
Toujours dans le rouge, BforBank se cherche un avenir

La banque en ligne peine à trouver son modèle en France. Créée en 2009 par les caisses régionales du Crédit Agricole, BforBank n’échappe pas à la règle. La banque digitale du groupe mutualiste n’est toujours pas rentable. Pis, elle a creusé ses pertes en 2021, avec un résultat net de -53,7 millions d’euros sur l’exercice, contre -23,3 millions d’euros l’année précédente, révèle la publication de ses comptes au Bulletin des annonces légales obligatoires (Balo).
Le plan de développement de BforBank prévoyait, à l’origine, de dégager un résultat net positif dès 2013. Un objectif qui n’a eu de cesse d’être repoussé. Fin 2017, le Crédit Agricole affichait son intention de faire passer ses comptes dans le vert « au-delà de 2021 ».
450 millions d’euros d’investissements
Crédit Agricole SA, devenu actionnaire majoritaire de BforBank lors de sa dernière augmentation de capital, avec un peu plus de 50% des parts, croit encore pouvoir transformer l’essai. L’organe de tête du groupe mutualiste a annoncé, dans le cadre de son plan à moyen terme, vouloir investir 450 millions d’euros sur cinq ans pour réaliser « une transformation d’ampleur de BforBank ». Contacté par L’Agefi, CASA n’était pas disponible dans l’immédiat pour livrer davantage de précisions.
« En France comme à l’étranger, aucune banque digitale n’est rentable, y compris Revolut, rappelle Nicolas Taufflieb, managing director du cabinet Alvarez & Marsal. La banque de détail est un métier industriel et de masse. Le secteur bancaire en France est, de plus, très concentré, avec des réseaux de proximité de taille importante, dominé par les acteurs coopératifs qui ont près de deux tiers du marché. A moins de 5% de parts de marché dans l’Hexagone, on ne peut pas être rentable. »
BforBank, qui revendiquait 230.000 clients en 2019 selon les derniers chiffres communiqués, est très loin des 4 millions de clients détenus par Boursorama, par exemple. La banque digitale du Crédit Agricole paie son positionnement sur une base de clientèle trop restreinte. A son lancement, la banque digitale s’adressait à une clientèle CSP+ proche de la banque privée à laquelle elle proposait livret d’épargne, assurance vie et OPCVM. Ce modèle d’affaires reposant sur la collecte d’épargne a notamment été victime de la période de taux bas prolongée. Ce n’est qu’en 2017 que la banque digitale a élargi son offre au crédit immobilier. Un cheminement d’ailleurs similaire à celui emprunté par les néo-banques qui se sont d’abord lancées dans les paiements avant de proposer, à leur tour, des crédits.
L’importance des synergies
« Une banque de détail ne peut pas être rentable si son offre est trop restreinte. Le crédit immobilier reste un produit d’appel. La logique du modèle de banque de détail en France repose sur l’équipement du client avec jusqu’à sept produits (crédit, épargne et paiement)», souligne Nicolas Taufflieb. Autre clé du succès, selon lui, la capacité d’une banque en ligne à s’appuyer sur « des synergies industrielles et commerciales avec les plateformes (technologique, offre, risque) du modèle traditionnel » du groupe auquel elle est rattachée. C’est notamment la stratégie employée par Boursorama pour laquelle la Société Générale nourrit de fortes ambitions dans le cadre de son plan à horizon 2025.
Dans le cas de BforBank, les options sur la table ne sont pas nombreuses. Si la rentabilité n’est toujours pas au rendez-vous, le groupe pourrait à terme jeter l’éponge. Un run off sonnerait toutefois comme un aveu d’échec à l’heure où la digitalisation des usages s’accélère et où les banques doivent conquérir la génération des millenials. Pour l’heure, le Crédit Agricole, dont les derniers résultats trimestriels ont encore prouvé la bonne santé, a les moyens d’absorber ces pertes.
Les cinq augmentations de capital réalisées depuis 2009 témoignent d’ailleurs de la volonté du groupe mutualiste de persister dans cette voie. Le Crédit Agricole a ainsi injecté au total près de 380 millions d’euros dans BforBank depuis sa création, selon la dernière publication de ses comptes.
Les obstacles de la gouvernance mutualiste
Accélérer le développement d’une banque digitale dans un groupe à la structure mutualiste s’avère complexe, les caisses régionales pouvant percevoir les investissements réalisés dans BforBank comme une forme de concurrence. Or, prendre le virage du digital pour capter la clientèle des millenials s’avère indispensable pour les banques françaises. « Les grands réseaux hexagonaux doivent trouver le bon modèle pour s’adresser aux ‘digital natives’. Ces générations n’ont pas connu la télévision, elles sont connectées à leur smartphone et leur tablette et ne voient pas l’intérêt de se déplacer en agence, rappelle Nicolas Taufflieb. La banque digitale pourrait être un moyen de capter cette clientèle jeune, à condition de développer les synergies avec le réseau traditionnel. Aujourd’hui, elle est encore perçue comme une menace de cannibalisation pour les réseaux physiques, limitant de fait les synergies ».
Autre solution sur la table pour BforBank : la croissance externe. C’est grâce à un accord de reprise du portefeuille d’ING en France que Boursorama a récemment dopé la croissance de sa clientèle. Les difficultés d’Orange Bank, suivant la volonté de la nouvelle direction du groupe télécoms de conserver cette activité financière, pourraient peut-être créer une nouvelle opportunité.
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