ne s’est pas encore fixé de règles communes.
Il serait tentant d’en arriver à un grand marchandage dont l’Union a le secret : oui à un fonds de relance de plusieurs centaines de milliards d’euros, à condition de ne pas se montrer trop regardant, pour quelques trimestres encore, sur les recapitalisations d’entreprises. Si cet effort ne devait aboutir qu’à creuser, en sortie de crise, les écarts de performance entre économies de la région, ce serait un mauvais service rendu à l’idée même de cohésion européenne.
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