Sécheresses, émeutes, cyberattaques : ces risques que l’assurance a du mal à couvrir

Engagés dans une quête de profitabilité, les réassureurs réduisent leur appétit, voire imposent des exclusions sur certains risques. S’ils ne veulent pas se retirer du marché, les assureurs devront renforcer leurs efforts de modélisation et de prévention.
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Les sécheresses ont coûté 12 milliards de dollars au marché mondial de l’assurance en 2022, plus du double de la moyenne annuelle observée depuis 2000  -  crédit Jose Antonio Alba/Pixabay

Dans un monde marqué par le réchauffement climatique et la montée du risque politique, l’assurabilité est le principal défi du marché privé. Aux Rendez-Vous de Septembre, traditionnelles rencontres du secteur qui se sont achevées ce mercredi à Monte-Carlo, les réassureurs mondiaux sont venus délivrer un message : les hausses tarifaires sont toujours d’actualité. Ils en ont délivré un autre : ils n’ont plus l’intention de tout couvrir. Charge aux assureurs de s’adapter.

L’inquiétude porte d’abord sur les risques naturels les plus exposés aux variations de température sur le globe. Les sécheresses ont coûté 12 milliards de dollars au marché mondial de l’assurance en 2022, plus du double de la moyenne annuelle observée depuis 2000, selon les chiffres compilés par Aon. La France n’est pas en reste, avec des épisodes caniculaires générant plus d’un milliard d’euros de pertes assurées depuis 2018, et culminant même à plus de 3 milliards d’euros en 2022. Les inondations à l’image de l’épisode meurtrier survenu en Grèce et en Turquie au début du mois coûtent, elles, chaque année 11 milliards de dollars au marché de l’assurance.

Hausse des tarifs ou prévention ?

Face à l’accumulation des pertes générées par ces périls dits «secondaires», certains réassureurs comme le Français Scor ne cachent pas vouloir réduire leur appétit vis-à-vis de ces risques les plus exposés au changement climatique. Swiss Re et Munich Re mettent, de leur côté, en avant l’importance d’«investir dans la modélisation» de ces risques. En janvier 2023, la demande de couverture des assureurs dans les dommages aux biens a, pour la première fois depuis 2017, excédé de 65 milliards la capacité offerte par les réassureurs.

Les assureurs devront-ils à l’avenir apprendre à composer avec la volatilité que génère la récurrence de ces événements climatiques ? Auront-ils d’autres choix que d’augmenter les tarifs ? Le directeur général de Scor, Thierry Léger, met l’accent sur la nécessité de «favoriser une culture de la résilience», notamment au travers des normes de construction, mais également de mettre à contribution «les politiques publiques», notamment pour «mutualiser les risques». En France, le régime public-privé de catastrophes naturelles, qui s’appuie sur la Caisse centrale de réassurance (CCR), a fait ses preuves, mais son financement commence à être fragilisé.

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«Si les réassureurs ne veulent plus absorber ce coût pour les assureurs, c’est à eux de décider s’ils veulent se maintenir sur le marché et à quel prix», grince un connaisseur du marché. Tandis que certains assureurs améliorent la cartographie de leurs risques, la fédération France Assureurs veut mettre l’accent sur la prévention. Elle vient d’annoncer, dans le cadre du programme France 2030, une «initiative sécheresse» coordonnée avec CCR et le ministère de l’Economie. Un test sera mené pendant cinq ans sur 200 maisons fissurées du fait du retrait-gonflement des sols argileux pour analyser l’impact des solutions de réparation, tandis que 100 maisons non sinistrées, mais exposées à ce phénomène serviront de pilotes aux solutions de prévention. Des solutions qui ne porteront pas leurs fruits avant longtemps sur la masse des sinistres.

Les émeutes, bientôt inassurées ?

Le réchauffement climatique n’est pas le seul facteur à bouleverser le bilan des (ré)assureurs. L’évolution du paysage politique fait flamber la facture des émeutes et soulèvements populaires, aux Etats-Unis, au Chili, en Afrique du Sud, mais aussi en France avec l’épisode des «gilets jaunes» et plus récemment des violences consécutives à la mort du jeune Nahel. Ces mouvements populaires ont causé plus de 10 milliards de dollars de pertes assurées depuis 2017.

Il va falloir «tarifer correctement» ce risque, met en garde Munich Re. Les réassureurs «pourraient imposer des sous-limites et revoir le wording des contrats», avance Scor. «L’exclusion n’est qu’une solution de dernier recours» face à l’expansion des risques, argue Thierry Léger. Après la pandémie de Covid-19 qui a généré une flambée sans précédent des pertes d’exploitation des entreprises, l’industrie de la réassurance ne s’était pourtant pas privée d’imposer des exclusions… et les assureurs dans son sillage.

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Cyberattaques, les prochaines «cat nat»

L’industrie est également mal à l’aise vis-à-vis de la menace cyber. Si elle espère capter une partie de ce marché en expansion – les primes d’assurance pourraient atteindre 50 milliards de dollars en 2030 – la modélisation et la compréhension de ce risque doivent encore progresser. «Le cyberrisque, c’est le marché catastrophes naturelles de demain. Les réassureurs veulent bien couvrir le risque cyber lorsqu’il s’agit de polices d’assurance affirmatives, mais ils fuient les couvertures silencieuses de ce risque», rappelle Benoit Butel, président du courtier LSN Ré Walbaum. Les polices d’assurance dommages souscrites par les entreprises peuvent, en effet, s’avérer de véritables boîtes noires dont certaines garanties couvrent implicitement le risque cyber.

Dernier risque en date à inquiéter le monde de l’assurance, la pollution chimique. Aux Etats-Unis comme en Europe, les scandales sanitaires liés aux «polluants éternels», les PFAS, sont en train de prendre de l’ampleur. En France, des riverains lyonnais poursuivent l’entreprise Arkema, tandis qu’un juge belge a déjà condamné au printemps l’entreprise 3M à indemniser une famille contaminée. Selon plusieurs sources concordantes interrogées par L’Agefi, Swiss Re a décidé d’exclure les dommages causés par les PFAS de ses couvertures. Les assureurs des grandes entreprises industrielles finiront-ils par faire de même ? L’une des solutions passera, là encore, par la responsabilisation de leurs clients.

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